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En Israël, derrière l'unité nationale, l'expression d'une colère contre le gouvernement de Benyamin Nétanyahou

Depuis les atrocités commises par le Hamas en Israël, la population se mobilise pour venir en aide aux soldats, aux déplacés et aux victimes des attaques. Mais les critiques se multiplient à l'encontre du Premier ministre israélien et de son gouvernement.
Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8min
Une femme brandit une pancarte sur laquelle est écrit : "Démissionnez ! 7 octobre 2023", en référence à Benyamin Nétanyahou et à l'assaut du Hamas en Israël, lors d'une manifestation à Tel-Aviv (Israël), le 14 octobre 2023. (YAHEL GAZIT / MIDDLE EAST IMAGES / AFP)

Le rassemblement a eu lieu à Tel-Aviv (Israël), une semaine après l'attaque inédite du Hamas qui a fait plus de 1 400 morts dans l'Etat hébreu. Samedi 14 octobre, une manifestation a été organisée en soutien aux familles des victimes de ces atrocités, tout en laissant apparaître des divisions sur la responsabilité des autorités, rapporte France 24. "Le Hamas, ce sont des animaux prédateurs, mais 57 ans d'occupation nous ont amenés là aujourd'hui", a défendu une manifestante, interrogée par la chaîne. 

Plus d'une semaine après l'attaque de l'organisation terroriste palestinienne contre Israël, l'unité nationale au sein de l'Etat hébreu n'efface pas des divisions et de vives critiques à l'encontre du gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Une colère commence à s'exprimer contre le Premier ministre et sa coalition la plus à droite de l'histoire du pays, tandis qu'une part de l'opposition a refusé, à ce stade, de participer au gouvernement d'urgence initié dans la lignée du conflit

Une colère traversant plusieurs franges de la société 

Depuis l'assaut surprise et massif du Hamas, la population israélienne est largement mobilisée et unie, au travers de multiples initiatives, pour aider l'armée et les populations déplacées, décrit Le Monde. "On voit comment des gens se mobilisent pour aider des réservistes et des soldats, on voit des voitures remplies de vêtements, de nourriture", illustre auprès de franceinfo Yossi Mekelberg, chercheur au centre de réflexion britannique Chatham House et spécialiste de la question israélo-palestinienne. 

Néanmoins, plusieurs voix se sont aussi élevées pour exprimer leur colère à l'encontre des autorités israéliennes, face à leur incapacité à anticiper des actes d'une telle gravité. Ces critiques ont visé directement deux ministres, lors de leurs visites au sein d'hôpitaux. "Vous avez détruit le pays ! Partez d'ici !", a lâché une Israélienne face à la ministre de la Protection de l'environnement Idit Silman, dans l'hôpital Assaf Harofeh de Beer Yaakov. "On va se débrouiller sans vous (...) Vous avez détruit le gouvernement", a taclé ensuite un médecin, poussant la ministre à quitter le centre de santé, rapporte Courrier international. Son collègue Nir Barkat, ministre de l'Economie, a été à son tour interpellé à l'hôpital Sheba de Ramat Gan, près de Tel-Aviv. Un citoyen présent lors de sa visite l'a enjoint de "demander pardon aux Israéliens", et de démissionner.

"Il y a évidemment une colère contre le Hamas, mais aussi une colère contre le gouvernement et le Premier ministre. Une part du contrat social entre un peuple et son gouvernement est le fait de garantir la sécurité de la population. C'est un échec total."

Yossi Mekelberg, chercheur, spécialiste de la question israélo-palestienne

à franceinfo

Des critiques s'expriment aussi dans les franges de la société plus acquises à Benyamin Nétanyahou. "Il nous a trompés. Nous avions confiance en lui, car il a libéré des fonds pour l'éducation dans les écoles religieuses. Mais à quoi sert l'argent lorsqu'on égorge nos enfants et qu'on viole nos femmes ?" a réagi auprès de l'AFP le rabbin Eliezer Moshia. 

"On a cru pendant les premières heures qu'il y avait une union nationale qui était très solide et puissante. En fait, les sondages et les réactions montrent qu'il y a une colère assez profonde contre Nétanyahou", analyse auprès de franceinfo Thomas Vescovi, chercheur indépendant en histoire contemporaine et auteur de L'Echec d'une utopie, une histoire des gauches en Israël (éd. La Découverte). Le spécialiste de la question israélo-palestinienne relève que des titres "de la presse israélienne de droite" sont "très critiques envers Nétanyahou", à l'image du quotidien Israel Hayom. "Tout cela a échappé au renseignement israélien, qui n'en savait rien. A cet égard, c'est peut-être encore plus grave que l'échec de 1973, tacle le journal, cité par L'Express. Israël est aujourd'hui beaucoup plus fort en termes de renseignement et sur le plan opérationnel, en particulier contre un ennemi faible et contraint comme le Hamas. Il ne devrait pas subir une telle surprise tactique et stratégique."

Benyamin Nétanyahou vivement critiqué 

Pour Yossi Mekelberg, "il suffit de regarder les enquêtes d'opinion" pour voir que le Likoud, parti de droite de Benyamin Nétanyahou, "s'est complètement effondré. Cela vous montre à quel point les gens sont en colère." Un sondage relayé par le Jerusalem Post, vendredi, montre que le Premier ministre obtient une note moyenne d'approbation de 4,2 sur 10 dans sa gestion du conflit, et 42% des sondés lui donnent une note d'à peine 1 sur 10. Un peu moins d'un tiers des Israéliens interrogés le jugent "toujours qualifié pour être Premier ministre". Ils sont toutefois 71% à exprimer leur confiance envers Tsahal, l'armée de l'Etat hébreu. 

Depuis le 7 octobre, les commentaires se multiplient à l'encontre des politiques menées par le chef du gouvernement. "Le cataclysme qui fracasse Israël est clairement la responsabilité d'une seule personne : Benyamin Nétanyahou", écrivait le journal israélien Haaretz dès le lendemain de l'attaque. "Notre Premier ministre (...) n'a manifestement pas pris à leur juste mesure les menaces auxquelles il exposait Israël en mettant sur pied un gouvernement d'annexion et de dépossession (...) tout en adoptant une politique étrangère qui nie explicitement les droits des Palestiniens."

Le président du Likoud a défendu ces dernières années l'idée selon laquelle "le Hamas ne présentait pas un danger majeur pour Israël", décrypte le chercheur et politologue Samy Cohen auprès de The Conversation. "Il fallait préserver sa présence dans la bande de Gaza afin de convaincre la société israélienne et la communauté internationale qu'il n'y avait pas de partenaire pour la paix, puisque la société palestinienne était fracturée entre, d'une part, le Hamas et, d'autre part, le Fatah", analyse le directeur de recherche émérite au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po. 

"Quiconque veut contrecarrer la création d'un Etat palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et lui transférer de l'argent. Cela fait partie de notre stratégie."

Benyamin Nétanyahou

lors d'une réunion du Likoud en 2019

L'organisation islamiste palestinienne a ainsi pu recevoir des financements du Qatar et "les services de renseignement (israéliens) se sont endormis". Le chercheur ajoute que la présence militaire israélienne autour de Gaza n'était pas suffisante, car "l'effort principal portait sur la Cisjordanie" :  "Depuis deux ans, le gouvernement israélien ne cesse de renforcer la sécurité des colonies". La priorité politique donnée à l'occupation de territoires en Cisjordanie, mais aussi au contrôle du pouvoir judiciaire israélien, a joué sur cette impréparation militaire, appuie Vox. Le site d'information note aussi "les premières préoccupations politiques" de Benyamin Nétanyahou, accusé de corruption : "se maintenir au pouvoir et éviter la prison"

Un gouvernement d'urgence, mais sans une part de l'opposition 

Jeudi, cinq jours après l'assaut du Hamas, le Parlement israélien a confirmé la formation d'un cabinet de guerre et d'un gouvernement d'urgence devant la gravité de la situation. "Le gouvernement d'union que nous mettons en place va envoyer un message d'une grande force", a déclaré Benyamin Nétanyahou avant cette confirmation. 

Ce nouveau gouvernement aurait dû être formé au bout de 24 heures et non cinq jours après l'attaque, d'après Yossi Mekelberg. A l'issue de quatre jours de négociations, il compte parmi ses membres Benny Gantz, rival de "Bibi", ainsi que cinq membres de sa formation centriste. Néanmoins, le leader de l'opposition, Yaïr Lapid, a refusé à ce stade de le rejoindre, fustigeant une formation incluant des "extrémistes". Le centriste "a refusé de cautionner le maintien au pouvoir de partis d'extrême droite", développe Thomas Vescovi. "Il a estimé que ces gens-là faisaient partie du problème, car ils ont attisé les tensions avec les Palestiniens." 

"Si j'avais pensé que ce qui se passe aujourd'hui est un véritable gouvernement d'unité, j'y serais allé", a en outre déclaré Yaïr Lapid. Tout en affirmant, avec son mouvement, la volonté d'"aider de toutes les manières possibles". 

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