Cet article date de plus de cinq ans.

Élections européennes : entre refus des banques et appels aux dons, comment les partis financent leur campagne

Alors que les partis lancent leur campagne pour les élections européennes organisées en France le 26 mai, la question du financement est problématique pour de nombreuses formations.

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10 min
Des drapeaux européens à Bruxelles, le 21 mai 2014. (GEORGES GOBET / AFP)

C'est presque devenu une rengaine depuis quelques temps : les partis politiques se plaignent de rencontrer de grosses difficultés pour financer leur campagne électorale. Alors que les élections européennes se rapprochent (26 mai en France), ils sont plusieurs à regretter notamment les conditions imposées par les banques pour leur accorder des prêts.

Il n'y a pas de budget minimum obligatoire pour se lancer aux élections. Mais le coût d'une campagne est important pour un parti : il faut payer les professions de foi, les bulletins de vote, les affiches, les déplacements, les frais de fonctionnement, d'éventuelles locations de salles pour les réunions publiques, etc. Plusieurs estiment ces dépenses à un million d'euros environ. À l'inverse, il existe un plafond : les partis n'ont pas le droit de dépasser 9,2 millions d'euros de dépenses. Pour ces élections européennes, seules les listes qui obtiendront au moins 3% des voix pourront prétendre à un remboursement de leurs frais de campagne par l'État. Pour leur accorder un prêt, les banques réclament à chacun des partis trois sondages où il est crédité d'au moins 7% des voix.

>> Élections européennes : si vous obtenez plus de 15/20 à ce quiz, direction Strasbourg, vous êtes brillamment élu au Parlement européen

L'idée d'une banque de la démocratie, un établissement public permettant des prêts aux partis et candidats, a notamment été avancée par le Modem et soutenue par d'autres formations (comme le Rassemblement national). Mais le projet a été abandonné par le gouvernement.

Les partis qui comptent sur l’aide des sympathisants

Debout la France est en passe de réunir le montant souhaité, soit 2,5 millions d’euros. La formation de Nicolas Dupont-Aignan a lancé en mars un appel aux cadres et élus du parti, pour des prêts. Le taux est au choix, entre 0 et 3,4%. "Pour l’instant on a réuni environ deux millions d’euros", a expliqué à franceinfo Thomas Ménagé, le directeur de campagne. "Si, dans une dizaine de jours, on n’a pas atteint par nous-mêmes les 2,5 millions d’euros, on lancera une plateforme publique, pour que l’ensemble des Français puissent participer. Mais on est confiants." Cet appel aux prêts s’est ajouté à des dons, aux apports des candidats directement. Debout la France affirme avoir sollicité un prêt bancaire auprès d’une dizaine d’établissements, sans succès. "On ne comprend pas ces refus, puisque nous sommes crédités dans les sondages d’un score bien plus élevé que les 3% requis pour être remboursés par l’État", regrette Thomas Ménagé. "Boucler le budget est difficile comme jamais", a-t-il confié à franceinfo.

Génération.s doit lancer une plateforme internet pour lever des dons et des prêts pour financer sa campagne des élections européennes. Selon les informations de franceinfo, il manque 600 000 euros au parti de Benoît Hamon pour boucler son budget et réussir, a minima, à financer les bulletins de vote et les professions de foi de ses candidats. Il s'agit d'une "banque citoyenne" qui récoltera des dons, des prêts et des "dons différés". Le donateur promet un certain montant qu’il devra verser uniquement si la liste de Benoît Hamon n’atteint pas les 3% de suffrages nécessaires pour obtenir le remboursement de ses dépenses de campagne.
Génération.s table sur un budget global d’un million d’euros. Le parti avait mis de côté 400 000 euros.

Europe Écologie-Les Verts a commencé par demander un prêt auprès du Crédit coopératif, à hauteur de 2,8 millions d'euros, mais la banque n'a accordé que 1,2 million. Le parti de Yannick Jadot a alors lancé, mi-décembre 2018, un appel aux prêts (avec intérêt possible de 1,75%). auprès des sympathisants. Un peu plus de 400 000 euros ont été récoltés (répartis sur un peu moins de 300 prêteurs, ce qui fait en moyenne 1 300 euros par militant). "On a conçu ça comme un amorçage", a expliqué l'équipe de campagne du parti. Les modalités de remboursement seront en fonction des résultats : si EELV dépasse les 3% (seuil pour que l'État rembourse les frais de campagne), les sommes seront rendues dès le mois de juin. Si le parti n'atteint pas les 3%, il se donne un an pour rembourser les prêteurs. En complément, les candidats vont chacun participer personnellement (il n'existe pas de plafond de participation). Par ailleurs, le parti, à l'échelon national, prête 550 000 euros et au niveau régional un million. "On n'a donc pas de problème pour boucler notre budget, qui atteindra en tout 3,5 millions d'euros", a expliqué à franceinfo le trésorier du parti, Thierry Brochot. Mais si le resserrement du crédit bancaire a rendu le bouclage du budget cette année "beaucoup plus difficile" que pour les scrutins précédents.

La France insoumise a également eu ses demandes de prêts bancaires refusées. Le parti de Manon Aubry a donc lancé fin mars un "emprunt populaire". Le plafond de deux millions d’euros a été atteint, a annoncé la formation mercredi 10 avril. Le prêt moyen a été d'environ 700 euros, selon le directeur de campagne des Insoumis, Bastien Lachaud. Les prêteurs seront remboursés, sans intérêts, "dès réception du remboursement de la campagne par l'État", a-t-il ajouté.
La France insoumise indique cependant poursuivre son appel, aux dons cette fois, afin d'atteindre "le budget global envisagé qui est d'environ quatre millions d'euros".

Les Patriotes comptent uniquement sur leurs adhérents et donateurs. "Je continue de les appeler à donner", a déclaré à franceinfo Florian Philippot. À ce jour, il dit avoir réuni à peu près 450 000 euros. "Professions de foi et bulletins de vote, c'est bon mais il nous manque encore 150 000 euros, pour faire campagne, pour les tracts, les affiches et les déplacements. J'en appelle à la générosité de chacun." "Nous avons l'argent, on a déjà signé avec l'imprimeur, donc nous aurons nos bulletins de vote et nos professions de foi. On demande toujours des dons, parce que nous n'avons pas d'agent bancaire ni d'argent public, donc on compte sur la générosité des militants, des adhérents, des donateurs qui peuvent nous donner. Nous aurons une campagne pas chère mais une belle campagne", a affirmé Florian Philippot.

Le Rassemblement national a lancé lundi 8 avril un "emprunt patriotique". Le parti de Jordan Bardella demande aux volontaires de prêter au moins 1 000 euros, avec un intérêt de 5%. "Sans votre aide, nous ne pourrons pas financer notre campagne", a expliqué Marine Le Pen dans une vidéo. "Comme pour d'autres listes d'opposition, qui sont dans le même cas, aucune banque n'accepte, comme par hasard, de nous prêter la somme nécessaire pour mener notre campagne", a affirmé la présidente du RN. La formation se plaint régulièrement d'avoir des difficultés de financement. Le Rassemblement national a annoncé, mardi 23 avril, avoir réuni les quatre millions d'euros nécessaires pour sa campagne. 

L'UPR a lancé le 1er novembre 2018 une cagnotte sur son site pour financer la campagne européenne. A ce jour, un peu plus d'un million d'euros ont été récoltés, sur un objectif de 1,2 million. "Ce sont les cotisations annuelles, les adhésions normales et des dons spécifiques", a expliqué François Asselineau à franceinfo. L’Union populaire républicaine n’a en revanche pas sollicité de prêt bancaire : "C’est une question de principe", a affirmé le président du parti, "nous avons zéro euro de dette." Contrairement à de nombreuses formations politiques, l’UPR ne considère pas le financement de cette campagne comme un problème. Le parti prévoit de payer environ 500 000 euros les bulletins (dans les bureaux de vote et envoyés par courrier), 250 000 euros de professions de foi, 180 000 euros pour les affiches électorales, le reste en réunions publiques.

Les partis qui comptent sur leur financement propre

La République en marche ne souhaite pas communiquer sur le montant de son budget pour cette campagne européenne. Mais s’il existe un parti à n'avoir aucun problème de financement, c’est bien celui-ci : son grand nombre d'élus lui apporte une dotation confortable de la part de l’État. Le parti présidentiel va donc directement piocher dans l’enveloppe de dotation publique, d’un montant annuel de 22,5 millions d’euros, reçue grâce à ses bons résultats aux élections législatives. Le parti n’a contracté aucun prêt bancaire. Quant à son alliance avec le MoDem, la répartition de l’effort financier se fait "au fil de l’eau", a expliqué l’équipe de campagne à franceinfo. "Il n’y a pas de répartition fixée à la base. Le Modem participe en ressources humaines, en organisation d’événements, en capacité de location de salles, etc."

Les Républicains assurent que le financement de leur campagne pour les élections européennes n’est "pas un sujet". "Tout avance bien, mais il n’est pas possible de communiquer sur ce sujet pour l’instant", a affirmé l’équipe de campagne à franceinfo. Si le parti a par le passé été concerné par des scandales politico-financiers (comme l'invalidation des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle 2012), il compte désormais sur ses finances propres. La formation a vendu fin février 2019 son siège parisien, pour 46 millions d'euros, ce qui a permis d’éliminer 80% de sa dette.

Lutte ouvrière a assuré jeudi 4 avril sur franceinfo avoir réuni "suffisamment pour imprimer les bulletins de vote. Cela va nous coûter peut-être un million et demi" d'euros, a expliqué Nathalie Arthaud. Si le parti est donc en mesure de se présenter, Nathalie Arthaud regrette que le financement de la campagne européenne représente "des obstacles à franchir".

Le Parti communiste assure que le financement de la campagne européenne n’a pas posé de difficulté particulière. "Si nous ne sommes pas richissimes, nous avions néanmoins anticipé la campagne, pour éviter que ce soit un obstacle", a affirmé l’équipe de campagne à franceinfo. Elle est donc financée principalement par la souscription des fédérations et par des appels aux dons auprès des sympathisants, avec également "un peu d’argent de côté". "On est très serré", confie tout de même la formation de Ian Brossat. Le budget prévu par le PC pour ces européennes est de 2 millions d’euros environ.

Le Parti socialiste et son allié, le mouvement Place publique, n'ont pas lancé d'appel aux dons auprès du grand public. Un emprunt a été contracté au Crédit coopératif. "Le démarche est engagée et suit son cours, tout est ok", a précisé à franceinfo l'équipe de campagne. Le PS assure la trésorerie.

L'UDI affirme ne pas subir de difficulté particulière pour cette campagne. Le parti de Jean-Christophe Lagarde dit avoir assez d'argent en interne, "en tant que petit parti, on fait toujours attention, nos finances sont saines", a expliqué un membre de l'équipe à franceinfo. L'UDI a tenté de contracter un prêt bancaire, mais il n'a pas été accepté, sans que ça le mette en difficulté. C'est donc une campagne autofinancée, le parti n'a pas fait d'appel aux dons non plus.

Les partis qui n’ont pas de budget

Plusieurs listes "gilets jaunes" se sont lancées dans la course européenne. "Aucune liste n'est pour le moment assurée d'y être", a affirmé à France Inter François Barnaba, qui a pris la tête de la liste Jaunes et citoyens. "Nous, nous avons des financiers, mais comme ils seront colistiers et que la liste est toujours ouverte, c'est un peu prématuré d'en parler." Une autre liste issue du mouvement de contestation a choisi une méthode plus radicale : Évolution citoyenne n’a pas prévu de payer un imprimeur pour les professions de foi et les bulletins de vote. Les électeurs qui choisiront cette liste seront appelés à imprimer eux-mêmes le matériel électoral. La tête de liste, Christophe Chalençon, explique néanmoins que le mouvement est en train de créer une association de financement pour payer des déplacements partout en France.

Résistons, le mouvement de Jean Lassalle, a souhaité mener une liste aux élections européennes, mais a finalement jeté l'éponge, faute de financement "C'est la première fois que je ne vais pas au bout d'une de mes idées", a confié samedi 13 avril à France Bleu Béarn le député des Pyrénées-Atlantiques.

Le Nouveau parti anticapitaliste n'a pas "les moyens financiers" de présenter une liste pour les élections européennes, a annoncé fin mars le parti de Philippe Poutou et Olivier Besancenot. La formation a "pris acte du fait que, malgré la campagne de souscription menée au cours des derniers mois, notre organisation n'aurait pas les moyens financiers de présenter une liste lors des élections européennes". Le NPA appelle à voter pour Lutte ouvrière pour ces élections européennes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.