Mort de George Floyd : une semaine de communication chaotique de Donald Trump, entre appels au calme et tweets violents
Depuis la mort de ce Noir américain, tué par un policier blanc, le président des Etats-Unis communique principalement sur Twitter, au risque de "jeter de l'huile sur le feu", selon l'historien Pap Ndiaye.
Il ne s'est pas encore adressé solennellement à la nation, mais il multiplie les tweets. Depuis la mort de George Floyd, Afro-américain de 46 ans tué, le 25 mai, par un policier blanc à Minneapolis (Minnesota), Donald Trump voit la situation lui échapper. Le pays est en proie à de nombreuses manifestations – mais aussi des émeutes et des heurts – contre les violences policières et le racisme. Si le président américain appelle régulièrement au calme et demande "justice" pour George Floyd, il qualifie aussi les protestataires de "voyous" et d'"anarchistes" et menace de recourir à la force.
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Avec ses tweets, "il met de l'huile sur le feu", juge auprès de franceinfo Pap Ndiaye, historien, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste des Etats-Unis et de la condition noire-américaine. "On a un président américain qui excite et joue aussi, semble-t-il, la campagne électorale, en voulant mobiliser une partie de ses supporters au nom de l'ordre, au nom du maintien de l'ordre", ajoute-t-il.
Mercredi 27 mai : un "événement très triste"
Il faut attendre deux jours après la mort de George Floyd pour obtenir la première réaction du président américain. Donald Trump est alors à Cap Canaveral, en Floride, pour le lancement de la fusée SpaceX, le premier vol habité lancé par la Nasa depuis 2011. L'événement est repoussé en raison des conditions météorologiques. Les journalistes en profitent pour demander au président s'il faut poursuivre les policiers impliqués dans la mort de George Floyd. "Nous allons regarder tout ça et nous allons avoir un rapport quand nous rentrerons", répond Donald Trump, évoquant un "événement très triste".
President Trump just addressed the death of George Floyd, calling it a "very sad event." Asked whether the four police officers involved should be prosecuted, the President said he'll be getting a "very full report" tomorrow, and "we're going to look at it." (h/t @gabrielle_ake)
— Sara Cook (@saraecook) May 27, 2020
A Minneapolis, la situation est déjà électrique. Pour la deuxième nuit consécutive, des heurts opposent des manifestants à la police. Des commerces sont pillés et incendiés. La police tire des gaz lacrymogènes et forme une barricade humaine pour empêcher les manifestants d'approcher du commissariat où travaillaient, avant d'être licenciés, les officiers accusés du meurtre de George Floyd.
Jeudi 28 mai : "Justice sera rendue"
Le lendemain, la porte-parole du président américain relaie l'état d'esprit de Donald Trump. Selon Kayleigh McEnany, le président "a été indigné quand il a vu la vidéo" de ce drame "odieux, tragique". "Il a immédiatement pris son téléphone" pour s'assurer que l'enquête du FBI avançait vite, a-t-elle poursuivi : "Il veut que justice soit rendue."
C'est en substance le même message que le président partage sur son réseau social favori, Twitter. Il explique avoir demandé à la police fédérale (FBI) et au ministère de la Justice de faire la lumière sur cette mort "triste et tragique". "Justice sera rendue !", promet-il.
....I have asked for this investigation to be expedited and greatly appreciate all of the work done by local law enforcement. My heart goes out to George’s family and friends. Justice will be served!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) May 27, 2020
Jeudi soir, policiers et manifestants s'affrontent pour la 3e nuit consécutive. Des manifestants incendient un commissariat de Minneapolis sous les yeux de milliers de personnes. Les policiers avaient déserté les lieux. Une trentaine de magasins sont également détruits, tandis que la police fait à nouveau usage de gaz lacrymogène. Ces scènes de violences contrastent avec des manifestations majoritairement pacifiques observées en journée.
Vendredi 29 mai : "Quand les pillages démarrent, les tirs aussi"
Le soleil se lève tout juste, vendredi matin, quand Donald Trump attrape son téléphone pour tweeter, après avoir vu des images des violences. "Ces VOYOUS déshonorent la mémoire de George Floyd, et je ne laisserai pas faire cela. Viens juste de parler au gouverneur Tim Walz et lui ai dit que l'armée est à ses côtés", écrit le locataire de la Maison Blanche. "Au moindre problème, quand les pillages démarrent, les tirs commencent. Merci !" ajoute-t-il.
....These THUGS are dishonoring the memory of George Floyd, and I won’t let that happen. Just spoke to Governor Tim Walz and told him that the Military is with him all the way. Any difficulty and we will assume control but, when the looting starts, the shooting starts. Thank you!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) May 29, 2020
La dernière phrase soulève l'indignation et la réponse de Twitter ne se fait pas attendre. Le réseau social décide de masquer le tweet de Donald Trump derrière un avertissement signalant une "apologie de la violence". Une première.
Le président américain annonce ensuite avoir parlé avec la famille de George Floyd. "Je comprends la douleur", déclare-t-il, ajoutant : "La famille de George a droit à la justice". "Les habitants du Minnesota ont droit à la sécurité", poursuit-il.
La colère est loin d'être apaisée. Au contraire, elle s'étend désormais à tout le pays et jusque sous les fenêtres de Donald Trump. Des centaines de personnes manifestent devant la Maison Blanche. Donald Trump est même mis à l'abri par le Secret Service, pendant un peu moins d'une heure, vendredi soir, dans un bunker souterrain, selon le New York Times et CNN.
Samedi 30 mai : "Ils auraient été accueillis par les chiens les plus féroces"
Il est plus de deux heures du matin, samedi, quand Donald Trump retourne sur Twitter pour dénoncer les "cris et les diatribes" de ceux qu'il qualifie de "pseudo-manifestants". Le président américain se réjouit également de l'efficacité du Secret Service. "J'étais à l'intérieur, j'ai tout vu", tweete-t-il. "Personne n'est parvenu à rompre la clôture. S'ils l'avaient fait, ils auraient été accueillis par les chiens les plus féroces et les armes les plus menaçantes".
Great job last night at the White House by the U.S. @SecretService. They were not only totally professional, but very cool. I was inside, watched every move, and couldn’t have felt more safe. They let the “protesters” scream & rant as much as they wanted, but whenever someone....
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) May 30, 2020
De retour au centre spatial Kennedy, en Floride, Donald Trump s'exprime à nouveau, sur un ton moins guerrier. S'il assure que "la mort de George Floyd dans les rues de Minneapolis est une grave tragédie", il ajoute que sa mémoire est "déshonorée par les émeutiers, les pilleurs et les anarchistes", tout en appelant à "la réconciliation, pas la haine, la justice, pas le chaos". "Nous ne devons pas laisser un petit groupe de criminels et de vandales détruire nos villes", lance-t-il également sur Twitter en attribuant les débordements à "des groupes de l'extrême gauche radicale" et notamment "Antifa" (antifascistes).
It’s ANTIFA and the Radical Left. Don’t lay the blame on others!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) May 30, 2020
Ses appels au calme ne sont pourtant pas entendus. Des heurts entre manifestants et policiers secouent samedi soir plusieurs grandes villes des Etats-Unis.
Dimanche 31 mai : "La loi et l'ordre !"
Donald Trump publie passé minuit un tweet en lettres majuscules et ponctué d'un point d'exclamation, disant : "La loi et l'ordre !". C'est un autre message posté plusieurs heures après qui va susciter bon nombre de commentaires. "Les Etats-Unis vont inscrire Antifa dans la catégorie des organisations terroristes", annonce-t-il. Donald Trump attribue à la mouvance antifasciste et à d'autres "extrémistes radicaux" les débordements ayant fait dégénérer les manifestations en émeutes.
The United States of America will be designating ANTIFA as a Terrorist Organization.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) May 31, 2020
Il retweete aussi le message d'un animateur de radio conservateur affirmant : "Cela ne s'arrêtera que si les gens bien se montrent prêts à faire usage d'une force écrasante contre les méchants".
Les manifestations se poursuivent à travers tout le pays, mais aussi à l'étranger. A Washington, des manifestants ont allumé des feux de fortune à proximité de la Maison Blanche, soulevant des colonnes de fumée qui se mêlent aux nuages du gaz lacrymogène utilisé par la police pour les déloger de ce secteur de la capitale fédérale.
Lundi 1er juin : "3 novembre"
Au lendemain d'une sixième nuit de troubles marquée par des scènes de chaos devant la Maison Blanche, Donald Trump rappelle à tous, d'un tweet laconique, sa préoccupation centrale : l'élection présidentielle, début novembre.
NOVEMBER 3RD.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) June 1, 2020
D'après un enregistrement audio diffusé par CBS et retranscrit par le New York Times, Donald Trump a également appelé au téléphone les gouverneurs des différents Etats américains pour leur passer un savon. "Vous devez dominer. Si vous ne dominez pas, vous perdez votre temps. Ils vont vous écraser. Vous allez ressembler à un tas d'imbéciles", assène le président américain, qui réclame l'emploi de la manière forte. "Vous devez arrêter ces gens (...) et vous devez les inculper", exige-t-il. Et le milliardaire républicain d'accuser : "Ce sont des terroristes, ils cherchent à faire du mal à notre pays. Ce sont des Antifa et ils sont de gauche radicale."
Depuis son retour de Cap Canaveral, samedi soir, Washington bruisse de rumeurs d'une allocution présidentielle solennelle, d'une prise de parole forte, dans un pays également secoué par la pandémie du Covid-19 qui a provoqué une brutale crise économique et fragilisé les plus démunis.
Reclus dans la Maison Blanche, Donald Trump reste invisible et silencieux, si l'on excepte une série de tweets visant les médias et les élus démocrates. Les images, inhabituelles, de l'extinction d'une partie des lumières extérieures de la Maison Blanche ont contribué à renforcer l'image d'un président coupé du reste du pays.
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