Guerre entre Israël et le Hamas : pourquoi l'avenir politique de Benyamin Nétanyahou s'est assombri depuis les attaques du 7 octobre
Les critiques pleuvent à l'encontre de Benyamin Nétanyahou. Alors que certains le tiennent pour responsable de possibles défaillances sécuritaires après les attaques meurtrières du Hamas, le Premier ministre israélien est, depuis lundi 30 octobre, au cœur d'une nouvelle polémique. La presse a publié un document classé "secret défense" qui lui avait été transmis en 2016, et alertait sur les risques d'une offensive du mouvement islamiste, accompagnée d'une prise d'otages.
Avec ces révélations, l'impopulaire dirigeant conservateur, à la tête d'un gouvernement d'urgence, s'enlise un peu plus dans une crise politique. Franceinfo vous explique pourquoi.
Parce qu'il est à la tête d'un gouvernement d'union nationale fragile
Le 9 octobre, deux jours après l'offensive du Hamas qui a fait au moins 1 400 morts en Israël, Benyamin Nétanyahou a appelé à la formation d'un "gouvernement d'union nationale". Censé durer le temps de la guerre contre le mouvement islamiste palestinien, cet exécutif provisoire dispose de moyens limités puisqu'il n'a pas la possibilité de légiférer ou de promouvoir une politique sans rapport avec les combats dans la bande de Gaza. En parallèle, un cabinet de guerre (réunissant le Premier ministre, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que Benny Gantz, l'un des leaders de l'opposition) est chargé de décider de la stratégie de riposte dans la lutte contre le Hamas, sans avoir besoin de consulter la Knesset, le Parlement israélien.
Mais la mise en place de ce gouvernement d'urgence a été difficile, malgré l'ampleur inédite des attaques du 7 octobre. D'intenses négociations ont eu lieu entre Benyamin Nétanyahou et les membres de l'opposition pour parvenir un accord. En temps de crise avec les territoires palestiniens, il faut habituellement moins de 24 heures pour qu'un gouvernement d'union nationale soit formé en Israël. Cette fois-ci, il a fallu cinq jours à Benyamin Nétanyahou pour obtenir un accord et un vote favorable à la Knesset.
Autre élément illustrant la fragilité de cet exécutif : il ne bénéficie pas du soutien de l'ensemble des partis politiques israéliens. Si Benny Gantz, le principal adversaire de Benyamin Nétanyahou, a accepté de rejoindre le gouvernement d'urgence et le cabinet de guerre, ce n'est pas le cas de Yaïr Lapid, l'autre grande figure de l'opposition. Comme l'explique le journal La Croix, l'ex-chef de la diplomatie israélienne a refusé l'offre du Premier ministre. Il ne souhaite pas rejoindre une équipe composée selon lui d'"extrémistes". La critique vise notamment Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité publique et chef de la formation d'extrême droite Force juive, et de Bezalel Smotrich, suprémaciste juif et actuel ministre des Finances.
Parce que sa responsabilité est pointée depuis les attaques du Hamas
Il n'a pas fallu longtemps pour que Benyamin Nétanyahou soit personnellement mis en cause concernant de possibles failles sécuritaires israéliennes. Tout d'abord, Israël a ignoré un avertissement de l'Egypte, "trois jours avant l'assaut" du Hamas, a dévoilé une commission du Congrès américain début octobre.
Le Premier ministre est également accusé d'avoir ignoré les avertissements émis par ses propres services, dès 2016. Le document secret défense dévoilé lundi par le quotidien Yediot Aharonot alerte sur le risque d'une attaque d'ampleur de la branche armée du Hamas, décrivant son mode opératoire et notamment une prise d'otages. Signé de la main de l'ex-ministre de la Défense Avigdor Lieberman, ce rapport avait été remis à Benyamin Nétanyahou, à la tête du gouvernement de l'époque, rapporte la presse israélienne. Le 28 octobre, le Premier ministre avait pourtant nié l'existence d'un tel document et refusé tout mea-culpa.
Il avait même rejeté la faute sur les services de renseignement et les responsables sécuritaires israéliens, dans un message publié sur X (ex-Twitter) le 29 octobre. "Jamais, en aucune circonstance, le Premier ministre n'a été alerté sur les intentions belliqueuses du Hamas", a-t-il écrit. Le message a été supprimé puis remplacé par des excuses. "La tentative de fuir la responsabilité et de mettre la faute sur l'appareil sécuritaire affaiblit Tsahal [l'armée israélienne] alors qu'il se bat contre les ennemis d'Israël", a dénoncé le chef de l'opposition Yaïr Lapid.
Selon le docteur en géopolitique Frédéric Encel, une frange de la population israélienne critique également la politique mise en place par Benyamin Nétanyahou envers le Hamas. Le leader du Likoud est accusé d'avoir "laissé pourrir la situation" en laissant se développer le mouvement palestinien, au pouvoir dans la bande de Gaza, pour nourrir les divisions avec l'Autorité palestinienne, qui administre la Cisjordanie. Objectif : empêcher la création d'un Etat palestinien uni et avoir une plus grande latitude pour poursuivre la colonisation de la Cisjordanie, analyse la chercheuse Frédérique Schillo, spécialiste de l'histoire d'Israël.
Yaïr Lapid avait déjà porté cette accusation contre Benyamin Nétanyahou mi-octobre, estimant que "celui qui provoque un échec ne peut le réparer". Mais l'opposition n'est pas la seule à reprocher à l'actuel chef du gouvernement de ne pas avoir su protéger la population israélienne des attaques terroristes. Au sein même du Likoud, certains appellent à la création d'une commission d'enquête gouvernementale à l'issue de la guerre contre le Hamas. Nommée par le gouvernement, elle serait notamment chargée de déterminer la responsabilité du Premier ministre dans la série d'attentats perpétrés sur le sol israélien.
Parce que les attentats l'ont rendu encore plus impopulaire
Depuis les attaques du 7 octobre, la popularité de Benyamin Nétanyahou est en chute libre. Environ 20,5% des Israéliens font désormais confiance à leur gouvernement, contre 28% en juin, selon une enquête de l'Israel Democracy Institute publiée le 23 octobre. Une très large majorité des personnes interrogées (78%) dresse par ailleurs un bilan négatif de l'action du Premier ministre durant la semaine qui a suivi les attentats.
Signe de cette impopularité, des manifestations appelant à la démission de "Bibi" ont été organisées en Israël, jusque devant son domicile. Outre les critiques sur de possibles failles sécuritaires, l'exécutif se voit reprocher sa stratégie de riposte par les familles des plus de 200 otages toujours aux mains du Hamas. Pour les proches de ces disparus retenus dans la bande de Gaza, les bombardements intenses sur l'enclave palestinienne mettent leurs vies en péril.
"Une part du contrat social entre un peuple et son gouvernement est le fait de garantir la sécurité de la population. C'est un échec total", analyse Yossi Mekelberg, chercheur spécialiste de la question israélo-palestinienne. D'autant qu'au cours des élections législatives de novembre 2022, Benyamin Nétanyahou avait fait de la sécurité l'un de ses slogans électoraux.
L'impopularité du leader du Likoud ne date toutefois pas de la guerre. Son retour au pouvoir, il y a près d'un an, a été marqué par un vaste mouvement de contestation populaire lié à un projet de loi controversé de réforme du système judiciaire. Pendant neuf mois, chaque week-end, des milliers d'Israéliens ont exprimé leur colère et leur opposition face à cette réforme voulue par le Premier ministre. Nombre d'analystes politiques en Israël estiment donc que la suite de la carrière politique de Benyamin Nétanyahou est fortement compromise. Un ancien général israélien a même assuré, dans des propos rapportés par The Times of Israël, qu'il est désormais impératif pour l'Etat hébreu de changer de dirigeant.
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