Gestion du maintien de l'ordre : ce qu'il faut retenir de l'audition de Gérald Darmanin devant la commission des lois de l'Assemblée
"Les policiers et gendarmes sont des boucs émissaires". Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a défendu, mercredi 5 avril, l'action des forces de l'ordre lors des manifestations contre la réforme des retraites et lors des violents affrontements à Saint-Soline (Deux-Sèvres). Face aux députés de la commission des lois de l'Assemblée nationale, venus nombreux pour l'interroger, deux heures durant, le "premier flic de France" a notamment précisé que 41 enquêtes judiciaires avaient été ouvertes par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et 4 par l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) depuis janvier. Voici ce qu'il faut retenir de son intervention.
Le recours au 49.3 a marqué un tournant dans les manifestations
Gérald Darmanin, venu avec un fichier PowerPoint pour présenter un bilan chiffré détaillé des dernières semaines, a assuré mercredi que les manifestations contre la réforme des retraites organisées entre le 19 janvier et le 16 mars – date du recours au 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites sans vote à l'Assemblée – s'étaient déroulées "sans aucun incident majeur".
En revanche, à partir de cette date, les services de renseignement ont observé une mobilisation très forte "de l'ultra-gauche, notamment dans l'ouest de la France, mais aussi à Paris". "Des notes des services de renseignement précisaient que le but était de s'en prendre directement à l'intégrité physique des forces de l'ordre", a ajouté le ministre de l'Intérieur.
Au total, 1 851 interpellations et 299 atteintes contre des institutions publiques (préfectures, sous-préfectures, mairies, commissariats…) ont été dénombrées depuis le 16 mars. Il y a eu au total, 132 atteintes de permanences parlementaires et 33 plaintes de membres du gouvernement ou d'élus ont été déposées, pour menaces ou outrages, auprès de la préfecture de police.
Un dispositif de sécurité très important à Sainte-Soline...
Le ministre de l'Intérieur s'est ensuite penché sur la manifestation contre les méga-bassines à Sainte-Soline, le 25 mars. Trois plaintes ont été déposées contre les forces de l'ordre depuis, après des blessures graves subies par des manifestants au cours de cette journée.
En 2022, une manifestation anti-bassines avait déjà fait "61 blessés chez les gendarmes, dont plusieurs très grièvement", a rappelé Gérald Darmanin. "C'est donc nourris par cette expérience malheureuse que nous avions préparé ce rendez-vous de Sainte-Soline", qui faisait l'objet "d'une interdiction de la préfecture", a-t-il rappelé.
La semaine précédant le rassemblement, plus de 24 000 véhicules ont été contrôlés, 62 couteaux saisis, 67 boules de pétanque, 13 haches ou hachettes, 7 mortiers d'artifices, a énuméré le ministre de l'Intérieur. Pas moins de "3 200 gendarmes et policiers ont été déployés", a redit le ministre, regrettant que ces derniers n'aient pas pu "faire voler des drones" à des fins de renseignement, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2022, et contrairement aux "casseurs", qui en ont fait usage.
... mais qui a dû faire face à "plusieurs centaines de personnes radicalisées"
"Il ne fait aucun doute que plusieurs centaines de personnes radicalisées à l'ultra-gauche, suivies par les services de renseignement, étaient présentes" samedi 25 mars dans les Deux-Sèvres, a relevé Gérald Darmanin lors de son exposé.
Le groupe Les Soulèvements de la Terre (SLT), en pointe lors de la mobilisation, "n'est pas une association", a-t-il poursuivi, évoquant plutôt un "groupement de fait". Le ministre de l'Intérieur a annoncé la semaine passée son intention de dissoudre ce collectif, qui défend une vision radicale des actions écologistes.
Gérald Darmanin a ensuite retracé la chronologie de la journée, assurant que, autour de 13 heures, un groupe d'environ 1 000 blacks blocs "a foncé vers les gendarmes" en étant "extrêmement armés" et que "quatre véhicules ont été incendiés avec des cocktails molotov d'un genre nouveau, pas forcément connus par la police". Vers 15 heures, un "nouvel assaut" a eu lieu, a-t-il ajouté.
Le ministre de l'Intérieur a assuré que "la gendarmerie nationale et un médecin du GIGN ont été envoyés pour essayer de secourir les opposants grièvement blessés" et que ce dernier a apporté "les premiers soins aux victimes, malgré les insultes et le harcèlement" des manifestants. "Qui était responsable des secours ? Le droit dit : l'organisateur de la manifestation", a tenu à rappeler le ministre.
Les Brav-M, "des compagnies d'intervention évidemment formées au maintien de l'ordre"
Le député LFI de Seine-Saint-Denis Thomas Portes a dénoncé la "terreur" semée "chaque soir dans les rues de Paris" par la Brav-M, cette unité de police dont les méthodes jugées violentes sont très critiquées ces dernières semaines. "Faudra-t-il un nouveau Malik Oussekine pour vous faire entendre la raison ?", a lancé l'élu, sous les huées d'une partie de l'opposition, faisant référence à la mort de cet étudiant de 22 ans en 1986, frappé par des policiers "voltigeurs" à moto, auxquels la Brav-M est souvent comparée.
Gérald Darmanin s'est étonné qu'une pétition circule pour les dissoudre, car "ce n'est pas une unité". "Ce sont des compagnies d'intervention évidemment formées au maintien de l'ordre qui utilisent des motos pour intervenir (...) puisque les manifestations, quand elles dégénèrent, nécessitent beaucoup plus de mobilité", a expliqué le ministre de l'Intérieur, sans toutefois revenir sur les accusations de violences les concernant.
Un tacle appuyé à La France insoumise, en citant un ancien ministre de gauche
Répondant à une question du député écologiste Benjamin Lucas, Gérald Darmanin a largement cité et repris à son compte, feuille à l'appui, les propos de l'ancien ministre de l'Intérieur socialiste Bernard Cazeneuve, qui s'exprimait mercredi matin sur France Inter, à propos de La France Insoumise : "On savait que c'était un parti de l'outrance. Maintenant, c'est le parti de l'insulte (...) Je n'attends rien d'eux, je sais comment ils sont structurés (...) Je ne suis pas choqué, je suis consterné, car j'ai une autre idée de ce qu'est la politique de notre pays".
Ces déclarations ont provoqué un vif émoi parmi les députés de gauche présents lors de cette audition en commission. "On peut citer Bernard Cazeneuve sans être traité de fasciste", avait d'emblée ironisé le ministre de l'Intérieur. Qui a fini en ajoutant : "Heureusement, il y a une gauche républicaine, de bon sens, qui respecte les forces républicaines dans ce pays."
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