Fin de vie, protection de l'enfance, Nouvelle-Calédonie... Ces projets de loi et travaux parlementaires à l'arrêt après la dissolution de l'Assemblée nationale

L'article 12 de la Constitution prévoit que l'examen de tous les projets et propositions de loi, ainsi que les commissions d'enquête, sont suspendus en cas de dissolution. Leur éventuelle reprise dépendra du résultat des prochaines législatives.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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L'Assemblée nationale durant les débats sur le projet de loi relatif a l'accompagnement des malades et à la fin de vie à Paris, le 31 mai 2024. (QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS / AFP)

Des semaines de travail pour rien ? Après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, dimanche 9 juin, tous les travaux parlementaires en cours au Palais-Bourbon sont à l'arrêt. Les projets et propositions de loi en cours d'examen, ainsi que les travaux des commissions d'enquête, sont suspendus dans l'attente des nouvelles élections législatives, prévues le 30 juin et le 7 juillet.

Pour que ces dossiers soient à nouveau examinés, il faudra qu'ils soient réinscrits à l'ordre du jour après le scrutin, "si le [nouveau] gouvernement" ou la nouvelle majorité "[décident] de les préserver, ce qui n'est pas une obligation", précise auprès de franceinfo le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. Les textes examinés au Sénat poursuivent en revanche leur chemin législatif. S'ils ont déjà passé la première lecture à l'Assemblée nationale, "ils passeront en seconde lecture avec la nouvelle Assemblée, ou en commission mixte paritaire", une fois les nouveaux députés élus. Voici les principaux dossiers affectés par ce coup de théâtre qui a suivi les résultats des élections européennes.

Le projet de loi sur la fin de vie

"Je suis triste de voir la loi fin de vie brutalement stoppée", a déploré sur X Olivier Falorni (MoDem et indépendant), le rapporteur général de ce projet de loi en cours d'examen. Après deux semaines de débats dans l'hémicycle, les députés étaient parvenus à l'examen de l'article 7 du texte, rappelle LCP. Le vote solennel devait avoir lieu mardi. En raison de la dissolution de l'Assemblée, l'examen du texte est considéré comme nul. "Pour une fois, on avait une porte entrouverte. Pour une fois, le Parlement se saisissait de cette loi essentielle qui intéresse 100% des Français. Alors que la loi allait aboutir, hélas cette dissolution de l'Assemblée bloque le processus", a déploré lundi sur France Inter Denis Labayle, médecin et coprésident de l'association Le Choix.

Dans sa dernière mouture, le texte contenait, entre autres, des soins palliatifs garantis par un droit opposable, des "maisons d'accompagnement" pour les malades et la légalisation de l'aide à mourir. Les députés venaient de voter pour réintroduire la condition d'un pronostic vital "engagé" du patient.

Le projet de loi sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie

A l'origine de la crise qui frappe le "Caillou" depuis un mois, le projet de loi constitutionnel visant à modifier le corps électoral calédonien est également mis à l'arrêt. Emmanuel Macron avait déjà ralenti le processus législatif du texte lors de sa visite sur l'archipel, le 23 mai, en annonçant qu'il n'y aurait pas de "passage en force". Il s'était dit ouvert à soumettre le texte à un référendum.

L'un des deux députés calédoniens de l'Assemblée, Nicolas Metzdorf (Renaissance), favorable au dégel électoral, s'est dit inquiet pour l'avenir du texte. "Marine Le Pen a réclamé un nouveau référendum et elle a dit que le calendrier pour le dégel du corps électoral n'était pas le bon, rappelle-t-il. Si le Rassemblement national venait à avoir une majorité aujourd'hui à l'Assemblée, ça serait un peu plus difficile qu'aujourd'hui." 

Le projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables

Ce projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 3 mai par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du Logement. Il a pour objectif "de produire plus de logements abordables pour les Français, que ce soit en location ou en accession, en donnant aux élus et aux bailleurs de nouveaux outils", rappelle le site Vie publique. Il propose notamment d'intégrer, dans certains cas, les logements intermédiaires dans les quotas de logements sociaux fixés par la loi SRU, et de donner plus de pouvoir aux maires pour attribuer des logements sociaux neufs.

Critiqué par les associations de locataires HLM, le projet a été adopté en commission par les sénateurs le 6 juin. Il devait être examiné au Palais-Bourbon à partir du 18 juin, rappelle BFMTV. Cette lecture n'aura donc pas lieu.

La proposition de loi contre la réforme de l'assurance-chômage

Jeudi, lors de sa journée d'initiative parlementaire, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) prévoyait de présenter une proposition de loi contre la réforme de l'assurance-chômage. Les députés entendaient ainsi dénoncer le nouveau durcissement des règles annoncé fin mai par le Premier ministre, Gabriel Attal. Ce texte d'opposition ne sera donc pas présenté.

Quant à la réforme de l'assurance-chômage, qui devait être entérinée par décrets, son avenir dépendra de la future majorité à l'Assemblée et du gouvernement. D'ores et déjà, le vice-président du RN, Sébastien Chenu, a déclaré sur BFMTV que son parti comptait "mettre un terme" à cette réforme : "Nous préférons aller vers l'efficacité, vers le changement et la réponse aux attentes des Français." Et ce alors que son parti fait figure de favori des législatives après sa large victoire aux européennes.

La proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public

Ce texte, voté en juin 2023 au Sénat, a été remis au jour début 2024 par l'exécutif. Largement remanié en commission, il prévoyait que les entreprises de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, l'INA, voire France Médias Monde) soient regroupées dans une holding baptisée France Médias, au 1er janvier 2025, puis fusionnés un an plus tard. Un projet sur lequel les directions des différentes entités sont partagées. En revanche, les syndicats du secteur y sont tous opposés. Cette réforme était soutenue par la droite et l'extrême droite au Parlement. La gauche y était opposée. L'examen du texte à l'Assemblée, retardé du fait de discussions plus longues que prévu sur le projet de loi d'orientation agricole, devait débuter le 24 juin.

La commission d'enquête relative aux violences dans le cinéma

La création de la commission d'enquête relative aux violences, notamment sexuelles, commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et la publicité avait été demandée par l'actrice Judith Godrèche, devenue l'une des figures du mouvement #MeToo Cinéma en France. Lancée en mai, cette commission devait auditionner des professionnels et témoins pendant six mois pour "essayer d’identifier les mécanismes et les défaillances qui aboutissent aux faits incriminés", avait expliqué sur France Bleu Berry le député Renaissance du Cher, François Cormier-Bouligeon?

Une réunion de la commission devait avoir lieu à 14h30, lundi, au Palais-Bourbon, souligne le site de l'Assemblée. L'actrice Anna Mouglalis devait être entendue mardi. Ces rendez-vous n'auront donc pas lieu. A la fin de leurs entretiens, les commissions d'enquête peuvent rédiger des rapports, mais leur rôle reste consultatif et leurs recommandations ne sont pas contraignantes.

La commission d'enquête sur la protection de l'enfance

Créée le 9 avril, cette commission d'enquête avait pour mission est "d’identifier les manquements actuels de la politique de l’aide sociale à l’enfance, de cibler les défaillances de la gouvernance de cette politique et de faire des recommandations sur les réponses législatives", rappelle le site de l'Assemblée nationale. Elle devait remettre un rapport au plus tard le 8 octobre prochain.

"Nous n'avons pas seulement perdu la commission d'enquête sur l'ASE, mais aussi la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale", a déploré sur X Lyes Louffok, militant des droits de l'enfance. Sur ce même réseau social, le Comité de vigilance des enfants placé.es, créé par les premiers concernés pour veiller aux travaux de cette commission, s'est dit "profondément choqué" par la fin de cette instance : "Son travail avait déjà permis de recueillir des témoignages précieux et de mettre en lumière des défaillances graves."

La commission d'enquête sur le projet d'autoroute A69

La commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet contesté d'autoroute A69 a été créée en février. Son objectif est "d’éclaircir les liens existants entre la société concessionnaire Atosca et certains responsables politiques, membres du gouvernement ou élus locaux, ainsi que le montage juridique et financier de ce projet d’autoroute", souligne le site de l'Assemblée nationale. Dans ce cadre, l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne devait être auditionnée mercredi.

Ce projet d'autoroute qui doit relier Castres (Tarn) à Toulouse (Haute-Garonne), défendu par de nombreux acteurs économiques de la région, est contesté par les écologistes et scientifiques. Ils dénoncent, entre autres, le poids écologique des matériaux nécessaires à la construction de cette route, les milliers de véhicules et poids lourds attendus, et l'artificialisation d'une partie des 300 hectares sur lesquels s'étendra cette voie. Des plaintes pour atteinte à l'environnement ont été déposées.

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