Mort de George Floyd : Donald Trump "excite" la colère et "joue la campagne électorale", analyse un spécialiste des États-Unis
Les manifestations et protestations se multiplient aux États-Unis, après la mort d'un Afro-américain lors d'une arrestation par la police.
Donald Trump "excite et joue aussi, semble-t-il, la campagne électorale, en voulant mobiliser une partie de ses supporters au nom de l'ordre", analyse dimanche 31 mai sur franceinfo Pap Ndiaye, historien, professeur à Sciences Po Paris, spécialiste des États-Unis et de la condition noire-américaine. Des manifestations parfois violentes ont continué samedi partout dans le pays, après la mort d'un Afro-américain de 46 ans, George Floyd, lors de son interpellation par la police à Minneapolis (Minnesota). "Quand les pillages démarrent, les tirs commencent. Merci !", a écrit vendredi le président américain dans un message pouvant être interprété comme une incitation aux forces de l'ordre à faire usage de leurs armes.
franceinfo : Serait-il inexact de réduire ces rassemblements uniquement à des manifestations de la communauté afro-américaine ?
Pap Ndiaye : Ce qui est frappant, c'est la grande diversité des manifestants. Il y a beaucoup d'Africains-américains, mais il y a aussi beaucoup d'Américains blancs. On ne voyait pas tout à fait cela en 2014 à Ferguson [après la mort de Michael Brown]. Bien au-delà du cas de Minneapolis, c'est à Chicago, à Los Angeles, à Philadelphie que l'on voit ce vaste spectre de la population américaine qui manifeste et qui proteste contre les violences et particulièrement ce qui s'est passé à Minneapolis.
Donc nous ne sommes pas dans un cas de figure d'émeutes raciales ?
Il y a une dimension raciale, puisqu'il s'agit de violences policières, qui visent particulièrement les Africains-américains, c'est le cas depuis un siècle. Mais en effet, les protestataires vont au-delà de la communauté. À Minneapolis, qui est une grande ville universitaire, il y a beaucoup d'étudiants et puis il y a une tradition libérale, de gauche. Elle trouve à s'exprimer dans un contexte particulier, qui est celui de la pandémie et de la fin de la présidence Trump.
Dénoncer les violences policières, c'est dénoncer un racisme, parfois systémique, qui a encore cours aux États-Unis ?
Oui, c'est le cas notamment du côté des forces de l'ordre. Les associations de défense des Afro-américains dénoncent les violences policières depuis les années 20. Martin Luther King en a parlé dans son discours "I have a dream". Les Black Panthers ont été créées en 1966 pour lutter contre les violences policières. Donc il y a une longue histoire de protestation contre le comportement de la police. Contre le fait que les policiers sont entraînés, déployés dans les quartiers noirs, avec des méthodes violentes et l'utilisation systématique d'armes à feu […] Il y a un très grand nombre de facteurs qui peuvent expliquer la persistance des violences policières, alors que des réformes ont été entreprises depuis les années 60. Au-delà de la police, il y a le cas de la justice, de l'accès à l'éducation et des conditions sanitaires.
Est-ce que Donald Trump attise cette colère raciale, voire le racisme tout court ?
Oui, il met de l'huile sur le feu, avec ses tweets qui qualifient les protestataires de "voyous" et qui appellent à tirer. C'est extrêmement nouveau, puisque les présidents américains d'habitude, dans les années 60 et même Obama en 2014, appellent au calme, c'est un peu leur fonction. Là, on a un président américain qui excite et joue aussi, semble-t-il, la campagne électorale, en voulant mobiliser une partie de ses supporters au nom de l'ordre, au nom du maintien de l'ordre. Donc il y a un élément aggravant par rapport aux épisodes de protestations dans le passé, notamment à Ferguson. Cet élément aggravant, c'est Trump lui-même et la fin cauchemardesque de sa présidence.
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