Guerre entre Israël et le Hamas : comment le conflit menace de s'étendre au sud du Liban

Depuis l'attaque du groupe islamiste palestinien en Israël, les tensions se multiplient à la frontière avec le Liban. Soutenu par l'Iran, le Hezbollah, allié du Hamas, a prévenu qu'il "était prêt" à intervenir en cas d'offensive terrestre à Gaza.
Article rédigé par Elise Lambert, Agence AFP
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Des manifestants soutiennent les Palestiniens dans le sud du Liban, à Sidon, le 13 octobre 2023. (KHALED DESOUKI / AFP)

Un risque de nouveau front dans la guerre entre le Hamas et Israël ? L'armée israélienne a bombardé, vendredi 13 octobre, les abords de plusieurs localités dans le sud du Liban, après une explosion à la frontière entre les deux pays, selon des sources sécuritaires et un correspondant de l'AFP sur place. Le même jour, un journaliste de l'agence de presse Reuters a été tué et plusieurs autres blessés lors d'un bombardement aux abords du village d'Alma el-Chaab, toujours dans cette zone frontalière.

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Depuis l'offensive du Hamas contre Israël, samedi 7 octobre, la région est le théâtre d'affrontements réguliers. La Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), déployée dans le sud du pays, "est activement engagée auprès des autorités des deux côtés pour tenter de faire baisser la tension", a fait savoir l'ONU. Le Hezbollah, mouvement libanais pro-iranien et allié du Hamas, lui, a bombardé des positions israéliennes à la frontière et prévenu qu'il était "entièrement préparé" à intervenir contre Israël "en temps voulu".

Des échanges de tirs à la frontière

Plusieurs "terroristes" ont été tués par l'armée israélienne, samedi, lors d'une tentative d'infiltration en Israël depuis le sud du Liban, a annoncé un porte-parole de Tsahal. "Un drone a pris pour cible ce commando et a tué plusieurs terroristes", a-t-il précisé. Lundi déjà, l'armée israélienne avait annoncé avoir tué "plusieurs suspects armés" qui s'étaient infiltrés en Israël depuis le Nord. Le Jihad islamique palestinien, allié du Hamas, a revendiqué ces infiltrations, rapporte RFI.

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"On est dans une situation de guerre, donc de guerre de communication. Le Hezbollah a pu laisser passer des hommes du Jihad islamique, mais cela reste exceptionnel, tempère Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). C'est lui qui contrôle la frontière sud du Liban, et il n'a aucun intérêt à ce que d'autres groupes viennent perturber la région", explique le géopolitologue.

Des échanges de tirs ont également eu lieu à la frontière. S'il s'agit bien d'un regain de tensions, elles ne sont toutefois pas inédites. Elles ont lieu dans la région des fermes de Chebaa, "un point de fixation qui existe depuis des années", relève l'expert. Cette région israélienne située entre le Liban et le plateau du Golan est revendiquée de longue date par Beyrouth. En bombardant des positions israéliennes, "le Hezbollah veut rappeler à Israël qu'il est puissant, sans s'engager dans un conflit ouvert", ajoute Thierry Coville, chercheur spécialiste du Moyen-Orient à l'Iris.

Le Hezbollah, allié du Hamas, se dit prêt à intervenir

Le Hezbollah gardera-t-il cette position prudente à l'avenir ? "Nous sommes entièrement préparés et nous passerons à l'action au moment propice", a d'ores et déjà prévenu le mouvement chiite lors d'un rassemblement de soutien aux Palestiniens à Beyrouth vendredi. "Si Israël poursuit sa politique de terre brûlée [à Gaza], il accélérera l'ouverture d'un front au Liban", a averti Hassan Hoballah, chargé des relations avec les factions palestiniennes pour le Hezbollah, cité par Le Monde.

Le responsable du Hezbollah a également prévenu que le "Parti de Dieu" (nom du Hezbollah) entrerait inévitablement dans le conflit "si Israël coupe la tête du Hamas ou anéantit la population ; s'il y a un nouvel exode forcé de Palestiniens hors de leur terre ; et si les sites religieux sacrés en Palestine sont touchés", cite Le Monde.

"Quand le Hezbollah fait des déclarations, il faut les prendre au sérieux. C'est un groupe très organisé et discipliné, il y a un risque qu'une opération militaire de plus grande envergure arrive, mais on n'en est pas encore là."

Didier Billion, directeur adjoint de l'Iris

à franceinfo

Le Hezbollah, plus puissant que le Hamas, est en effet doté d'un arsenal de dizaines de milliers de roquettes et de missiles capables de frapper partout en Israël, rappelle l'agence de presse américaine Associated Press. Le mouvement a perfectionné ses techniques de combat après des années de guerre aux côtés des troupes de Bachar Al-Assad en Syrie. Mais un engagement dans la guerre en Israël pourrait toutefois être freiné par les ambitions du Hezbollah en interne. Comme le Hamas, le mouvement est aussi un parti politique avec des élus. Or, le Liban traverse une crise économique et politique historique ces dernières années, et la population n'a pas envie d'une nouvelle guerre.

Quoi qu'il advienne, Israël s'est préparé à l'ouverture d'un front au Nord. Quelque 360 000 réservistes de l'armée y ont été déployés. Tsahal a distribué des armes aux civils volontaires et des localités ont été évacuées. Washington, allié d'Israël, a également envoyé le porte-avions USS Gérald-Ford près des côtes israéliennes et a annoncé un paquet d'aide militaire pour Israël.

L'Iran met en garde et mobilise ses alliés

Les regards se tournent désormais vers l'Iran. Depuis des années, Téhéran est à la tête d'un "axe de la résistance", qui réunit les mouvements opposés à Israël, dont le Hamas et le Hezbollah. L'Iran leur fournit notamment un soutien logistique et financier. A ce jour, le pays nie toute implication dans l'opération menée par le Hamas le 7 octobre en Israël. Mais plusieurs médias, dont le Wall Street Journal, ont révélé que des réunions avaient eu lieu cet été à Beyrouth entre des dirigeants du Hamas, du Hezbollah et de l'Iran pour planifier l'opération "Déluge d'Al-Aqsa".

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D'autres signes laissent suggérer qu'Israël était visé avec l'assentiment de l'Iran. Selon le New York Times, des responsables des services de renseignement israéliens ont rapporté, en septembre, que l'Iran avait ordonné une vaste campagne contre Israël, en menant par exemple des sabotages à l'intérieur de ses frontières ou en faisant passer des armes aux Palestiniens. Lors de différentes réunions des membres de "l'axe de la résistance", les dirigeants ont appelé à tirer profit de la fragilisation de Benyamin Netanyahou liée à sa réforme très controversée de la justice.

Quoi qu'il en soit, le ministre des Affaires étrangères iranien a prévenu vendredi que la guerre pourrait s'étendre à d'autres régions du Moyen-Orient. "Si ces crimes de guerre commis par l'entité sioniste [Israël] ne s'arrêtent pas immédiatement, alors nous pouvons imaginer n'importe quelle possibilité", a mis en garde Hossein Amir Amirabdollahian, cité par AP.

"L'Iran a donné des indications à ses alliés pour qu'ils se préparent à un conflit avec Israël, mais on ne sait pas ce qu'il va faire réellement, analyse Didier Billion. Si c'était le cas, tout un jeu de dominos se mettrait en place. On est dans une phase nouvelle."

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