François Hollande renonce à se présenter en 2017 : dans les coulisses de la décision du président
Jeudi soir, l'annonce du chef de l'Etat a surpris jusqu'à ses proches à l'Elysée.
"Chamboulés", "émus", "malheureux"... Les proches de François Hollande sont sous le choc, jeudi 1er décembre, après l'annonce du chef de l'Etat de ne pas se représenter à la présidentielle. Ils font aussi part de leur surprise : car nombre d'entre eux, y compris au sein de l'Elysée, n'avaient pas été mis dans la confidence. Certains l'ont compris en apprenant, une heure avant seulement, qu'il allait s'exprimer à la télévision. C'est le cas de Bernard Combes, actuel maire de Tulle (Corrèze) et conseiller à l'Elysée, très secoué. D'autres, comme Bernard Poignant, pourtant vieux compagnon de route du président, ont eu besoin d'écouter la déclaration, depuis le palais de l'Elysée, pour connaître le choix de François Hollande.
Qui exactement était au courant ? Des très proches, à l'image de Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l'Elysée, ou Stéphane Le Foll, premier des "grognards" hollandais. Manuel Valls a été prévenu dans l'après-midi. Certains sentaient le coup venir depuis quelques jours.
On peut s'y attendre, et être sous le choc quand même.
Il assure avoir eu, depuis une semaine, le sentiment que François Hollande allait renoncer. "On avait mis des options, des scénarios sur la table. Des réunions qu'on aurait dû mettre en place ne se faisaient pas. Cela disait quelque chose." Un autre confiait, en milieu de semaine, ses doutes sur la volonté du président d'y aller, le trouvant préoccupé.
"Une décision mûrie de longue date"
Gaspard Gantzer, le propre directeur de la communication de François Hollande, n'a été averti qu'en toute fin de matinée : il fallait en effet préparer l'allocution à la télévision. Mais le président, lui, a peut-être pris sa décision plus tôt. C'est en tout cas ce qu'assure un ministre, hollandais historique, à franceinfo : c'est une décision "mûrie de longue date" et "bien antérieure au week-end dernier", dit-il. Façon d'affirmer que ce ne serait pas la violente offensive de Manuel Valls qui expliquerait le renoncement élyséen – dans la dernière édition du JDD, le Premier ministre s'est dit "prêt" à concourir à la primaire de la gauche.
C'est aussi ce que fait comprendre un parlementaire proche du président. A la question de savoir quelle est la part de responsabilité du Premier ministre dans cette décision, il répond : "C'est juste un élément de plus, celui qui l'a achevé. Ce n'est pas seulement parce qu'il s'est senti affaibli par Valls qu'il ne se présente pas. Mais il a pensé lui-même personnellement qu'il n'était pas le mieux placé."
Face au Front national, face à la droite, il aurait fallu être uni derrière le président. François Hollande a constaté que les dirigeants de la gauche ne le sont pas, à commencer par son propre Premier ministre, qu'il a nommé.
Les arguments employés par sa famille ont aussi certainement compté. Ses enfants lui auraient fait part de leur crainte d'une "humiliation" s'il se présentait. Jean-Pierre Mignard, son avocat et ami de plus de 30 ans, l'a fait savoir publiquement. De son côté, Ségolène Royal lui a conseillé de "bien apprécier le rapport de forces".
De la responsabilité de Valls dans ce choix
Manuel Valls était-il au courant dès lundi et son déjeuner avec le président ? Ce n'est pas ce que dit l'Elysée, qui assure que le président lui avait simplement fait savoir que sa décision n'était pas prise. En tout cas, après cette passe d'armes avec le président, le chef du gouvernement avait joué l'apaisement, assurant qu'il n'y aurait pas de "confrontation dans une primaire entre le président et le Premier ministre". Pourtant, lundi soir, à Tunis (Tunisie), il s'était montré déterminé, affirmant à la presse qu'il n'avait pas renoncé à être candidat et qu'il y avait "d'autres possibilités". Et le lendemain, de retour à Paris, il avait rassuré son premier cercle de fidèles, dans les couloirs de l'Assemblée. "Ne t'inquiète pas !" avait-il glissé à quelques-uns, comme si rien n'était définitif.
Si Manuel Valls a peut-être porté le coup de boutoir final, François Hollande voyait bien que le "trou de souris" par lequel il espérait se faufiler pour gagner la présidentielle se rétrécissait chaque jour un peu plus. Le débat sur la déchéance de nationalité et la loi Travail avaient définitivement fracturé la gauche – "Je n'ai qu'un seul regret, d'avoir proposé la déchéance de nationalité. J'ai pensé qu'elle pouvait nous unir alors qu'elle nous a divisés", a d'ailleurs déclaré le président dans son allocution.
Et si à l'Elysée on était prêt à assurer que la bataille du chômage était en passe d'être gagnée (et donc que cette condition, fixée par le président lui-même pour une candidature, était remplie), d'autres nuages obscurcissaient le ciel hollandais : son impopularité record, le choc provoqué par le livre Un président ne devrait pas dire ça, y compris au sein des troupes socialistes, et la multiplication des candidatures de gauche en dehors de la primaire.
L'espoir d'un "électrochoc" pour 2017
Jeudi 1er décembre, avant d'être informé de la décision du président, un conseiller de l'Elysée résumait ainsi les choses à franceinfo. "La gauche est très éclatée : à la fois en dehors de la primaire (avec Mélenchon, Macron, Jadot, Pinel...) et à l'intérieur, avec pléthore de candidatures, jusqu'au sein de l'exécutif, puisque Valls juge sa candidature légitime." Et de continuer : "La seule question qui se pose, c'est de savoir si la candidature de François Hollande conduit à un rassemblement ? Et inversement, est-ce qu'une non-candidature peut susciter un électrochoc salutaire pour la gauche ?" Le président de la République a finalement opté pour cette seconde possibilité. Sans garantie aucune que cet "électrochoc" porte ses fruits.
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