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Vrai ou faux Faut-il s'étonner que les vaccinés représentent une part croissante des nouveaux cas de Covid-19 ?

Plus la campagne de vaccination progresse, plus le nombre de vaccinés est important par rapport à celui des non vaccinés. Il est donc logique qu'ils représentent une part importante des nouveaux cas, le vaccin n'étant pas efficace à 100%.

Article rédigé par Louis San - Julien Nguyen Dang
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une femme reçoit une injection de vaccin contre le Covid-19, à Bordeaux, le 26 mai 2021. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Les opposants à la vaccination contre le Covid-19 font de ces deux chiffres, qu'ils relaient abondamment sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours, un argument contre les vaccins. En Israël, 40% des nouvelles contaminations concernent des personnes vaccinées, comme le rapporte CNews, citant l'ancien directeur général de la santé israélien. En Angleterre, sur les 117 personnes qui sont mortes depuis février après avoir été infectées par le variant Delta, 50 avaient été vaccinées avec deux doses, et 20 avaient reçu une première injection, selon un rapport* (PDF) de l'agence de santé anglaise, Public Health England. Or Israël comme le Royaume-Uni, dont fait partie l'Angleterre, sont deux pays où la campagne de vaccination est particulièrement avancée, avec respectivement 59,8% et 48,7% de leur population complètement vaccinée.

Florian Philippot, président des Patriotes, s'est emparé de ces exemples pour attaquer la stratégie du gouvernement français. Il s'insurge du fait que, malgré ces chiffres, "[Olivier] Véran et les covidistes continuent de nous chanter matin, midi et soir le tout-vaccinal ! Stop !" a écrit sur Twitter l'ancien vice-président du Front national, le 22 juin. "La proportion des vaccinés parmi les positifs augmente, et on n'a pas l'impression qu'elle soit radicalement différente de celle des non-vaccinés", a-t-il tweeté, le 29 juin, citant des propos tenus par le professeur Didier Raoult dans l'une de ses vidéos filmées depuis son bureau de l'IHU de Marseille. "Si ces chiffres sont confirmés, on peut se demander quel est l'intérêt de la vaccination", a quant à lui commenté un avocat au barreau de Paris

Mais ces chiffres sont-ils vraiment si étonnants ? Et prouvent-ils réellement l'inefficacité des vaccins ? Franceinfo les met en perspective, avec l'éclairage de l'infectiologue Anne-Claude Crémieux.

Aucun vaccin n'est efficace à 100%

Il convient tout d'abord de rappeler que la vaccination contre le Covid-19 n'empêche pas totalement d'être contaminé. Elle protège surtout des formes graves de la maladie. "La réponse immunitaire [à la vaccination] peut varier selon des facteurs liés à l'hôte ou liés au virus", explique à franceinfo l'infectiologue Anne-Claude Crémieux, professeure spécialiste des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Louis de Paris. "Une personne âgée répondra moins bien à un vaccin qu'une personne jeune (...). On voit aussi des personnes qui ont un système immunitaire qui répond moins bien, soit parce qu'elles prennent des traitements, soit parce qu'elles ont des pathologies qui diminuent leur réponse immunitaire. Et puis il y a une variabilité entre les individus." 

>> Variant Delta : les vaccins de Pfizer et d'AstraZeneca restent-ils efficaces ?

Des facteurs auxquels peuvent s'ajouter le degré "d'exposition au virus", mais aussi le type de variant auquel est confrontée la personne contaminée. Deux injections de vaccin Pfizer-BioNTech protégeraient ainsi à 88 % des formes légères de la maladie développées après une infection par le variant Delta, selon une prépublication publiée en mai*. Et à 96 % contre les formes graves du Covid-19 déclenchées par le même variant, rapporte une seconde prépublication*.

De plus en plus de chances "d'observer les échecs dans la population vaccinée"

Il n'est donc en rien surprenant que des personnes vaccinées fassent partie des nouveaux cas de contamination, surtout dans des pays où plus de la moitié de la population est déjà pleinement vaccinée.

Voici une modélisation qui permet de mieux comprendre ce phénomène. Imaginons une population théorique de 10 000 individus (représentés ici par des rectangles) où une personne non protégée sur 100 développe le Covid-19, après une infection par le variant Delta. Les personnes ayant déjà été malades, ou ayant reçu une seule injection de vaccin, sont ici exclues de la modélisation, par simplicité. 

Imaginons ensuite trois scénarios différents, selon le taux de couverture vaccinale de la population. Une couverture réalisée avec deux doses de vaccin efficace à 88% contre les formes légères de Covid-19. Dans le premier scénario, 50% de la population est vaccinée. Dans le deuxième, ce taux monte à 75%, et dans le troisième, à 92%. Cette infographie permet de visualiser l'évolution du nombre de personnes malades, selon leur statut vaccinal. 

 

Comme le montrent ces infographies, plus la couverture vaccinale de la population est élevée, plus le nombre de personnes malades diminue : ce qui est le but recherché par une campagne de vaccination de masse. Dans notre modélisation, on passe de 56 malades à 19 sur 10 000 personnes, soit de 0,56% à 0,19% de la population.

 

Cette modélisation met en avant un autre phénomène, cette fois-ci potentiellement contre-intuitif : plus la vaccination progresse, plus le nombre de malades augmente parmi les vaccinés et plus il diminue parmi les non vaccinés. Les premiers finissent même par devenir majoritaires. Dans un scénario où 100% de la population serait vaccinée, 100% des malades et 100% des morts se retrouveraient parmi les vaccinés. Mais là encore, l'effet est trompeur.

"Plus vous vaccinez, plus vous avez de chances d'observer les échecs dans la population vaccinée", résume à franceinfo la spécialiste en maladies infectieuses Anne-Claude Crémieux. "Oui, le vaccin n'est pas protecteur à 100%, mais il protège très bien quoi qu'il arrive contre les formes sévères et il contribue quand même à diminuer la circulation du virus", défend l'infectiologue. 

Le taux d'efficacité du vaccin, qui mesure la réduction du risque de développer la maladie ou ses formes graves, est le véritable paramètre à prendre en compte, rappelle l'experte. "C'est là qu'on voit qu'il protège." Selon l'Institut Pasteur, les personnes vaccinées auraient douze fois moins de risque de transmettre le virus que les personnes non vaccinées. "Plus on aura de personnes vaccinées, moins on aura de virus qui circule, moins on aura de variants et plus vite on gagnera la bataille", conclut Anne-Claude Crémieux.

* Ces liens renvoient vers des articles en anglais.

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