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"Complément d’enquête". La vraie vie en prison

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Article rédigé par franceinfo
France Télévisions

Grèves des surveillants, établissements bloqués, démission d'un directeur, le monde carcéral est en crise. La tentative d'assassinat de trois surveillants par un détenu "radicalisé", dans la prison de Vendin-le-Vieil, mi-janvier 2018, a mis le feu aux poudres.
La ministre de la Justice travaille depuis la rentrée sur ce dossier brûlant. Elle veut améliorer les conditions de travail des gardiens mais aussi la vie des 70 000 prisonniers. Comment gérer des établissements surchargés ? A quoi ressemble le quotidien des détenus ? Amours interdites, petits jobs, téléphones cachés… Loin des fantasmes ou des séries à la mode, "Complément d’enquête" raconte la vraie vie en prison.

Les prisons flambent ! Grèves des surveillants, établissements bloqués, démission d’un directeur, le monde carcéral est en fusion. Le déclencheur ? La tentative d’assassinat de trois surveillants par un détenu "radicalisé", dans la prison de Vendin-le-Vieil, à la mi-janvier 2018. Agressions, projets d’attentats, les prisons seraient devenues ultra-dangereuses. Cliché ou réalité ?

Les prisons, c’est le dossier sur lequel la ministre de la Justice travaille depuis la rentrée : elle veut améliorer les conditions de travail des gardiens. Mais aussi la vie des prisonniers, dont certains auront accès au téléphone depuis leur cellule, une petite révolution.

Quel est le quotidien réel des 70 000 prisonniers et de ceux qui les surveillent ? Comment gérer des établissements surchargés ? Que savent vraiment les Français de ce qui se passe derrière les murs ? Selon de nombreux détenus, la vie en prison serait impossible sans avoir au moins 200 euros par mois à dépenser en nourriture, cigarettes, poste de télé ou encore haschisch… 

Amours interdites, petits jobs, téléphones cachés : loin des fantasmes ou des séries à la mode, "Complément d’enquête" raconte la vraie vie en prison.

Une émission spéciale, en direct de la prison de la Santé.

Au sommaire

Mobiles en prison : forfaits illimités

Des scènes de vie ordinaires dans une prison française, filmées sans autorisation... au téléphone portable, et vues des millions de fois sur internet. Les mobiles en prison, "ça ne date pas d'hier", comme dit Elams. Ce jeune rappeur marseillais s'est fait connaître avec son clip "Prétoire". Un joli coup de com : son séjour à l'ombre lui a offert une place au soleil. Aujourd'hui, il enregistre son troisième album avec un grand label français... mais il encourt cinq ans de prison et 375 000 euros d'amende.

Malgré les risques, les vidéos tournées sur téléphone portable entre les murs des pénitenciers se multiplient. Sur internet, les détenus chroniquent leur quotidien derrière les barreaux : jeux vidéo, banquets d'anniversaire et stupéfiants. La prison, on y trouve de tout. Mais comment ces objets interdits franchissent-ils les murs ? Surveillants "ripoux", paquets glissés au parloir ou jetés par-dessus les murs... ce serait facile de se faire livrer en prison.

Près de 200 prisons sur le territoire français, et 31 000 téléphones saisis l'an dernier. "Les prisons sont des passoires, et tout peut rentrer", selon les termes d'une surveillante interrogée par "Complément d'enquête". Des trafics qui posent évidemment la question de la sécurité. Mais comment vivre coupé des siens ?

Une enquête de Baptiste des Monstiers.

Invitée : Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Le blues des matons

En ce début 2018, les prisons flambent un peu partout en France. La grogne des surveillants a commencé le 11 janvier. Le déclencheur ? La tentative d’assassinat de trois surveillants par un détenu "radicalisé", dans la prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais. "Complément d'enquête" sur des conditions de travail que la ministre de la Justice veut améliorer.

Officiellement, il y aurait plus de 4 000 agressions chaque année contre les surveillants de prison. Selon l'administration, ce chiffre est stable depuis des années. Le personnel pénitentiaire, lui, parle d'un climat qui ne cesse de se tendre.

"Lui, il est déterminé. Il était là pour tuer, j'en suis convaincu", raconte ce surveillant de la prison de Bordeaux, qui gardera des cicatrices à vie après avoir reçu vingt coups de couteau. "Les agressions, il y en a tous les jours. Ça va du simple crachat au coup de poing." "J'ai un détenu qui m'a saisi à la gorge au tout début, quand je suis arrivé à Villepinte." "Le détenu, il a le droit de tout, et le surveillant, celui de se taire." Paroles de matons, qui en ont ras le bol d'être mal payés, mal considérés, et de se faire agresser par des détenus. 

Un reportage de Manuel Tissier et Rola Tarsissi.

Invitée : Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Cash cash en prison

En théorie, la prison ne coûte rien aux détenus : c'est l'Etat qui paie –100 euros par jour et par prisonnier. Dans la réalité, la plupart déboursent beaucoup  our vivre mieux. En moyenne 300 euros par mois. D'où vient cet argent ? Comment est-il dépensé ? Travail, "cantine" ou trafic, comment les détenus font-ils concrètement pour améliorer leur ordinaire ?

En plein cœur de la campagne normande, le centre pénitentiaire d'Argentan, où "Complément d'enquête" a pu filmer le quotidien des détenus. Ici, pas de surpopulation : les 540 "pensionnaires", qui restent en moyenne trois ans, ont chacun leur cellule. Neuf mètres carrés, où installer la télé coûte 14 euros par mois. Pour le frigo, c'est 4,50 euros par mois.

La prison, ça coûte cher, mais ça peut aussi rapporter gros. C'est même un nouveau terrain de chasse pour les entreprises. Trois grosses sociétés françaises se partagent un marché de plus de 300 millions d'euros annuels : le marché de la détention.

Une enquête de Céline Crespy.

Invitée : Christelle Rotach, chef d’établissement.

Prison : amours interdites

"La vraie vie en prison", c'est aussi des histoires d'amour... interdites. "Complément d'enquête" raconte celle de Laure, la surveillante, qui accepte d'aider son amoureux détenu à s'évader, et voit sa vie basculer. Suspendue par l'administration pénitentiaire, elle est jugée, radiée. Elle sera finalement condamnée à trois ans de prison, dont un an ferme. Laure était prête à tout par amour, jusqu'à impliquer son fils de 18 ans dans cette tentative d'évasion... ratée. Un échec qui signe la fin d'une relation de quatre années.

Les gardiens de prison n'ont pas le droit d'avoir de relation amoureuse avec les détenus. Même règle pour tous ceux qui interviennent dans le milieu carcéral. En théorie... Chloé, elle, venait donner bénévolement des cours en prison. Sur un coup de foudre, elle entame une relation clandestine avec Loïc. Il purge une peine de quinze ans pour assassinat, elle est en couple... et enceinte. 

Il y a aussi Marie, la "matonne" qui aime son métier et "ne comprend rien à ce qui [lui] arrive". Elle s'est découvert des sentiments pour Christian, qui purgeait une peine de vingt-trois ans pour avoir tué son ex-compagne. Entre eux, tout s'est dit par écrit. Ils se marièrent en prison... et eurent un petit garçon. Il devrait bénéficier d'une libération conditionnelle après treize ans de détention. Une vie de "monsieur et madame Tout-le-monde" qui commence...

Un reportage de Sébastien Lafargue.

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