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L'interview du 14-Juillet, une tradition à laquelle Emmanuel Macron ne s'est pas plié souvent depuis son arrivée à l'Elysée

Le chef de l'Etat ne s'exprimera pas vendredi, à l'occasion de la fête nationale. Depuis sa première élection en 2017, il ne s'est plié qu'à deux reprises à ce rendez-vous avec les Français.
Article rédigé par Léonie Bayon, franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
Emmanuel Macron lors de l'interview présidentielle dans les jardins de l'Elysée, le 14 juillet 2022. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Cette année encore, les Français devront se contenter d'apercevoir Emmanuel Macron dans la tribune présidentielle, accompagné du Premier ministre indien, Narendra Modi, entre deux cortèges militaires, vendredi 14 juillet. Après plusieurs jours d'incertitude, le chef de l'Etat a finalement fait une croix sur le rituel de l'interview présidentielle télévisée lors de la fête nationale. Le président de la République était pourtant très attendu après les récents événements qui ont secoué le pays. Il avait également promis mi-avril de faire un "premier bilan" de ses "cents jours d'apaisement" au moment du 14-Juillet. L'Elysée a toutefois annoncé qu'il s'exprimerait bien, "dans les prochains jours", sans préciser le cadre de cette intervention.

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Instaurée par Valéry Giscard d'Estaing en 1978 pour moderniser sa communication, l'interview du 14-Juillet s'est vite imposée comme un passage obligé, une dernière adresse aux Français avant l'été. Elle permettait un rendez-vous contradictoire pour défendre le bilan de l'année et dessiner les défis de la rentrée. La tradition s'est perpétuée pendant les mandats de François Mitterrand et Jacques Chirac, avant d'être interrompue pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy et reprise sous celui de François Hollande.

Emmanuel Macron, lui, s'était engagé à y renoncer complètement, avant de rétropédaler en 2020, après une violente première vague de Covid-19, et après sa réélection en 2022, quelques mois après le début de la guerre en Ukraine. 

2017 : une communication "jupitérienne"

Dès son arrivée au pouvoir, la communication rare, verrouillée et solennelle adoptée par Emmanuel Macron lui vaut le surnom de président "jupitérien". C'est donc sans véritable surprise qu'il a choisi, deux mois après sa prise de fonction, de renoncer à la tradition de l'interview du 14-Juillet, pour cette année et les suivantes. L'Elysée assure alors au Monde qu'il n'y a "pas de refus d'obstacle avec la presse" et argue que la "pensée complexe" du nouveau président de la République ne se prête pas au format de l'interview, ce qui provoque une levée de boucliers dans l'opposition. Pour seule apparition, le chef de l'Etat choisit des journaux allemands et la presse quotidienne régionale, accordant à Ouest France une interview le 13 juillet dans laquelle il se veut réformateur de la France et de l'Union européenne.

Emmanuel Macron préfère instaurer sa propre tradition annuelle en s'exprimant, début juillet 2017, devant les députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles. Le président fraîchement élu y annonce le cap pour l'année à venir, sans pour autant répondre aux questions des parlementaires. Une méthode jugée "monarchique" par La France insoumise et le Parti communiste, qui boycottent l'événement.

2018 : toujours pas d'interview malgré une popularité au plus bas

En 2018, Emmanuel Macron récidive avec un discours devant le Congrès de Versailles début juillet. Si 900 parlementaires répondent présents, le président est une nouvelle fois qualifié d'"autoritaire" par l'opposition. Le 9 juillet est pour lui l'occasion de défendre sa première année de mandat dans un contexte où il est vivement critiqué, au sein même de la majorité, explique alors Le Monde. La cote de popularité du chef de l'Etat est d'ailleurs au plus bas depuis le début de son mandat : 71% des Français estiment sa politique "injuste", selon un sondage Odoxa pour franceinfo. Taxé de "président des riches" par l'opposition, Emmanuel Macron et son gouvernement multiplie les annonces impopulaires : report du plan pauvreté, rejet du plan Borloo pour les banlieues, hausse de la CSG ou encore limitation de vitesse à 80 km/h. En juin, une vidéo le montre également en train de déclarer devant ses conseillers que les aides sociales coûtent un "pognon de dingue".

2019 : en retrait après la crise des "gilets jaunes"

Au terme de la crise des "gilets jaunes" et d'un grand débat organisé partout en France pour annoncer des mesures sociales, Emmanuel Macron se refuse de nouveau à une interview pour le 14-Juillet. Il est accueilli par des sifflets lors du défilé sur les Champs-Elysées. Ayant renoncé à réunir les parlementaires en Congrès à Versailles pour la troisième année consécutive, ses seules interventions se limitent à son traditionnel discours au ministère des Armées, le 13 juillet, et à une interview sur franceinfo quelques jours plus tôt, à la suite de nombreuses polémiques dans le monde du sport.

2020 : une tradition retrouvée, en pleine crise sanitaire

A année exceptionnelle, dispositif exceptionnel. Alors que la première vague de Covid-19 a frappé de plein fouet le pays et que la France sort groggy d'un premier confinement, Emmanuel Macron renoue pour la première fois avec la traditionnelle interview télévisée d'un "14-Juillet un peu particulier". L'occasion d'annoncer de nouvelles mesures pour lutter contre la propagation du virus, qui a déjà fait 30 000 morts dans le pays. "Nous serons prêts" pour une deuxième vague, assure le chef de l'Etat. Emmanuel Macron se doit de parler à un pays "profondément bouleversé, traumatisé". Par la crise sanitaire d'abord, mais aussi par la crise économique et sociale à venir. 

A l'heure du "quoi qu'il en coûte", l'interview esquisse un plan de relance, pour tenter de résister aux 800 000 à un million de possibles nouveaux chômeurs causés par la pandémie, repoussant par la même occasion la réforme des retraites. "La méthode utilisée pendant les trois premières années du quinquennat a permis de faire des réformes inédites, qu'on pensait impossibles", se félicite Emmanuel Macron, même s'il reconnaît "des maladresses parfois"

2021 : une allocution plutôt qu'une interview

Malgré une crise sanitaire toujours féroce, avec des vagues successives, Emmanuel Macron ne retente pas l'expérience de l'interview télévisée, préférant une allocution de près de trente minutes, le 12 juillet. Il y salue les mesures du gouvernement pour lutter contre la pandémie et les efforts des Français pour soutenir l'économie. Et annonce, notamment, la vaccination obligatoire pour les personnes en contact direct avec les patients à risque, ainsi que la généralisation du pass sanitaire dans les restaurants et lieux de loisirs.

2022 : une seconde interview télévisée face aux répercussions de la guerre en Ukraine

Réélu en mai 2022, Emmanuel Macron répond présent à l'exercice de l'interview du 14-Juillet, placée cette fois-ci sous le signe de la sobriété. Près de cinq mois après le début de la guerre aux portes de l'Europe, "il faut se préparer à ce qu'elle dure", annonce-t-il dans le jardin de l'Elysée. Modernisation de l'armée dans un contexte d'"économie de guerre", annonce d'un plan de sobriété énergétique alors que la Russie coupe ses livraisons de gaz, appel à la sobriété des entreprises et des particuliers... Le président de la République dessine les contours d'un automne difficile, dans un contexte d'inflation, de crise de l'énergie et de sortie progressive du "quoi qu'il en coûte".

Emmanuel Macron a dû faire face à un début de quinquennat difficile, après avoir perdu sa majorité absolue à l'Assemblée nationale. Il profite du rendez-vous de la fête nationale pour réaffirmer le cap de son quinquennat : rendre la France "plus indépendante", faire du pays une "nation écologique" et œuvrer pour "l'égalité des chances dans l'école, la santé et l'emploi". "Nous devons travailler plus et plus longtemps", déclare également le chef de l'Etat. La réforme des retraites est ressortie des cartons et déclenchera, quelques mois plus tard, un conflit social et politique majeur.

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