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Présidentielle 2022 : colère des Français, selfies en série et drague électorale… On vous raconte la campagne de l'entre-deux-tours

Depuis près de deux semaines, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont mis leurs dernières forces dans la bataille électorale en vue du second tour. En cherchant à esquisser leur vision de la France tout en égratignant le projet de leur concurrent.

Article rédigé par Clément Parrot, Antoine Comte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Depuis le premier tour, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont battu le pavé à la rencontre des électeurs, enchaîné les meetings et écumé les plateaux de radio et de télévision. (MAXPPP / AFP)

Quinze jours pour convaincre les Français. Depuis le premier tour, Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont battu le pavé à la rencontre des électeurs, enchaîné les meetings et écumé les plateaux de radio et de télévision. A quelques heures de la fin de la campagne officielle, vendredi 22 avril à minuit, franceinfo rembobine le film de cette bataille de l'entre-deux-tours.

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Lundi 11. Pas de temps d'observation. Après sa qualification, Emmanuel Macron ne fait pas sauter le champagne à La Rotonde comme en 2017, mais se tourne rapidement vers le terrain. Le président se rend dans le Nord. A Denain, où il est arrivé en troisième position, avec seulement 14,74% des voix, le candidat se confronte à la colère d'une partie des Français et se voit reprocher d'avoir voulu "emmerder les non-vaccinés", des propos prononcés il y a plusieurs mois. 

"Il est enfin parti en campagne. Au premier tour, c'était peu trop rapide, pas assez local. C'était indispensable d'être à portée de baffes", confie une ministre à franceinfo. "Il a repris des risques, en allant se taper les engueulades. Et les gens aiment bien chez lui ce côté castagne", confirme un autre membre du gouvernement.

En face, Marine Le Pen ne reste pas les bras croisés et improvise un déplacement à Soucy, dans l'Yonne, une terre où elle est arrivée largement en tête du premier tour (36,08%). Elle y développe son thème favori du pouvoir d'achat en rendant visite à un céréalier. "Je supprimerai la TVA sur un panier de cent produits alimentaires et d'hygiène", promet la finaliste. 

"L'empathie, le terrain et l'écoute"

Mardi 12. Marine Le Pen enchaîne un passage dans la matinale de France Inter et une interview le soir sur TF1. Elle en profite pour dénoncer "la manœuvre" d'Emmanuel Macron pour "tenter de récupérer" des électeurs de gauche, quand il se dit prêt à "bouger" sur la réforme des retraites. La candidate se rend aussi dans l'Eure pour une conférence de presse sur les institutions et "l'exercice du pouvoir". L'occasion pour la fille de Jean-Marie Le Pen de faire une sortie remarquée sur sa conception de la liberté de la presse. 

Emmanuel Macron, lui, poursuit son travail de terrain en Alsace, entre bain de foule et meeting en plein air à Strasbourg. "On est en souffrance", lance un aide-soignant de 61 ans au président, à Mulhouse (Haut-Rhin). Pour les macronistes, il s'agit de faire redescendre Jupiter de son Olympe afin de montrer sa capacité à dialoguer avec les Français en difficulté. "Dans cette première semaine de campagne, l'objectif, c'est l'empathie, le terrain et l'écoute", explique un cadre LREM.  

"Si le peuple vote, le peuple gagne"

Mercredi 13. Le président-candidat se concentre sur son plan médias, avec une interview au "20 Heures" de TF1. A cette occasion, Emmanuel Macron se dit prêt à "enrichir" son projet, en regardant du côté de Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. "Je sais qu'il y a des choses sur lesquelles on peut aller plus loin, sur l'écologie notamment", assure-t-il.

De son côté, Marine Le Pen cherche à crédibiliser sa stature internationale, avec une nouvelle conférence de presse, cette fois-ci axée sur sa vision en matière de politique étrangère et ses orientations diplomatiques. Elle se prononce notamment "en faveur de la mise en œuvre d'un rapprochement stratégique entre l'Otan et la Russie". La réunion de la candidate est perturbée par une élue écologiste, évacuée sans ménagement. Marine Le Pen, qui ne bénéficie plus du paratonnerre Eric Zemmour, se retrouve à nouveau diabolisée.

Jeudi 14. Pour reprendre la main, la candidate organise son premier meeting de l'entre-deux-tours, à Avignon (Vaucluse). Elle appelle les électeurs à faire barrage à Emmanuel Macron, en fustigeant le bilan de son adversaire. "Je dis aux abstentionnistes : 'Venez voter. Si le peuple vote, le peuple gagne'." Emmanuel Macron se déplace quant à lui au Havre (Seine-Maritime) pour parler écologie. Il en profite pour tacler à nouveau son adversaire

Macron "bouge" encore

Vendredi 15. Après les retraites ou l'écologie, Emmanuel Macron fait un nouveau "bougé" sur son programme. Interpellé sur franceinfo par une auditrice, le candidat fait un pas vers la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), en évoquant une "situation aberrante". Le président-candidat se rend aussi sur le chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris à l'occasion des trois ans de l'incendie qui a ravagé l'édifice religieux.

Marine Le Pen se promène sur le marché de Pertuis, dans le Vaucluse. Interpellée par une femme portant un hijab blanc, la candidate du RN a bien du mal à assumer ses positions sur l'interdiction du port du voile dans l'espace public. Elle qui a martelé quelques jours plus tôt vouloir sanctionner par une amende le port de ce signe religieux hors de la sphère privée, concède finalement ne "pas être obtuse" et renvoie ce "problème complexe" à la "discussion" au Parlement, puis à un référendum d'initiative citoyenne.

Samedi 16. Marine Le Pen se rend à Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir). Dans cette bourgade rurale qui l'a largement placée en tête au premier tour (37,2%), elle annonce vouloir diriger la France "en mère de famille" et "défendre les plus vulnérables". Mais l'opération séduction est parasitée par la publication d'une nouvelle enquête de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf), qui reproche à la candidate d'avoir détourné près de 137 000 euros d'argent public entre 2004 et 2017.

Le même jour, Emmanuel Macron organise un nouveau meeting à Marseille, "une ville à laquelle il est très attaché affectivement"selon son équipe. Dans un décor de carte postale, le candidat parle encore à sa gauche en promettant une "politique qui sera écologique ou ne sera pas". La foule des grands soirs n'est pas au rendez-vous, mais le président sortant fait passer son message, en promettant notamment un Premier ministre "directement chargé de la planification écologique".

"Le 24 avril, c'est un référendum pour ou contre l'écologie."

Emmanuel Macron

en meeting à Marseille

La journée est également marquée par des manifestations un peu partout en France contre l'extrême droite, mais aussi contre le président sortant. Les cortèges rassemblent 22 000 personnes au son du slogan "Ni Macron ni Le Pen".

Les "insoumis" en arbitres

Dimanche 17. Pas de déplacement en ce week-end pascal, mais plusieurs plateaux télé. Invité sur France 3, Marine Le Pen fustige les attaques portées par Emmanuel Macron. "Je n'ai jamais été climatosceptique", lance-t-elle en assurant qu'elle ne reviendra pas sur "l'accord de Paris" sur le climat si elle est élue le 24 avril. L'émission "Sept à Huit", sur TF1, diffuse un portrait de chacun des deux candidats. Interrogée sur Emmanuel Macron, Marine Le Pen n'est pas tendre avec son adversaire.

"Je le trouve très brutal à mon égard, et parfois même injurieux."

Marine Le Pen à propos d'Emmanuel Macron

sur TF1

Le président-candidat alerte sur "les extrêmes" dont il reconnaît ne pas avoir réussi à réduire l'influence durant son quinquennat. Dans le même temps, les résultats de la consultation menée au sein de l'Union populaire de Jean-Luc Mélenchon tombent : les deux tiers des soutiens du leader "insoumis" ne voteront pas Emmanuel Macron au second tour et ne comptent donc pas faire barrage à l'extrême droite. 

"J'ai l'habitude des coups fourrés de l'UE"

Lundi 18. Nouveau déplacement pour Marine Le Pen, cette fois-ci dans en Normandie, mais toujours en terrain conquis. Gabriel Attal critique la campagne "en charentaises" de la candidate du RN, qui profite d'un bain de foule à Saint-Pierre-en-Auge (Calvados). "Les coups fourrés de l'Union européenne, quelques jours avant le second tour, j'ai une grande habitude de cela", lance-t-elle en réponse aux accusations de détournement de fonds publics, avant d'être interpellée par un militant pro-Macron.

En fin d'après-midi, le chef de l'Etat est l'invité de "C à vous", le talk-show de France 5. Le candidat passe en revue son programme et critique à nouveau sa rivale. Il réunit plus de 1,5 million de téléspectateurs, un record pour l'émission cette saison.

Préparer le débat pour "laver l'affront"

Mardi 19 avril. Pas de déplacement pour les deux candidats, qui préfèrent se consacrer à la préparation du débat de l'entre-deux-tours prévu le lendemain. La candidate, qui souhaite "laver l'affront" du débat raté de 2017, selon un soutien, décide de s'isoler à son domicile avec ses conseillers pour préparer au mieux ce rendez-vous décisif. Le président-candidat ne prévoit, lui, aucune mise au vert. "Il prend très au sérieux cette confrontation, mais il veut aussi poursuivre ses activités de chef de l'Etat", confie un cadre de la macronie.

Mercredi 20 avril. Point d'orgue de la campagne électorale, le débat promettait de ne pas être le remake de 2017. C'est en effet un match plutôt serré auquel 15,6 millions de télespectateurs assistent durant près de trois heures. Toujours campée derrière sa stratégie de crédibiliser sa stature de femme d'Etat, la candidate d'extrême droite ne tombe pas dans le piège de l'attaque frontale comme il y a cinq ans. Très offensif, parfois même arrogant, Emmanuel Macron met plusieurs fois Marine Le Pen face à ses approximations, mais aussi face aux textes de loi qu'elle n'a pas votés en tant que députée. Selon un sondage de l'institut Elabe pour BFM et L'Express59% des téléspectateurs désignent le chef de l'Etat comme vainqueur de ce face-à-face.

Sur le terrain jusqu'au bout

Jeudi 21 avril. Une date symbolique : il y a vingt ans jour pour jour, Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de l'élection présidentielle. Après une rencontre avec des chauffeurs routiers dans la Somme, Marine Le Pen choisit le Pas-de-Calais, fief électoral du RN, pour sa dernière réunion publique à Arras. 

Emmanuel Macron arpente de son côté les rues de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Malgré une arrivée chahutée, le candidat continue son opération séduction auprès de l'électorat populaire en détaillant son plan "Quartiers 2030". Avant sa participation à un nouveau "20 Heures" sur France 2, le président mouille la chemise en enfilant des gants de boxe avec des acteurs associatifs locaux.

Emmanuel Macron enfile des gants de boxe, le 21 avril 2022, lors d'un déplacement à  Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). (FRANCOIS MORI / AFP)

Vendredi 22 avril. Pour leur ultime journée de campagne, Marine Le Pen et Emmanuel Macron s'offrent une dernière étape. Le président prévoit une "séquence ruralité" à Figeac, dans le Lot. La candidate du RN reste dans le Pas-de-Calais avant de clore sa campagne dans la petite ville de Berck. A minuit, les deux candidats devront cesser de faire campagne et n'auront plus qu'à attendre le verdict des urnes, dimanche à 20 heures.

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