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Présidentielle : ce que le renoncement de Hollande change pour les candidats de la gauche

Le président sortant a décidé de ne pas être candidat à sa propre succession. L'annonce surprise du président, jeudi, bouleverse le paysage politique en vue de 2017. Franceinfo passe en revue les conséquences de cette décision à gauche.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
François Hollande lors du sommet de la Francophonie le 26 novembre, à Madagascar. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Il est 20h11, jeudi 1er décembre, quand François Hollande, en direct de l'Elysée, prononce la phrase qui va surprendre jusqu'à ses plus proches soutiens : "J'ai décidé de ne pas être candidat à l'élection présidentielle." Un renoncement surprise, inédit sous la Ve République, qui rebat les cartes en vue de 2017. Pendant que les derniers fans hollandais pleurent leur champion déchu, dans les états-majors socialistes, on s'active en coulisses.

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Car le jeu semble désormais plus ouvert que jamais pour ceux qui seront candidats à la primaire de la gauche des 22 et 29 janvier, comme pour ceux qui ont décidé de sauter cette étape. "Le retrait de François Hollande change beaucoup de choses, commente pour franceinfo Bruno Cautrès, politologue et chercheur au CNRS et au Cevipof. S'il avait décidé d'y aller, l'exercice aurait été difficile pour les candidats car il aurait fallu s'opposer au président de la République, alors que beaucoup ont été ses ministres." Quel impact le retrait du chef de l'Etat va-t-il avoir dans la course à la présidentielle à gauche ? Franceinfo passe en revue les conséquences pour chacun des prétendants à l'Elysée.

Pour Valls, la voie est libre

Les ambitions du Premier ministre, exprimées notamment dans une interview au JDD, ont peut-être pesé dans le choix de François Hollande de ne pas se représenter. Aussitôt la décision du locataire de l'Elysée connue, les regards se sont immédiatement tournés du côté de Matignon. Mais Manuel Valls s'est, pour l'instant, contenté de saluer la décision du président de la République : "C’est un choix difficile, mûri, grave. C’est le choix d’un homme d’Etat." François Hollande "a toujours privilégié l'intérêt général et le rassemblement", a-t-il martelé, vendredi midi, sans en dévoiler davantage.  

Mais à gauche, personne n'est dupe : la déclaration de candidature de Manuel Valls ne saurait tarder. Est-il pour autant le favori de cette primaire ? "La voie est désormais libre pour Manuel Valls, mais ça ne veut pas dire qu"il a un boulevard devant lui, met en garde Bruno Cautrès. Il va être renvoyé à ses contradictions car il a incarné des orientations sensibles pour les électeurs de gauche, notamment sur l'économie ou la sécurité. Et puis, il va avoir à rendre compte de son bilan." Néanmoins, nuance le politologue, le Premier ministre "a une légitimité et peut montrer qu'il a fait ses preuves"

Pour Montebourg, plus d'espace pour ses idées

S'il a salué, jeudi soir, une "décision courageuse" de François Hollande, Arnaud Montebourg n'a eu de cesse, ces derniers mois, d'attaquer le chef de l'Etat, jusqu'à appeler, le 24 novembre, tous les électeurs – même ceux de droite – à venir voter à la primaire pour battre l'actuel locataire de l'Elysée. L'ancien ministre de l'Economie, donné gagnant par certains sondages, a-t-il perdu son meilleur adversaire ? "Certains le disent, c'est peut-être vrai, mais ça va surtout insuffler un nouveau souffle dans cette primaire", souligne François Kalfon, directeur de campagne d'Arnaud Montebourg, contacté par franceinfo. "On va pouvoir parler des vrais enjeux, ça va être projet contre projet", ajoute-t-il, estimant qu'une candidature de François Hollande, impopulaire, aurait "parasité" la primaire. 

"Le retrait de François Hollande est favorable à Arnaud Montebourg, analyse Bruno Cautrès. Il va être plus libre pour développer ses thématiques et si Manuel Valls est candidat, le Premier ministre lui laissera plus d'espace que François Hollande pour incarner une ligne à gauche." En outre, le politologue rappelle que le président de la République aurait pu "venir davantage grignoter des voix des électeurs très ancrés à gauche que Manuel Valls"

Pour Macron, le moyen de se débarrasser de "la figure du traître"

Il en avait fait le pari : François Hollande ne se représenterait pas. Emmanuel Macron avait donc vu juste en s'affranchissant de l'homme qui l'a lancé en politique et en déclarant sa propre candidature à la présidentielle. Le retrait du président "ouvre des perspectives d'un rassemblement plus rapide", juge Stéphane Travert, soutien de l'ancien ministre de l'Economie, interrogé par franceinfo. Le député PS de la Manche assure ainsi avoir eu des "conversations avec des collègues qui ne se reconnaissent pas dans Manuel Valls et qui nous ont dit : 'si le président n'y va pas, le choix de Macron sera important pour nous'".

Stéphane Travert admet également à demi-mot qu'affronter sur les plateaux télévisés ou par entourages interposés le président aurait été compliqué car "leurs liens personnels sont forts". "Ça lève l'énorme épée de Damoclès qu'Emmanuel Macron avait au-dessus de la tête, abonde Bruno Cautrès. Il va pouvoir passer au-delà de la figure du traître." Mais tout n'est pas réglé : "Où est son espace ? Si François Bayrou est candidat, il va forcément lui manger un nombre important de voix", note le spécialiste. 

Pour Mélenchon, une stratégie renforcée

Jean-Luc Mélenchon, parti très tôt en campagne sans vouloir passer par la case primaire, a de quoi sourire. Selon lui, sa stratégie est validée. "La déclaration de François Hollande est un énorme aveu d'échec", a déclaré sur TF1 le candidat de La France insoumise. "On nous reprochait d'être critique vis-à-vis de François Hollande. C'est la confirmation de tout ce que nous avons dit", se félicite auprès de franceinfo Alexis Corbière, son porte-parole. Les équipes de Jean-Luc Mélenchon se préparent désormais à un combat avec le Premier ministre. "C'est plus facile d'affronter Manuel Valls", veut croire Alexis Corbière, qui voit dans le chef du gouvernement un homme "marginal dans la pensée socialiste traditionnelle"

De son côté, Bruno Cautrès estime que Jean-Luc Mélenchon "ne peut être que renforcé" par le retrait du président. "Ça crédibilise toute sa trajectoire, de l'homme politique qui a quitté le PS en 2008 jusqu'à celui qui, en 2012, appelait François Hollande le 'capitaine de pédalo', analyse le politologue. Il fait le pari que plus il y a de candidats à gauche, plus les électeurs vont aller se réfugier chez lui."

Pour Hamon, l'espoir de créer la surprise

Lui aussi est un ancien ministre de François Hollande, avant de devenir frondeur. Benoît Hamon, crédité dans un sondage BVA à la mi-novembre de 11 à 13% des intentions de vote selon les scénarios, espère bien créer la surprise et doubler son ancien allié au gouvernement, Arnaud Montebourg, plus haut dans les enquêtes d'opinion. "Il nous revient, face à la droite totale de François Fillon, d'incarner une gauche totale", a-t-il déclaré, une fois le renoncement de François Hollande connu.  

"Les cartes sont rebattues, estime son porte-parole, Alexis Bachelay, interrogé par franceinfo. Aujourd'hui, il y a des candidats qui vont parler à égalité." Chaque début de semaine, l'équipe de campagne de Benoît Hamon se réunit autour de son champion. "Il se peut que lundi, nous rediscutions de certains axes de campagne, mais les fondements sont déjà posés", assure le député PS des Hauts-de-Seine. Il affiche même son optimisme, après les récentes surprises électorales, de la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis au succès de François Fillon à droite : "Dans cette primaire de la gauche, le scénario ne sera pas celui qui a été écrit ni celui que médias et sondeurs vont écrire dans les jours qui viennent."

Pour les "petits" candidats, pas beaucoup de changements

Outre les figures bien connues des électeurs, il y a aussi tous ces "petits" candidats qui vont se lancer dans la bataille de la primaire. Se sont déclarés la sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann, figure des frondeurs, l'ancien inspecteur du travail Gérard Filoche ou encore François de Rugy d'Ecologistes ! , Pierre Larrouturou de Nouvelle Donne ou Jean-Luc Bennahmias du Front démocrate. Contacté par franceinfo, ce dernier assure que le retrait de François Hollande change sa démarche : "Je vais moins rester sur le bilan du quinquennat que sur mon projet."

Du côté de la présidente du Parti radical de gauche (PRG), Sylvia Pinel, le retrait de François Hollande ne devrait pas changer grand chose. L'ancienne ministre du gouvernement Ayrault souhaite avant tout faire entendre "la singularité" du PRG, en dehors de la primaire, qu'elle juge "incongrue". "La présidentielle, c'est aussi l'occasion de dire que le PRG existe", avait-elle expliqué mercredi sur franceinfo.

Une stratégie confirmée par Bruno Cautrès, qui estime que la non-candidature du président sortant ne change pas grand chose pour ces candidats. Même sans lui, "ils vont avoir du mal à exister", commente le politologue : "Leur premier enjeu, c'est la notoriété. Ce sont des figurants, il ne peut y avoir des conséquences que pour les ralliements."

Pour les autres figures de gauche, la tentation d'y aller

Et si nous n'étions pas au bout de nos surprises ? Et si d'actuels ou d'anciens membres du gouvernement décidaient également de se jeter à l'eau ? Des noms circulent, comme celui de Christiane Taubira. Plus de 75 000 personnes ont ainsi signé une pétition demandant à l'ex-garde des Sceaux de se présenter à la primaire. Mais certains vont encore plus loin et pensent à la ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem ou même à l'ambitieux Matthias Fekl, le secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur. Mais Bruno Cautrès n'y croit pas : "Tous sont marqués par le fait que la droite a réussi sa primaire" et donc qu'une énième candidature rajouterait de la division, juge-t-il.

Même l'hypothèse Christiane Taubira, dont certains rêvent à gauche, ne trouve pas grâce à ses yeux : "Elle est toujours marquée par 2002 [elle avait obtenu 2,3% des voix à la présidentielle] et beaucoup ont dit que c'était à cause d'elle et de Chevènement que la gauche ne s'était pas qualifiée [pour le second tour]." 

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