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Législatives 2022 : dans une campagne dont "tout le monde se fout", les candidats LREM attendent un geste de Macron

Article rédigé par Margaux Duguet, Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un panneau électoral pour les élections législatives des 12 et 19 juin 2022, à Paris.  (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

Les prétendants à la députation investis par la majorité font le constat d'une campagne atone marquée par un chef de l'Etat longtemps absent du terrain. 

Quand on les interroge, ils partagent tous le même constat : les législatives n'intéressent pas. "Sur le terrain, tout le monde se fout des législatives, il va y avoir une abstention de folie", alerte Sereine Mauborgne, députée LREM sortante du Var, qui se retrouve "à marteler d'aller voter". Après l'abstention record de 2017, l'édition de 2022 risque aussi d'être marquée par une faible participation. Selon le baromètre d'Ipsos-Sopra Steria du 23 mai, 47% des interrogés ont l'intention d'aller voter. "C'est un pensum d'accueillir de nouveau les tracts pour les gens, ça ne va pas déplacer les foules", assure encore le député LREM de l'Eure, Fabien Gouttefarde, lui aussi candidat à sa réélection.

Ces élections des 12 et 19 juin sont cruciales pour le parti présidentiel : sans majorité absolue (289 sièges), il sera difficile pour Emmanuel Macron de mettre en œuvre ses promesse de réforme. Or, à moins de dix jours du scrutin, le manque d'implication du président et d'annonces concrètes à distiller sur le terrain inquiètent la majorité. "On aimerait bien que le président descende de nouveau dans l'arène et impulse des messages structurants pour cette campagne", souffle un député en campagne.

Emmanuel Macron n'est sorti sur le terrain que mardi avec un déplacement à Cherbourg (Manche) sur le thème de la santé, puis jeudi à Marseille pour parler éducation. Sa précédente apparition remontait au 29 avril dans les Pyrénées. Si aucun des candidats contactés ne doute de remporter ce scrutin, beaucoup constatent un manque d'enthousiasme des électeurs. "Il n'y a pas d'envie, d'appétence pour Macron dans le sens où les gens se diraient : 'Il va changer nos vies'. On est plutôt dans une forme de continuité avec la présidentielle", observe un candidat LREM.

"J'aimerais qu'une mesure forte soit annoncée"

Un président longtemps absent et une Première ministre, cheffe de la majorité, dont l'implication dans la campagne, déçoit. "Il nous manque un référent et Borne n'a pas cette ambition. Lors de la première réunion en visio, elle nous a parlé dix minutes", raconte un député sortant, qui dit regretter Edouard Philippe. "Borne ne fait pas beaucoup de déplacements de terrain", juge un autre candidat. La Première ministre, elle-même candidate dans le Calvados, s'y est mise sur le tard. Elle était, par exemple, jeudi, en visite dans trois circonscriptions de l'Essonne pour soutenir les candidats de la majorité.

"Borne, faudrait qu'elle se bouge. Elle a les compétences techniques mais elle a aussi un rôle politique. Faut que ses conseillers lui fassent bouffer du terrain."

Un candidat LREM aux législatives

à franceinfo

Ce même candidat ajoute : "Surtout qu'il ne se passe rien." Aucune mesure d'envergure – excepté des annonces sur l'éducation, jeudi – n'a encore été dévoilée sur les thématiques chères aux Français, que sont l'inflation, la santé ou l'écologie. Il faudra attendre, notamment sur le volet pouvoir d'achat, l'après-législatives pour le détail des mesures. Ce qui laisse certains candidats sur leur faim. "J'aimerais bien qu'une mesure forte soit annoncée avant le premier tour", lance ainsi Catherine Osson, députée sortante de la 8e circonscription du Nord. Dans ce département marqué par des difficultés socio-économiques, elle verrait d'un bon œil "une mesure symbolique et politique" sur le pouvoir d'achat. "Ça me manque sur la circo mais bon, après, c'est à moi de porter ces sujets", ajoute-t-elle.

A quelques kilomètres de là, sa collègue de la 12e circonscription, Anne-Laure Cattelot, préfère au contraire que "le gouvernement nous attende pour travailler". "Cela permet d'éviter les erreurs type la TVA sociale de Borloo [qui avait coûté des sièges à la droite en 2007] et puis il y a toujours des surinterprétations sur les mesures… Si elles sont de droite, de gauche…"

Faute du détail des mesures du programme présidentiel, les candidats doivent improviser. "Dans les réunions publiques où il n'est déjà pas évident de faire venir du monde, quand on m'interroge sur des mesures concrètes comme le leasing social à 100 euros pour des voitures électriques, on me demande si c'est batterie comprise, rapporte un député sortant. J'ai tendance à dire oui mais on est obligé d'extrapoler." Un autre candidat acquiesce. "On n'a pas les modalités que ce soit sur la réforme du RSA ou sur le chèque alimentaire. Certes, ce sera à nous de les voter mais on sent que ce n'est pas prêt côté gouvernement."

"Le pouvoir use"

A défaut de parler du fond des mesures, la campagne s'est polarisée autour de deux dossiers embarrassants pour le gouvernement : les accusations de viol qui visent le ministre des Solidarités, Damien Abad et la polémique qui a suivi les incidents au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions. "Les affaires nous polluent un peu, c'est comme ça, il faut gérer et soutenir son gouvernement", assure Catherine Osson. Mais de l'avis de ceux interrogés, ces polémiques, si elles polluent le débat politique dans les médias, ne gênent pas sur le terrain.

"Les gens n'en ont rien à cirer d'Abad ou du Stade de France."

Une députée LREM

à franceinfo

"On ne m'en a jamais parlé, les gens me parlent de leurs problèmes ou de Macron qui continue à polariser sur sa personne que ce soit en bien ou en mal", abonde Fabien Gouttefarde.

En 2017, la campagne des législatives avait aussi été marquée par des affaires comme celle des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen. Elles avaient conduit, après le scrutin, à la démission de trois ministres, dont François Bayrou. Pourtant, cela n'avait pas empêché Emmanuel Macron d'obtenir une large majorité à l'Assemblée nationale. L'époque était alors au renouvellement de la classe politique avec des candidats venus de différents horizons dont beaucoup n'avaient jamais fait de politique.

L'ambiance est différente à présent. "Il y a cinq ans, il fallait un nouveau souffle, il y avait un enthousiasme. Cette année, d'un point de vue national, il y a assez peu d'intérêt", note le député de Paris candidat à sa réélection Sylvain Maillard. "En 2017, on était dans le dépassement politique avec des personnalités venues de la droite, de la gauche et de la société civile, relativise Victor Albrecht, candidat LREM dans l'Yonne. On ne peut pas refaire la même chose, les gens savent qui est Macron, on est dans une fidélisation".

Pour cette génération Macron qui aspire à un second mandat elle aussi, la flamme des débuts n'est plus tout à fait aussi brillante. "Le pouvoir use, lâche un député sortant. Il y a cinq ans, on était facilement affublé du statut du candidat de la réforme. Là, c'est beaucoup plus compliqué."

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