: Vrai ou faux On a vérifié les affirmations des opposants aux vaccins contre le Covid-19 lors de leur manifestation à Nancy
Plusieurs dizaines de manifestants se sont réunis à Nancy, samedi 3 juillet, pour protester contre les mesures sanitaires. Franceinfo a passé au crible les déclarations faites par les figures du mouvement lors de l'événement.
"Liberté !" scandent-ils. Plusieurs dizaines de manifestants sont rassemblés, samedi 3 juillet à Nancy, pour écouter les prises de parole des opposants les plus en vue aux mesures sanitaires et aux vaccins contre le Covid-19. La députée Martine Wonner, le médecin Christian Perronne et l'avocat Carlo Alberto Brusa se succèdent au micro.
L'événement, soutenu par les collectifs Réinfo Covid et Reaction19, a suscité la controverse. La pendaison d'une effigie de pompier a poussé le service départemental d'incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle à porter plainte. Au-delà de la polémique, la cellule Vrai ou Fake de franceinfo a passé au crible les principales déclarations de ces figures coutumières des mensonges sur l'épidémie.
Les vaccins seraient "une thérapie génique en phase d'étude" : c'est faux
Au début du rassemblement, un représentant de l'Union nationale d'initiative citoyenne de Moselle (Unic57), association proche des "gilets jaunes", qualifie les vaccins de "thérapie génique en phase d'étude simplement accréditée par une autorisation de mise sur le marché conditionnelle, c'est-à-dire provisoire".
Les vaccins contre le Covid-19 mis au point par les laboratoires Pfizer-BioNTech et Moderna utilisent de l'ARN messager pour transporter vers l'organisme l'information qui permet de déclencher la réaction immunitaire contre le virus. Cette technique novatrice a été permise par les découvertes de la recherche en génétique. Pour autant, elle n'a "rien à voir avec une thérapie génique ou la création d'un OGM", explique l'Inserm.
La thérapie génique, elle, répare directement la structure ADN des cellules, comme le résume France Inter. L'ARN messager "ne pénètre pas dans le noyau des cellules. Or, c'est dans ce noyau cellulaire que se situe notre matériel génétique", rappelle l'Inserm. "Il n'y a aucun danger de modification du génome à craindre avec le vaccin à ARN", affirmait à franceinfo Frédéric Rieux-Laucat, directeur du laboratoire d'immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques de l'Inserm.
Quant aux vaccins qui seraient encore en "phase d'étude simplement accréditée par une autorisation de mise sur le marché conditionnelle", revenons sur les différentes étapes d'évaluation. Comme l'a expliqué franceinfo, lors de la phase 1, le vaccin est testé sur quelques dizaines de personnes pour évaluer sa toxicité. Pendant la phase 2, il est testé sur plusieurs centaines de personnes, afin de mesurer son efficacité et d'affiner son dosage. Lors de la phase 3, qui peut durer entre trois et cinq ans, le vaccin est testé sur des dizaines de milliers de personnes afin de collecter davantage d'informations et de déterminer son rapport bénéfice-risque. Cette étape a été accélérée pour les vaccins contre le Covid-19. Les laboratoires concernés ont livré leurs résultats et le taux d'efficacité de leur vaccin, puis les dossiers ont été revus par les autorités sanitaires, comme l'Agence européenne des médicaments.
>> Vaccins contre le Covid-19 : à quoi correspondent les différentes phases des essais cliniques ?
Les vaccins contre le Covid-19 utilisés en France ont reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) dite "conditionnelle". Celle-ci "rassemble tous les verrous de contrôles d'une autorisation de mise sur le marché standard pour garantir un niveau élevé de sécurité pour les patients", selon l'Agence nationale de sécurité du médicament sur son site (ANSM). "Une AMM conditionnelle est accordée pour un an et peut être renouvelée, poursuit-elle. "On a assez d'éléments en termes de qualité de production du produit, en termes d'efficacité et de sécurité pour dire que ce produit, on peut déjà commencer à l'utiliser", a expliqué à franceinfo Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux.
Néanmoins, cette phase 3 n'est pas officiellement terminée. Celle de Pfizer, par exemple, doit se terminer en mai 2023. Que doit encore étudier le fabricant pendant deux ans ? "Quel est le taux d'anticorps qu'on va avoir, et quel est son profil évolutif sur deux ans, pour les patients qui vont être traités dans les deux ans après (...), quelle est l'efficacité à deux ans", a détaillé Mathieu Molimard. "Mais on n'a pas besoin de ça pour savoir si on doit se vacciner aujourd'hui pour passer un été correct et éviter d'avoir des contaminations", a tranché le pharmacologue.
De son côté, le professeur en pharmacologie Bernard Bégaud estime auprès de franceinfo que les personnes qui martèlent que les vaccins sont toujours en phase 3 "jouent sur les termes". "L'essai a été conclu. (...) Les vaccins ne sont plus en phase expérimentale", tranche-t-il, assurant qu'ils sont désormais en phase observationnelle. Les autorités sanitaires étudient chaque signalement d'effet indésirable du vaccin. Il s'agit de pharmacovigilance.
Olivier Véran aurait écrit que les vaccins étaient inefficaces : c'est inexact
La députée Martine Wonner (ex-LREM) assure que le ministre de la Santé avait écrit "lui-même", dans un "mémoire en défense", que les vaccins ne protégeaient pas des formes graves du Covid-19, qu'ils n'empêchaient pas d'être contaminés et n'évitaient pas la contamination interindividuelle.
L'élue fait référence à un document écrit par Olivier Véran alors qu'un homme de 83 ans, vacciné, avait saisi le Conseil d'Etat pour réclamer la levée des mesures de confinement pour les personnes vaccinées. A l'époque, en mars 2021, l'octogénaire qui réside en Ile-de-France se plaignait de devoir rester confiné dans un rayon de 10 kilomètres autour de son domicile, alors qu'il avait reçu ses deux doses du vaccin de Pfizer.
Le ministre de la Santé, en réponse à la plus haute juridiction administrative française, écrivait qu'il était trop tôt pour différencier les "règles relatives aux limitations de circulation selon que les personnes ont reçu ou non des doses des vaccins" en l'état des connaissances scientifiques, rapportaient Europe 1 et Le Figaro, qui avaient consulté le document.
Olivier Véran mettait en avant quatre arguments. D'abord, "l'efficacité partielle des vaccins", puisqu'ils ne protègent pas à 100% contre toutes les formes (notamment bénignes), du Covid-19, puis "l'efficacité des vaccins devenue particulièrement contingente du fait de l'apparition des nouveaux variants". Dans un troisième temps, il soulignait que "les personnes vaccinées sont aussi celles qui étaient les plus exposées aux formes graves et aux décès en cas d'inefficacité initiale du vaccin ou de réinfection post-vaccinale ou de la virulence d'un variant". La vaccination n'était alors ouverte qu'aux 70 ans et plus et aux personnes à risque âgées de 50 ans et plus. Enfin, le ministre écrivait ceci : "Le vaccin n'empêche pas de transmettre le virus aux tiers. L'impact de la vaccination sur la propagation du virus n'est pas encore connu."
Le ministre de la Santé rappelait seulement les limites connues des vaccins, ainsi que la difficulté de lever trop rapidement le confinement à une période où la campagne vaccinale française était loin d'être aussi avancée qu'aujourd'hui.
Une enzyme permettrait au vaccin de "modifier le génome" : c'est inexact
Le président du collectif Reaction19, Carlo Alberto Brusa, déclare : "L'enzyme theta a été trouvée par une université à Philadelphie (...) L'ARN avec l'enzyme theta peut se transformer en ADN et peut modifier aujourd'hui la structure humaine et le génome immanent qui caractérise notre humanité".
Une étude* de l'université Thomas Jefferson de Philadelphie a bien mis en lumière, en juin, une enzyme appelée polymérase theta. Contenue dans les cellules, cette protéine intervient lors de la transcription du code génétique (ADN) en acide ribonucléique (ARN). Ce qu'ont découvert les chercheurs, c'est que "des segments d'ARN peuvent être traduits de nouveau sous la forme d'ADN" grâce à cette enzyme.
Contacté par franceinfo, le professeur de biochimie et de biologie moléculaire Richard Pomerantz, coauteur de l'étude, explique que ses travaux ne portaient "ni sur l'ARN viral, ni sur le coronavirus". "Nos données n'ont aucune implication vis-à-vis des vaccins à ARN", précise-t-il. Richard Pomerantz met également en avant le caractère "artificiel" de son expérience. "Les segments d'ARN que nous avons observés ont tous été soigneusement construits en laboratoire. C'est un environnement très artificiel. Nous n'avons pas enquêté sur ce qui se déroule habituellement dans la vraie vie", expose-t-il. Cette faculté de retranscription de l'ARN en ADN a d'ailleurs déjà été identifiée chez d'autres enzymes, précise le chercheur à franceinfo. Carlo Alberto Brusa tire donc des conclusions hâtives de travaux éloignés du développement des vaccins contre le Covid-19.
Le dictionnaire médical "Vidal" contesterait l'efficacité des vaccins contre les formes graves : c'est faux
Christian Perronne l'affirme : "Si vous regardez le dictionnaire Vidal à la page 'vaccin Moderna' [et] Pfizer' pour le Covid, c'est écrit en gras que 'ce produit ne protège pas contre les formes graves'. C'est le fabricant qui le dit."
Franceinfo a consulté les versions antérieures des notices du Vidal des vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna. Avant leur mise à jour le 6 juillet, les fiches des deux produits faisaient état d'une protection contre "les formes légères à modérées", sans mentionner les formats graves. L'expression citée par Christian Perronne, elle, n'apparaît nulle part. Un article publié en décembre 2020 et toujours en ligne sur le site du dictionnaire médical notait de plus que l'efficacité du vaccin de Pfizer-BioNTech "contre les formes sévères [était] seulement suggérée".
Mais ces informations reposaient sur les connaissances datant de décembre 2020. Le Vidal a depuis mis à jour ses informations et confirme l'efficacité des vaccins contre les formes graves. "Lorsque la mise sur le marché du vaccin à ARN messager contre la Covid-19 des laboratoires Pfizer et BioNTech (...) a été autorisée fin 2020, les données présentées aux autorités réglementaires étaient insuffisantes pour se prononcer sur sa capacité à prévenir les formes sévères", explique le site. "Depuis, de vastes campagnes de vaccination, en particulier dans cette population à risque, ont permis d'évaluer, en vie réelle, l'efficacité de ce vaccin pour prévenir les formes graves." Une protection performante pour les vaccins à ARN dont fait état la base des médicaments sur sa fiche dédiée aux vaccins contre le Covid-19.
Les vaccins auraient fait "12 000 morts" : c'est faux
L'avocat et président du collectif Reaction19 Carlo Alberto Brusa a également déclaré, à propos des vaccins : "Il y a 12 000 morts (...) et 1 600 000 effets secondaires répertoriés. Ça veut dire tout simplement qu'on nous vend nous seulement des choses qui sont inutiles, mais en plus ce sont des produits qui tuent."
C'est faux et franceinfo l'a déjà démontré en juin dernier. Ce nombre de personnes prétendument victimes des effets secondaires des vaccins contre le Covid-19 est issu de la base de données européenne des rapports d'effets indésirables susceptibles d'être liés à l'utilisation de médicaments. Sur cette plateforme figurent les signalements d'effets secondaires liés aux quatre vaccins homologués contre le Covid-19. Des effets qui, pour la plupart, sont bénins ou modérés, qu'il s'agisse de douleurs au niveau du point d'injection ou de maux de tête.
Quelque 12 000 décès et 1,6 million d'effets indésirables soupçonnés d'être liés à la vaccination ont bien été signalés au niveau européen. Mais aucun lien de cause à effet entre le vaccin et la mort du patient n'a pu être tiré de ces signalements, expliquait l'Agence européenne des médicaments à franceinfo, qui soulignait notamment que "pendant les campagnes de vaccination, les morts qui résultent d'autres causes vont continuer à se produire, y compris peu de temps après la vaccination". Si l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n'a identifié aucun décès en France après des injections de vaccin Pfizer-BioNTech, Moderna ou Janssen, treize ont cependant été comptabilisés par l'agence pour le vaccin d'AstraZeneca après des cas de thrombose.
Les vaccins favoriseraient l'apparition des variants : c'est inexact
Christian Perronne affirme que les variants du virus ont "toujours émergé là où on a vacciné", ajoutant qu'en Israël, "il y a une augmentation de la mortalité chez les vaccinés".
D'abord, les variants qui circulent aujourd'hui le plus – les variants Alpha, Beta et Delta, selon Santé publique France – ont été détectés au dernier trimestre 2020, avant le début des campagnes de vaccination au Royaume-Uni, au Brésil et en Inde, où ces variants ont été identifiés pour la première fois. Ensuite, "ce n'est pas la vaccination qui cause l'apparition des variants, c'est la circulation intense du virus", a expliqué à franceinfo le vice-président du Comité technique des vaccinations Daniel Floret.
"Si vous regardez l'évolution de l'épidémie et de la mortalité dans les pays qui ont bien vacciné, comme Israël ou le Royaume-Uni (...), la chute de la mortalité est absolument considérable", remarquait Daniel Floret à franceinfo. Outre-Manche (en anglais), le nombre de décès quotidiens est ainsi passé de près de 1 250, mi-janvier, à 16 le 28 juin. Côté israélien, aucun mort n'a été recensé le 6 juillet, contre plus d'une soixantaine quotidiennement à la fin du mois de janvier, rapporte la base Our World in Data.
"L'augmentation" des contaminations et des décès que Christian Perronne prétend observer chez les vaccinés repose sur une lecture erronée des données de santé. Certes, la proportion de personnes vaccinées parmi les contaminations et les décès recensés au Royaume-Uni et en Israël a augmenté ces derniers mois. Mais elle est la conséquences de plusieurs phénomènes. Primo, du fait que les vaccins ne sont pas efficaces à 100%, ce qui est connu : ce taux a même tendance à diminuer face à certains variants, notamment le variant Delta. "La réponse immunitaire" varie également d'un individu vacciné à un autre, expliquait l'infectiologue Anne-Claude Crémieux à franceinfo. Il n'est donc pas surprenant de trouver des personnes vaccinées parmi les nouveaux cas de Covid-19.
Secundo, cette plus forte proportion de vaccinés parmi les contaminés est la conséquence mathématique de la progression des campagnes de vaccination. Ainsi, dans un scénario où 100% d'une population serait vaccinée, 100% des cas de Covid-19 et des décès concerneraient des personnes vaccinées. "Plus vous vaccinez, plus vous avez de chances d'observer les échecs dans la population vaccinée", résumait l'infectiologue Anne-Claude Crémieux à franceinfo.
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