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Présidentielle 2022 : "beaucoup plus de déplacements" et "projet contre projet", la stratégie d'Emmanuel Macron pour battre Marine Le Pen

Le combat du président sortant contre son adversaire du Rassemblement national s'annonce plus difficile qu'il y a cinq ans. 

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Emmanuel Macron et Marine Le Pen, qualifiés pour le second tour de l'élection présidentielle qui aura lieu le 24 avril 2022. (CARINE SCHMITT / HANS LUCAS)

"Et un, et deux, et cinq ans de plus !" Il est 22 heures, dimanche 10 avril, dans le hall 6 du parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris. Les militants macronistes agitent des drapeaux français et européens. Sur scène, malgré ses 27,84% et sa première place au premier tour, Emmanuel Macron se garde pourtant de tout triomphalisme en vue du 24 avril. Le décor est le même qu'il y a cinq ans, le score est meilleur, pourtant, le président sait que la partie s'annonce plus difficile. "Ne nous trompons pas, rien n'est joué", met-il en garde, avant d'insister quelques minutes plus tard : "Ne ménageons aucun effort dans les quinze jours à venir, rien n'est fait."

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"L'équation est compliquée pour Emmanuel Macron. Il est sortant, a eu l'occasion de décevoir et Marine Le Pen est en meilleure position qu'il y a cinq ans", résume le politologue Bruno Cautrès. Par rapport à 2017, la candidate du RN gagne deux points, avec 23,15% des suffrages. Elle dispose surtout d'une plus grosse réserve de voix. Eric Zemmour (7,05%) et Nicolas Dupont-Aignan (2,06%) ont appelé leurs partisans à voter pour la finaliste du second tour. Ce n'est pas tout. "Il ne faut pas donner de voix à Mme Le Pen", a pour sa part martelé Jean-Luc Mélenchon trois fois dimanche soir. Pourtant, 30% de ses électeurs se disent prêts à voter pour la candidate d'extrême droite, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria diffusé après le premier tour.

Le terrain, le terrain, le terrain

Pour contrer Marine Le Pen, Emmanuel Macron et ses troupes répondent par le terrain. "Il faut faire beaucoup plus de déplacements", glissait un ministre après l'annonce des résultats, dimanche soir. Il a visiblement été entendu. Le président de la République était lundi à Denain (Nord), Carvin et Lens (Pas-de-Calais), des terres frontistes qui sont très loin de lui être acquises. "Les extrêmes, y compris le Front national, se nourrissent de la fatalité", a lancé le chef de l'Etat devant les caméras.

Mardi, Emmanuel Macron se rend dans le Grand Est. Il prendra notamment la parole à Strasbourg, où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête. Jeudi, selon Politico et Le Parisien, il ira au Havre, ville tenue par son ancien Premier ministre, Edouard Philippe, où le candidat de l'Union populaire a aussi décroché la première place.

Cet enchaînement tranche avec la campagne a minima du premier tour, mais aussi avec les choix faits il y a cinq ans. "Il n'y a pas un jour à perdre comme on l'avait fait en 2017", soutient ainsi un macroniste. A l'époque, Emmanuel Macron avait donné l'impression d'oublier ce second tour, célébrant en grande pompe sa victoire au restaurant La Rotonde et hésitant à reprendre le fil de sa campagne. Le lendemain, le candidat s'était enfermé dans son QG, avant de se rendre à une commémoration du génocide arménien. Au contraire, Marine Le Pen avait repris son bâton de pèlerin pour labourer les terres du Pas-de-Calais.

"La diabolisation, ça ne marche plus"

Autre nouveauté : il n'est plus question de "diaboliser" Marine Le Pen. "Derrière la diabolisation, il y a une dimension moraliste. Or, il faut montrer le vrai visage de Marine Le Pen", explique un dirigeant de la majorité. "Elle s'est trompée sur tout. Elle a été pro-Poutine, son parti est financé par la Russie. Elle a été contre la livraison d'armes à l'Ukraine, contre le vaccin à ARN messager, contre la vaccination…" liste-t-il. "Ça va être projet contre projet", assure la secrétaire d'Etat Sarah El Hairy. Un mot d'ordre répété à l'envi par les membres du gouvernement et cadres de la majorité dimanche soir.

"Ce n'est pas les bons contre les méchants."

Sarah El Hairy, secrétaire d'Etat à la Jeunesse et à l'Engagement

à franceinfo

Au QG de LREM, des petites mains s'activent ainsi pour reprendre toutes les positions de la candidate d'extrême droite dans le passé. L'entre-deux-tours ne devrait pas être marqué par un appel explicite au "front républicain" qui avait permis à Emmanuel Macron de laminer Marine Le Pen en 2017. "Comme il n'y a plus de front républicain, je ne peux pas faire comme s'il existait", a même déclaré Emmanuel Macron lundi dans le Pas-de-Calais.

Un constat partagé par le politologue Bruno Cautrès : "Le front républicain, on voit que c'est une expression qui a totalement disparu de la campagne, elle est considérée par une grande partie de l'électorat comme quelque chose qui les exaspère", livre-t-il.

La macronie va plutôt s'atteler à défaire l'image d'une Marine Le Pen championne du pouvoir d'achat. "Le pouvoir d'achat, c'est nous", affirme la porte-parole de LREM, Maud Bregeon. "On n'a attendu personne pour prendre des mesures pour le pouvoir d'achat", s'est agacé Stanislas Guerini dimanche soir devant les journalistes. Le patron d'En Marche ! cite le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement face à la hausse des tarifs du gaz et de l'électricité.

Aller chercher les électeurs de gauche

L'enjeu est de taille : il s'agit de s'imposer dans le cœur de l'électorat de gauche et notamment celui de Jean-Luc Mélenchon. "Il y a des avancées sociales dans notre projet, il faut expliquer aux électeurs de gauche que notre engagement social est crédible", assure le secrétaire d'Etat à l'Europe, Clément Beaune. "On va devoir élargir notre spectre pour parler aux électeurs de gauche, il faut parler aux classes populaires", appuie le député LREM de Paris, Pierre Person.

"Ce serait pertinent qu'Emmanuel Macron récupère des mesures de Jean-Luc Mélenchon. Il va falloir élargir le scope en donnant des signaux à son électorat."

Pierre Person, député LREM de Paris

à franceinfo

Emmanuel Macron a fait un pas dans cette direction lundi, expliquant qu'il était prêt à "compléter [son] projet" et qu'il voulait "élargir sans ambiguïté". "Je garde une cohérence mais je veille à élargir quand la jeunesse envoie un message sur l’écologie ou d'autres sur le pouvoir d’achat dans une commune comme celle-ci", a-t-il lancé à Denain. Le président s'est surtout dit prêt à bouger sur son emblématique réforme des retraites. Lors d'une interview à BFMTV, dans un bistrot place Jean Jaurès à Carvin, il s'est dit ouvert à une réforme qui s'arrêterait avant 2030, l'échéance annoncée jusqu'ici pour porter progressivement l'âge de départ à 65 ans. Elle pourrait s'arrêter en 2027 et donc se limiter à un âge de départ à 64 ans, a-t-il expliqué.

Pourtant, la conquête de l'électorat Mélenchon s'annonce ardue. Seuls 34% des électeurs qui ont voté pour le candidat de la France insoumise se déclarent prêts à voter Emmanuel Macron au second tour, selon un sondage Ipsos-Sopra Steria diffusé dimanche soir. Un chiffre qui ne surprend pas Bruno Cautrès. "Cela ne va pas être facile pour Emmanuel Macron de les attirer. Le positionnement du président est totalement orthogonal au leur." Voilà qui fait dire à Clément Beaune : "Ce n'est pas un remake de 2017. Les Français aiment bien déjouer les sondages, il faut être vigilant. On commence un combat très dur contre Marine Le Pen."

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