Ce que l'on sait sur les frappes américaines en Irak et en Syrie qui visaient des groupes affiliés à l'Iran

Après la mort de trois soldats américains en Jordanie, Joe Biden avait promis des frappes en représailles. Au moins 18 personnes sont décédées en Irak et 18 en Syrie, parmi des groupes pro-Iran et des civils.
Article rédigé par Phéline Leloir-Duault - Loig Loury
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le président américain Joe Biden lors du retour des corps de trois militaires américains tués en Jordanie, sur la base aérienne de Dover (Delaware), le 2 février 2024. (ROBERTO SCHMIDT / AFP)

Au moins 16 personnes en Irak et 18 en Syrie sont décédées vendredi 2 février dans des frappes américaines, qui visaient des groupes pro-iraniens. Des représailles menées après la mort de trois soldats américains en Jordanie dimanche dernier, le 28 janvier. Le président Joe Biden avait accusé ces groupes affiliés à l'Iran d'être à l'origine de l'attaque au drone sur une base militaire américaine. Voici ce que l'on sait sur ces frappes. 

Une riposte sur 85 cibles

Les avions de combat américains ont visé 85 cibles sur sept sites différents en Syrie et en Irak : des centres de commandements, de renseignements, d'armements, mais aussi des bunkers. Tous appartiennent à des groupes affiliés à l'Iran et à la branche des opérations étrangères des Gardiens de la Révolution, armée idéologique du régime iranien, ainsi qu'à sa Force Qods qui est son unité d'élite. Les raids ont duré 30 minutes, avec des bombardiers venus du Texas, qui ont largué leurs charges à plus de 10 000 kilomètres de leur base.

Une véritable démonstration de force de Washington, qui a déclaré que l'opération était "un succès". "Notre riposte a débuté et elle va se poursuivre où et quand nous le déciderons", a déclaré le président américain Joe Biden. Un président sous pression après la mort des trois militaires en Jordanie : deux heures avant les raids, il avait justement assisté au retour de leurs dépouilles sur le sol américain.

Les forces américaines en Irak et en Syrie ont subi au moins 165 attaques de drones ou tirs de roquette depuis la mi-octobre, selon un responsable officiel, mais c'était la première fois dimanche que des soldats américains perdaient la vie. Cette riposte des Américains est donc l'occasion d'envoyer un message clair : "Si vous touchez à un Américain, nous répondrons."

Des combattants et des civils tués, l'Iran pas visé directement

Au moins 23 combattants pro-iraniens ont été tués par ces frappes sur l'est de la Syrie, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Mais ce raid a aussi entraîné "la mort d'un certain nombre de civils et de soldats, des blessures chez d'autres et des dégâts importants", a indiqué l'armée syrienne dans un communiqué. En Irak, le bilan officiel annoncé par le porte-parole du gouvernement Bassem al-Awadi fait état de "16 morts, dont des civils". 

Joe Biden, alors en campagne pour son second mandant présidentiel, s'était engagé à répondre à la mort des trois soldats américains tués par une frappe de drone dimanche en Jordanie, près de la frontière syrienne, où 350 soldats sont stationnés. En tout, 900 soldats américains sont déployés en Syrie et 2 500 en Irak, dans le cadre de la lutte contre l'État islamique.

Néanmoins, le président américain a choisi de ne pas ordonner de frappes sur l'Iran, comme le réclamaient certains opposants républicains. Le dirigeant démocrate n'a, semble-t-il, pas visé non plus de responsables iraniens comme l'avait fait son prédécesseur Donald Trump en janvier 2020 en faisant tuer dans une frappe à Bagdad Qassem Soleimani, ex-architecte des opérations militaires iraniennes au Moyen-Orient. 

Un risque d'escalade dans la région ?

"L'occupation de certaines parties du territoire syrien par les forces américaines ne peut plus durer", a déclaré l'armée syrienne, en affirmant sa "détermination à libérer l'ensemble du territoire syrien du terrorisme et de l'occupation". Les représailles américaines contribuent à "attiser le conflit au Moyen-Orient de manière extrêmement dangereuse", a réagi dans un communiqué le ministère syrien des Affaires étrangères. L'Irak a de son côté fustigé une "violation de la souveraineté irakienne", estimant que ces frappes faisaient craindre des "conséquences désastreuses pour la sécurité et la stabilité de l'Irak et de la région". Si les États-Unis ont affirmé "avoir prévenu le gouvernement irakien avant les frappes", Bagdad a aussitôt démenti "des allégations mensongères" concernant toute "coordination préalable" avec Washington sur ces frappes.

L'Iran a aussi condamné "avec force" ces frappes américaines en dénonçant "une violation de la souveraineté de la Syrie et de l'Irak", selon le porte-parole de la diplomatie. "L'attaque de la nuit dernière est une action aventureuse et une autre erreur stratégique de la part des Américains, qui n'aura d'autre résultat que d'intensifier les tensions et l'instabilité dans la région", a réagi Nasser Kanani dans un communiqué, sans indiquer si des Iraniens avaient été tués dans ces frappes. 

De son côté, Washington l'affirme : "Les États-Unis ne voulaient pas de conflit ni au Moyen-Orient ni ailleurs dans le monde". Car le risque d’escalade dans la région est évident, dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas. Les États-Unis tentent depuis quatre mois d'empêcher que le conflit ne s'étende au Liban et à un affrontement entre Israël et le Hezbollah, soutenu par l'Iran. Mais la Maison Blanche ne veut pas être entraînée trop loin dans cette spirale de tensions : l'objectif de ces raids était avant tout de réduire les capacités de ces groupes pro-Iran et d'envoyer un message à Téhéran et ses alliés, comme les rebelles Houthis au Yémen. 

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