Guerre entre Israël et le Hamas : l'article à lire pour comprendre l'escalade qui a mené à l'épisode le plus meurtrier du conflit israélo-palestinien
Une guerre pour "écraser" le Hamas. Le mouvement islamiste a mené un assaut meurtrier en Israël, le 7 octobre, faisant plus de 1 400 morts. La contre-offensive de l'Etat hébreu dans la bande de Gaza, fief du groupe armé, a coûté la vie à plus de 4 650 personnes en deux semaines, selon le dernier bilan des autorités palestiniennes. Ce nouvel épisode de violences est, tant en Israël que dans la bande de Gaza, le plus meurtrier du conflit israélo-palestinien, vieux de plus de 70 ans.
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Que se passe-t-il au Proche-Orient ?
Le conflit israélo-palestinien a connu un tournant, samedi 7 octobre. Au petit matin, la branche armée du Hamas, un mouvement islamiste palestinien, lance une série d'attaques coordonnées depuis la bande de Gaza. Les commandos terroristes visent majoritairement des civils, dans 22 localités proches de la frontière, et font également 212 otages.
La réplique de l'Etat hébreu est immédiate. Le soir même, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, promet que le Hamas sera "écrasé". Des dizaines de milliers de réservistes sont mobilisés pour renforcer l'armée, qui mène d'intenses frappes aériennes sur l'enclave palestinienne et y impose un "siège total". Tsahal, l'armée israélienne, ordonne aussi à 1,1 million d'habitants d'évacuer vers le sud de la bande de Gaza, tandis qu'une opération terrestre contre le Hamas se prépare.
A quand remonte cette guerre entre Israël et la Palestine ?
Cette flambée de violences est une nouvelle escalade dans un conflit vieux de plus de soixante-dix ans. Après la Seconde Guerre mondiale et l'extermination des Juifs par les nazis, l'ONU décide la partition de la Palestine, un territoire sous mandat britannique, en deux Etats, juif et arabe. La naissance d'Israël, en 1948, s'accompagne de "la Nakba, la 'grande catastrophe', avec 800 000 Palestiniens expulsés de leurs terres", rappelle Xavier Guignard, membre du centre de recherche indépendant Noria.
L'Etat hébreu est aussitôt attaqué par ses voisins arabes, mais remporte la guerre en 1949. En découle une "bizarrerie géographique", avec deux territoires palestiniens coupés l'un de l'autre, note Le Monde. A l'est, la Cisjordanie, à l'époque administrée par la Jordanie. A l'ouest, la bande de Gaza, enclave de quelques dizaines de kilomètres de large, administrée par l'Egypte. Israël prend le contrôle de ces deux territoires en 1967, à l'issue de la guerre des Six jours.
"C'est le début d'une occupation militaire qui n'a jamais vraiment cessé, à laquelle s'ajoute la colonisation, avec 700 000 Israéliens qui s'installent en Cisjordanie et à Jérusalem-Est."
Xavier Guignard, spécialiste de la Palestineà franceinfo
Cela mène à deux soulèvements populaires palestiniens, les intifadas de 1987 et 2000, violemment réprimés par Israël. Face aux risques sécuritaires, les soldats et les colons israéliens finissent par se retirer de la bande de Gaza en 2005. Mais "au moins trois problématiques subsistent", selon Xavier Guignard : "le sort des réfugiés palestiniens et de leurs descendants maintenus en exil, l'occupation des territoires palestiniens et le morcellement de ces derniers par la colonisation".
Mais alors, quelle est la situation à Gaza depuis 2005 ?
Le désengagement israélien de l'enclave palestinienne "ne signifie pas sa libération", souligne Xavier Guignard. En 2007, le Hamas "parvient à chasser le [mouvement rival] Fatah de la bande de Gaza, où il prend le pouvoir", explique Frédérique Schillo, chercheuse en histoire et coautrice, avec Marius Schattner, de l'ouvrage La guerre du Kippour n'aura pas lieu (éd. Archipoche, 2023). Israël impose alors un blocus strict au territoire, désigné "entité hostile". L'accès à la mer est limité et tous les points de passages terrestres avec Israël sont fermés, précise Le Monde. La seule porte de sortie de l'enclave est le poste-frontière de Rafah, contrôlé par l'Egypte.
En plus d'être coupée du reste du monde, Gaza voit son activité économique fortement restreinte. L'exportation de produits agricoles est bloquée et le nombre de permis de travail accordés par Israël est réduit drastiquement. L'importation est également verrouillée : les produits "à double usage", qui pourraient être utilisés par les groupes armés, sont interdits. Mais la liste comprend aussi bien le béton que les lentilles, relève Le Monde. Conséquence, "le taux de pauvreté chez les réfugiés palestiniens, qui représentent la majorité de la population gazaouie, est d'environ 81,5%", selon le dernier rapport de l'agence onusienne UNWRA (document en PDF). Les 2,4 millions d'habitants dépendent "presque intégralement de l'aide internationale", ainsi que de la contrebande qui passe par les milliers de tunnels du Hamas, confirme Xavier Guignard.
"C'est une occupation israélienne de l'extérieur, avec un contrôle total de la bande de Gaza par l'air, la terre et la mer. Ce blocus produit une crise humanitaire permanente dans l'enclave, qui redouble quand il y a des affrontements avec Israël."
Xavier Guignardà franceinfo
Ces affrontements sont réguliers, notamment car Tel-Aviv cherche à "limiter la menace sécuritaire" que représente le Hamas, "sans régler la question politique" de l'occupation des territoires palestiniens, analyse le chercheur. Depuis 2007, Tsahal a déjà mené cinq opérations militaires dans la bande de Gaza. En 2014, "Bordure protectrice" avait ainsi été lancée en réplique au meurtre de trois Israéliens par un commando infiltré par des tunnels, rappelle La Croix. Elle s'était soldée par la destruction de 10 000 logements et la mort de plus de 2 000 Palestiniens. Il s'agissait de l'offensive israélienne la plus meurtrière de l'histoire de Gaza, jusqu'à l'opération "Glaive de fer" lancée le 11 octobre.
Qu'est-ce que le Hamas ?
Le Mouvement de résistance islamique, autre nom du Hamas, est une organisation nationaliste et islamiste palestinienne née en 1987. Depuis sa prise de pouvoir, il a instauré un régime autoritaire dans la bande de Gaza, ainsi qu'"une structure quasi étatique avec des ministères, un service de presse et tout ce qu'il faut pour gérer la population", détaille Thomas Vescovi, historien et auteur de L'Echec d'une utopie, une histoire des gauches en Israël (éd. La Découverte, 2021). Selon le chercheur indépendant, Benyamin Nétanyahou a favorisé cette situation afin d'empêcher la création d'un Etat palestinien, en entretenant les divisions entre le Hamas et son rival, le Fatah.
"Nétanyahou a accepté le financement du Hamas par le Qatar, pour soutenir la reconstruction et alimenter tout l'appareil administratif. (...) C'est une organisation libre d'organiser un proto-Etat dans la bande de Gaza."
Thomas Vescovi, chercheur indépendantà franceinfo
Le mouvement est aussi doté d'une branche armée, les brigades Ezzedine al-Qassam, responsables de l'assaut du 7 octobre. Soutenu financièrement et militairement par l'Iran, le groupe armé mène régulièrement des actions violentes contre les civils sur le territoire israélien, ce qui lui vaut d'être considéré comme une organisation terroriste par plusieurs pays, dont ceux de l'Union européenne et les Etats-Unis.
On ne parle que de Gaza, mais quelle est la situation en Cisjordanie ?
En 2006, le Hamas remporte les élections organisées dans toute la Palestine. Mais le Fatah, organisation rivale jusqu'ici au pouvoir, refuse cette transition. A l'issue d'un an de guerre civile, le Hamas "règne en maître à Gaza" et le Fatah garde le contrôle de la Cisjordanie, résume Frédérique Schillo. Le plus grand territoire palestinien est administré par l'Autorité palestinienne, "une autorité sans souveraineté, qui doit sa survie à la coopération sécuritaire avec Israël et qui a toutes les caractéristiques d'un régime autoritaire", assure Xavier Guignard. Elle est actuellement dirigée par Mahmoud Abbas, dont le mandat a expiré en 2009. Le leader du Fatah "a concentré tous les pouvoirs, judiciaire, législatif et exécutif" et "réprime ses opposants", poursuit le spécialiste de la Palestine.
Pour Frédérique Schillo, la division entre le Hamas et le Fatah fait les affaires de Benyamin Nétanyahou, qui y voit "une manière de délégitimer l'Autorité palestinienne". Et donc d'avoir une plus grande latitude pour poursuivre la colonisation de la Cisjordanie. Depuis 1967, Israël n'a cessé d'étendre son occupation du territoire palestinien, pourtant jugée illégale par l'ONU, précise le New York Times. En Cisjordanie non plus, "les Palestiniens ne sont pas libres et subissent des vexations, des exactions de colons et leur destin est entièrement entre les mains des autorités israéliennes", affirme Thomas Vescovi.
"Benyamin Nétanyahou n'a pas besoin de proclamer l'annexion de la Cisjordanie. Elle se fait de facto, avec des avantages et des droits accordés pour les résidents des colonies."
Frédérique Schillo, spécialiste d'Israëlà franceinfo
La colonisation s'est encore accrue depuis le retour au pouvoir de Benyamin Nétanyahou, à la tête d'une coalition avec des partis d'extrême droite et suprémacistes juifs qui prônent l'annexion de la Cisjordanie. Cela a mené à une recrudescence de violences opposant Palestiniens et colons juifs, début 2023, qui ont entraîné des morts des deux côtés.
Pourquoi cette nouvelle explosion de violences survient-elle maintenant ?
Dans ses revendications, le Hamas affirme que les attaques terroristes du 7 octobre sont une réponse à la "désacralisation" de la mosquée al-Aqsa de Jérusalem. Début octobre, des colons israéliens sont entrés pour prier dans ce lieu saint de l'islam, rappelle Vox. Mais le groupe a également reconnu préparer de longue date l'assaut en Israël. "La colonisation de la Cisjordanie, les réfugiés en exil et le blocus de Gaza" figurent également parmi ses motivations, souligne Xavier Guignard.
Frédérique Schillo voit aussi dans cette attaque une tentative du mouvement islamiste d'affaiblir l'Autorité palestinienne. "La jeunesse palestinienne n'a aucun espoir et se tourne vers ceux qui se présentent comme les champions de la cause palestinienne, le Hamas", analyse la chercheuse. L'organisation "tente une OPA sur les mouvements de résistance armée de Cisjordanie, aux affiliations mouvantes", précise Le Monde.
Cet assaut meurtrier, et la guerre qui s'ensuit, intervient aussi alors que Tel-Aviv menait des négociations pour normaliser ses relations avec l'Arabie saoudite. Riyad, ennemi historique d'Israël, a jusqu'ici refusé de reconnaître l'Etat hébreu et appelé à la création d'un Etat palestinien souverain. Le timing de l'attaque, ainsi que le potentiel soutien militaire et financier que l'Iran y aurait apporté, interrogent donc sur les motivations géopolitiques qui ont poussé le Hamas a renversé le statu quo avec Tel-Aviv, rapporte Le Monde.
Est-il encore possible d'arriver à un accord de paix ?
"Le processus de paix n'est pas au point mort, il est enterré pour des années", juge Frédérique Schillo. Le dernier cycle de négociations, qui s'est soldé par un échec, remonte à 2014. "Pour les Palestiniens, la discussion ne peut débuter que si Israël respecte certaines lignes rouges, comme l'arrêt de la colonisation en Cisjordanie", pointe Thomas Vescovi. Or, elle "a enregistré une progression notable depuis les années 1990, quel que soit le parti au pouvoir", constate Xavier Guignard. Et il n'y a "aucune volonté de voir naître un Etat palestinien souverain, même chez les Israéliens les plus favorables à la paix", selon le chercheur.
Ces dernières années, Israël portait l'idée d'une "paix économique" au lieu d'une solution politique. En clair, l'espoir était que "les revendications palestiniennes s'éteindraient si leur situation économique s'améliorait", explique Xavier Guignard. Mais l'assaut du Hamas a fait "s'écrouler cette croyance". "C'est un acte de guerre auquel Israël va répondre massivement", abonde Frédérique Schillo. L'objectif d'"écraser" le Hamas s'annonce toutefois compliqué à atteindre.
"Le Hamas ne se résume pas à sa branche armée, qui a mené l'attaque du 7 octobre. C'est aussi un mouvement politique, contesté mais qui représente une partie importante de la population palestinienne, et surtout une administration, avec des fonctionnaires, qui assure de nombreux services dans la bande de Gaza."
Xavier Guignardà franceinfo
"Tsahal va devoir mener des opérations très risquées pour éliminer les chefs militaires du Hamas" mais certains chefs politiques de l'organisation se trouvent à l'étranger, note Frédérique Schillo. Même si l'armée israélienne parvient à tuer les responsables de la branche armée, "l'idéologie [du mouvement] restera intacte", avertit l'experte.
J'ai la flemme de tout lire, vous me faites un résumé ?
Le conflit israélo-palestinien a connu un nouvel épisode de violences, samedi 7 octobre, lorsque le Hamas a lancé une série d'attaques en Israël, depuis la bande de Gaza. L'assaut a coûté la vie à plus de 1 400 personnes, principalement des civils. Tel-Aviv a répliqué en déclenchant l'opération "Glaive de fer" : un "siège total" de la bande de Gaza, soumise à des bombardements quasi continus qui ont fait plus de 4 650 morts.
Il s'agit de la sixième offensive d'Israël contre l'enclave palestinienne, depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007. Le mouvement islamiste – considéré comme une organisation terroriste par l'Union européenne et les Etats-Unis notamment –, doté d'une branche armée qui attaque régulièrement les civils israéliens, a mis en place un "régime autoritaire" à Gaza. Mais il y assure aussi toutes les fonctions d'un "proto-Etat", explique Thomas Vescovi, historien et chercheur indépendant. Il administre ainsi ce territoire soumis à un blocus israélien depuis plus de quinze ans et où 80% des 2,4 millions d'habitants dépendent de l'aide humanitaire, selon l'ONU (document en PDF).
L'emprise du Hamas sur la bande de Gaza est tolérée par Tel-Aviv, qui voit là un moyen d'affaiblir le Fatah, mouvement palestinien rival qui administre la Cisjordanie. Au cours des dernières décennies, Israël n'a cessé d'installer des colonies dans le plus grand des deux territoires palestinens, une occupation pourtant jugée illégale par l'ONU. Dans ses revendications pour justifier l'attaque du 7 octobre, le Hamas cite notamment l'accélération de ces annexions. La colonisation de la Cisjordanie est aussi le principal obstacle aux négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens. Au point mort depuis 2014, le processus est désormais "enterré pour des années", estime Frédérique Schillo, chercheuse en histoire spécialiste d'Israël.
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