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Présidentielle 2022 : on vous résume les affaires qui ont émaillé le quinquennat d'Emmanuel Macron

Depuis l'élection du président de la République, de nombreux membres du gouvernement ou de son cabinet ont été ciblés par la justice. 

Article rédigé par Charles-Edouard Ama Koffi
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Alexandre Benalla, le 19 septembre 2018, devant les sénateurs de la commission d'enquête sur les violences commises le 1er mai 2018.  (BERTRAND GUAY / AFP)

Arrivé au pouvoir en bénéficiant de l'effondrement de la droite causé par l'affaire Fillon, Emmanuel Macron avait pour objectif de moraliser la vie publique. Mais depuis son élection, une quinzaine de ses ministres et membres de son cabinet ont été cités ou directement visés dans des affaires ou enquêtes judiciaires. Derniers cas en date : le ministre chargé des PME, Alain Griset, connaîtra mercredi 8 décembre la décision du tribunal correctionnel de Paris pour avoir omis de déclarer 171 000 euros de son patrimoine, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, mis en examen pour "prise illégale d'intérêts" ou encore l'ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, mise en examen pour "mise en danger d'autrui" dans l'enquête sur la gestion de la crise du Covid-19. Franceinfo vous résume les affaires qui ont entaché le mandat d'Emmanuel Macron.

Les ministres qui ont démissionné

L'affaire des assistants parlementaires du MoDem. Allié d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, François Bayrou, le président du MoDem, devait être l'artisan de la moralisation de la vie politique. Mais un mois après avoir été nommé, le maire de Pau est contraint de démissionner. Le 9 juin 2017, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "abus de confiance" et "recel" à propos des assistants parlementaires d'eurodéputés du parti centriste. Les magistrats cherchent à déterminer si des collaborateurs ont été rémunérés par les fonds du Parlement européen alors qu'ils étaient en réalité affectés à d'autres tâches pour le MoDem. Les ministres Sylvie Goulard et Marielle de Sarnez (morte en 2021) sont forcées de démissionner. Elles sont mises en examen en décembre 2019 aux côtés d'une dizaine d'autres membres du parti, dont François Bayrou, mis en examen pour "complicité de détournement de fonds". L'enquête est toujours en cours. 

L'affaire Richard Ferrand. Ce proche d'Emmanuel Macron a lui aussi été contraint de quitter le gouvernement d'Edouard Philippe quelques jours seulement après sa nomination. Le Canard enchaîné révèle en effet en mai 2017 que le nouveau ministre de la Cohésion des territoires a attribué, en 2011, un marché public à l'entreprise de sa compagne pour la mise à disposition d'un local commercial alors qu'il dirigeait les Mutuelles de Bretagne. Le parquet de Brest ouvre une première enquête préliminaire en juin. Au lendemain des élections législatives, où il est réélu député du Finistère, Richard Ferrand démissionne du gouvernement.

D'abord classée sans suite pour prescription, l'enquête prend un nouveau tournant en novembre 2017 après une plainte déposée par l'association Anticor pour "prise illégale d'intérêts" et "recel". Mis en examen en 2019 pour ce même motif par le parquet de Lille (Nord), où l'affaire est dépaysée, celui qui est devenu président de l'Assemblée nationale refuse de quitter le "perchoir". C'est la première fois sous la Ve République que le quatrième personnage de l'Etat est mis en examen. En mars dernier, la cour d'appel de Douai a retenu la prescription en faveur de Richard Ferrand dans cette affaire. L'association Anticor s'est pourvue en cassation.

La démission de Laura Flessel. Le 4 septembre 2018, la première ministre des Sports d'Emmanuel Macron quitte le gouvernement à la surprise générale, officiellement "pour des raisons personnelles". Pourtant, selon Le Canard enchaîné et Mediapart, la démission de l'ex-championne d'escrime est due à l'oubli dans sa déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de ses revenus issus d'une société de droit à l'image. Une omission chiffrée à "plusieurs dizaines de milliers d'euros", selon le site d'investigation, qui révèle que le fisc a informé la Commission des infractions fiscales (CIF) de Bercy, en vue d’une possible plainte pénale pour fraude, quelque temps avant sa démission. 

L'affaire Françoise Nyssen. Elle n'est restée en poste à la Culture qu'un an et demi. En octobre 2018, la ministre Françoise Nyssen cède son maroquin à Franck Riester. Un changement précédé de plusieurs révélations du Canard enchaîné concernant des travaux illégaux au sein d'Actes Sud, la maison d'édition qu'elle dirigeait avec son époux. Outre l'agrandissement du siège à Arles (Bouches-du-Rhône), réalisé en 2011 sans les autorisations nécessaires, ce sont les locaux parisiens qui font l'objet d'une enquête préliminaire du parquet de Paris. L'agrandissement de 150 m2 des locaux d'Actes Sud, classés monuments historiques depuis 1926, n'avaient pas été signalés à la direction de l'urbanisme de la mairie de Paris, ni à l'administration fiscale. L'enquête a été classée sans suite en décembre 2020. 

La polémique "des homards". En juillet 2019, François de Rugy, ministre de la Transition écologique, démissionne après un été brûlant et la parution d'un article de Mediapart qui raconte la "vie de château" menée par son épouse et lui lorsqu'il présidait l'Assemblée nationale. Les clichés de homard et grands crus font polémique, quelques mois après l'émergence du mouvement des "gilets jaunes". Pour calmer le jeu, François de Rugy évoque des "dîners professionnels". Mais les révélations se poursuivent : ainsi, le site affirme qu'il a réalisé des "travaux de confort" pour un total de 63 000 euros dans son logement de fonction. François de Rugy jette l'éponge à la veille d'une nouvelle publication où il est épinglé pour avoir utilisé 9 200 euros de son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) pour payer une partie de ses cotisations à Europe Ecologie-Les Verts. Une somme qu'il a défiscalisée, comme le permet la loi, ce qui lui aurait permis de ne pas payer d'impôts sur le revenu en 2015.

Les mandats oubliés de Jean-Paul Delevoye. Il était un autre personnage-clé de la Macronie. Entré au gouvernement en septembre 2017 en tant que haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye quitte son poste deux ans plus tard après que plusieurs journaux, dont Le Parisien, ont pointé de multiples "omissions" dans sa déclaration à la HATPV, dont certaines susceptibles de générer des conflits d'intérêts. Au total, le "monsieur retraites" du gouvernement a oublié de déclarer treize mandats. Deux jours après sa démission, la HATVP saisit la justice. Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "abus de biens sociaux", "abus de confiance" et "recel". Dans ce cadre, le domicile de Jean-Paul Delevoye fait l'objet d'une perquisition et il est entendu par des enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption. L'enquête est toujours en cours. 

La soirée d'Emmanuel Macron à Las Vegas. Le nom de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, apparaît dans une affaire remontant à l'année précédant la victoire d'Emmanuel Macron à la présidentielle. En 2017, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour "favoritisme" et "recel de favoritisme" à propos de l'organisation d'un déplacement de celui qui était ministre de l'Economie, en janvier 2016, à Las Vegas (Etats-Unis). Les enquêteurs cherchent à en comprendre les conditions d'attribution. L'organisation avait en effet été confiée à la société Havas par Business France, entité dépendant de Bercy et dirigée à l'époque par Muriel Pénicaud, sans qu'il y ait eu d'appel d'offres. Faute "d'indices graves et concordants", la ministre n'a pas été mise en examen, mais auditionnée par la justice en tant que témoin assistée. Elle a quitté le gouvernement à la faveur du remaniement de juillet 2020.

La mise en examen d'Agnès Buzyn. Ministre de la Santé depuis le début du quinquennat, Agnès Buzyn quitte le gouvernement en février 2020 pour remplacer Benjamin Griveaux dans la course à la mairie de Paris. A cette période, l'épidémie de Covid-19 est arrivée en France, le débat sur l'utilité du port du masque bat son plein et les critiques à l'égard de la gestion de la crise par le gouvernement s'amplifient. Au fil des mois, des dizaines de milliers de plaintes sont envoyées à la Cour de justice de la République, qui en retient moins de 20. Des perquisitions sont menées, en octobre 2020, aux domiciles et bureaux d'Olivier Véran, d'Edouard Philippe et d'Agnès Buzyn. L'ex-ministre de la Santé est finalement convoquée le 10 septembre 2021 et mise en examen le même jour pour "mise en danger de la vie d'autrui". Elle est aussi placée sous le statut de témoin assisté pour "abstention volontaire de prendre les mesures propres à combattre un sinistre". Elle est la première personnalité publique mise en cause dans ce dossier.

Les ministres toujours en poste

Les affaires Darmanin. En juillet 2020, la nomination de Gérald Darmanin au poste de ministre de l'Intérieur provoque l'ire de nombreuses associations de défense des droits des femmes car il est alors concerné par deux affaires embarrassantes. 

En juin 2017, une première femme, Sophie Patterson-Spatz, dépose plainte pour "viol" contre le ministre de l'Intérieur pour des faits remontant à 2009. Selon la plaignante, celui qui est alors chargé de mission au service juridique de l'UMP la reçoit à sa demande pour tenter de faire réviser une condamnation de 2004 pour chantage et appels malveillants à l'égard d'un ex-compagnon. Selon elle, Gérald Darmanin lui aurait proposé d'intervenir en sa faveur en échange d'une relation sexuelle qu'elle s'est sentie obligée d'accepter. Lui l'a qualifiée de "consentie" lors de son audition devant la justice. Après avoir classé la plainte sans suite en 2017 puis en 2018, la justice a relancé une enquête en 2020 et le ministre de l'Intérieur a été placé sous le statut de témoin assisté. Le 7 septembre 2021, la juge a clos l'instruction sans mettre Gérald Darmanin en examen, s'orientant vers un non-lieu, a appris franceinfo, confirmant une information de Mediapart.

En février 2018, une seconde femme l'accuse d'"abus de faiblesse" pour l'avoir contrainte à des rapports sexuels en échange de l'obtention d'un logement social et d'un emploi à Tourcoing (Nord), ville dont il a été maire entre 2014 et 2017. Les faits se seraient produits entre 2015 et 2016, selon la plaignante. La justice a classé cette enquête sans suite en mai 2018.

La mise en examen d'Eric Dupond-Moretti. En janvier 2021, une enquête pour "prise illégale d'intérêts" est ouverte à l'encontre du garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, par la Cour de justice de la République. A l'origine de celle-ci, les plaintes de trois syndicats de magistrats et de l'association Anticor. Ils lui reprochent d'avoir utilisé son rôle de ministre de la Justice pour régler ses comptes contre des magistrats avec qui il avait eu maille à partir lorsqu'il était avocat, notamment dans l'affaire dite "des fadettes". Mis en examen le 16 juillet, Eric Dupond-Moretti a assuré vouloir rester en poste : "Rien n'entamera ma détermination, je suis extrêmement serein. Ma légitimité, je la tiens du président de la République et du Premier ministre."

L'affaire du syndicat Avenir lycéen. En novembre 2019, Jean-Michel Blanquer est soupçonné par Libération et Mediapart (article payant) d'avoir téléguidé la création du syndicat Avenir lycéen, dont la ligne pro-gouvernementale était claire. Problème, ce même syndicat a reçu de généreuses subventions de 65 000 euros en 2019, dilapidées en frais de bouche et hôtels de luxe. Le ministère a diligenté depuis une enquête administrative sur les subventions accordées à cette association. Le 1er décembre 2020, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "détournements de fonds publics" à l'encontre du syndicat. Pour le ministre, Mediapart et Libération "essaient de faire une affaire à partir de rien".

L'affaire Alain Griset. Le ministre délégué aux PME a été jugé le 12 octobre pour "déclaration incomplète ou mensongère de sa situation patrimoniale" et "de ses intérêts". Dans cette affaire, Alain Griset est soupçonné par la HATVP d'avoir sciemment omis de déclarer "des participations financières détenues dans un plan d'épargne en actions, ainsi que le compte espèces associé, pour un montant total de 171 000 euros". Le bureau de la Confédération nationale de l'artisanat, des métiers et des services du Nord lui avait en effet confié une grande partie de cette somme pour qu'il la place et la fasse fructifier. Si le ministre a tout remboursé et assure n'avoir pas cherché l'enrichissement personnel, le président de la HATVP y voit, lui, une "confusion des patrimoines, ce qui n'est pas conforme à la loi". Une enquête pour "abus de confiance" a été ouverte. Lui évoque "une maladresse""J'ai eu la confiance renouvelée du président de la République et du Premier ministre et je les en remercie", a-t-il récemment affirmé. Le parquet a requis à son encontre dix à douze mois de prison. Le procureur Julien Goldszlagier a aussi demandé une amende de 30 000 euros et une peine d'inéligibilité de trois ans qui, a-t-il souligné à l'audience, entraînerait "automatiquement l'interdiction d'exercer des fonctions publiques".

Une enquête contre Sébastien Lecornu. Autre ministre à avoir affaire à la justice : le ministre des Outre-Mer. Depuis janvier, lui aussi est visé par une enquête pour "prise illégale d'intérêts" et "omission de déclaration à la HATVP". Elle vise ses activités passées à la tête du département de l'Eure. Dans sa déclaration à la HATVP, le ministre mentionne avoir touché avoir 7 874 euros brut de "jetons de présence" en tant qu'administrateur de la Société des autoroutes Paris Normandie (SAPN) entre juillet 2016 et juin 2017. Or, celui qui était alors président du conseil départemental de l'Eure aurait approuvé plusieurs délibérations de la collectivité ayant trait à la SAPN. Sébastien Lecornu a été entendu en avril par la police anticorruption lors d'une audition libre. L'enquête est toujours en cours.

Une enquête contre Olivier Dussopt. Cette figure montante du gouvernement, actuel ministre de l'Action et des Comptes publics, se retrouve visée par une enquête préliminaire du Parquet national financier pour "prise illégale d'intérêts" et "corruption", comme le révélait Mediapart en juin 2020. Il est reproché au ministre d'avoir accepté deux lithographies du peintre Gérard Garouste, estimées à environ 2 000 euros et offertes en janvier 2017 par la société de traitement de l'eau Saur. Alors député et maire d'Annonay (Ardèche), Olivier Dussopt avait signé un contrat négocié depuis 2016 entre l'entreprise et sa commune, six mois après la réception des œuvres d'art. "J'ai restitué (...) les lithographies", s'est défendu l'intéressé après une perquisition de son domicile par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales en août 2020.

Les membres du cabinet d'Emmanuel Macron

L'affaire Kohler. L'homme de confiance du président de la République est au centre d'une affaire de conflit d'intérêts. Pour l'actuel secrétaire général de l'Elysée, tout commence par une plainte d'Anticor pour "prise illégale d'intérêts" et "trafic d'influence". L'association reproche à Alexis Kohler d'avoir caché ses liens avec l'armateur italo-suisse MSC, fondé et dirigé par des cousins de sa mère, alors qu'il était membre du conseil de surveillance du Grand port maritime du Havre (GPMH). A ce titre, il a approuvé des contrats concernant la filiale française du groupe, ce qu'attestent des procès-verbaux. Alexis Kohler a aussi rejoint MSC Croisières en 2016, en tant que directeur financier.

Après avoir déclenché une procédure pour "vérifier si les règles (...) ont bien été respectées", le PNF classe finalement l'affaire en août 2019. Mais selon Mediapart, cette décision n'est pas sans lien avec une note écrite par Emmanuel Macron en personne pour faire état de la probité du secrétaire général de l'Elysée. Le parquet national financier a finalement décidé de reprendre les investigations en juin 2020 pour "prise illégale d'intérêt", "trafic d'influence" et "défaut de déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique".

L'affaire Benalla. Le nom de cet ancien chargé de mission à l'Elysée, jugé du 13 septembre au 1er octobre, restera associé au quinquennat d'Emmanuel Macron, révélant au passage "des dysfonctionnements majeurs au sein du palais de l'Elysée", selon la commission d'enquête du Sénat. Le 1er mai 2018, Alexandre Benalla participe à une opération de maintien de l'ordre, place de la Contrescarpe à Paris, et s'en prend physiquement à plusieurs manifestants. Or, bien qu'il soit équipé de matériel de CRS, le jeune homme de 26 ans n'est pas policier. 

Cette affaire tentaculaire, révélée par Le Monde, a provoqué l'ouverture de sept procédures judiciaires à l'encontre de plusieurs proches d'Emmanuel Macron, dont son directeur de cabinet, Patrick Strzoda, brièvement soupçonné en 2019 de "faux témoignage" devant la commission d'enquête du Sénat. Devant les sénateurs, ce dernier avait révélé qu'Alexandre Benalla avait utilisé "presque une vingtaine de fois" ses passeports diplomatiques entre le 1er août 2018 et le 31 décembre 2018, soit après son licenciement de l'Elysée.

D'autres procédures judiciaires visent toujours Alexandre Benalla, notamment sur sa participation à la signature de contrats de sécurité entre des oligarques russes et l'entreprise de Vincent Crase, l'un de ses proches lorsqu'il était encore à l'Elysée. Après l'avoir un temps soutenu, Emmanuel Macron a coupé les ponts avec son ancien chargé de mission.

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