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Affrontements à Sainte-Soline : cinq questions sur les Soulèvements de la Terre, groupe défenseur d'une écologie radicale que Gérald Darmanin veut dissoudre

Né en mars 2021 à la suite d'un rassemblement à Notre-Dame-des-Landes, ce réseau rassemble diverses organisations paysannes, écologistes et militantes.
Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants contre un projet de "méga-bassine", à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, le 25 mars 2023. (MAYLIS ROLLAND / HANS LUCAS / AFP)

Alors que de nombreuses questions se posent encore sur le maintien de l'ordre lors du rassemblement contre un chantier de "mega-bassine", à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le ministère de l'Intérieur pointe du doigt les Soulèvements de la Terre (SLT).

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Mardi 28 mars, Gérald Darmanin a fait part de sa volonté de dissoudre ce groupe, qui défend une vision radicale de l'action écologique, et qu'il accuse d'être responsable des affrontements du samedi 25 mars. "Une tentative de diversion qui vise à faire oublier la politique désastreuse et tragique de maintien de l'ordre à Sainte-Soline", répondent les Soulèvements de la Terre. Pour mieux comprendre la nature de cette organisation, franceinfo répond à cinq questions à son sujet.

1 Qui sont-ils ?

Sur leur site internet, ils se définissent comme de "jeunes révolté.es", qui ont "grandi avec la catastrophe écologique en fond d'écran", des "paysan.nes", des "habitant.es en lutte attachés à leur territoire". Derrière le nom, on trouve un rassemblement d'organisations paysannes et écologistes diverses, de gauche et d'extrême gauche, comme la Confédération paysanne, les associations Alternatiba ou Attac, des fermes disséminées un peu partout en France, des chercheurs et quelques personnalités comme l'écrivain Alain Damasio. Les différents signataires du texte fondateur des Soulèvements sont visibles sur l'espace dédié aux blogs du site Mediapart. Selon ce manifeste, le réseau s'est officiellement formé en mars 2021 sur la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes.

2 Que revendiquent-ils ? 

Les membres des SLT se définissent également comme des "paysan.nes", luttant "pour produire une nourriture saine, à la fois financièrement accessible et garantissant une juste rémunération". La "question foncière" et le rapport "marchand" à la terre sont au cœur des réflexions et des luttes qu'affirment porter les Soulèvements. Sur leur site, ils expliquent s'ériger contre "l'accaparement des terres" par "des fermes (...) transformé[e]s en usines", "l'artificialisation des sols" et militent pour "une écologie sans transition". Ils disent ne "rien attendre des Etats, qui n'agiront pas sans y être acculés". A propos des chantiers des "méga-bassines", ils dénoncent notamment un "accaparement de l'eau par une minorité d'irrigants, en pleine sécheresse systémique".

3 Quels sont leurs modes d'action ?

Pour combattre ce qu'ils dénoncent, les Soulèvements revendiquent différentes manières de faire, résumées en trois parties sur leur site : "prendre des terres", via "de multiples formes comme l'opposition en acte à des projets d'artificialisation, l'installation paysanne ou le rachat commun" ; "bloquer les industries polluantes", en perturbant et bloquant "par tous les moyens ces industries" ; et "cibler les institutions en charge de l'attribution et de la destination des terres", en invitant à "exercer une pression" sur ces dernières.

Concrètement, ces volontés se traduisent notamment par l'organisation ou des participations à des moments de discussion et de réflexion, comme en mai 2021, en Haute-Loire, pour s'opposer à un projet de déviation routière, raconte le journal en ligne Reporterre, des actes de désobéissance civile, des dégradations volontaires, des occupations et des blocages. En décembre 2022, Le Parisien (article payant) a révélé que la police attribuait à des membres des SLT l'entrée par effraction et les dégradations ayant eu lieu dans une usine du cimentier Lafarge.

4 Pourquoi Gérald Darmanin souhaite-t-il leur dissolution ? 

Mardi 28 mars, sur fond de 10e journée de mobilisation intersyndicale contre la réforme des retraites et après le week-end d'opposition à un chantier de "méga-bassine" à Sainte-Soline, le ministre de l'Intérieur a engagé une procédure de dissolution des SLT. Pour Gérald Darmanin, le groupe, un des organisateurs du rassemblement, est responsable des affrontements qui ont eu lieu dans les Deux-Sèvres. Selon une note du ministère de l'Intérieur également datée de mardi, ce réseau "incite et participe à la commission de sabotages et dégradations matérielles" et a bâti "le concept de 'désarmement' destiné à faire accepter la pratique de l'écosabotage".

Lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, où Gérald Darmanin a essuyé un feu roulant d'interrogations sur les événements de Sainte-Soline et le maintien de l'ordre lors des manifestations contre la réforme des retraites, le ministre a fustigé l'action d'une "ultragauche" qui veut "mettre à bas la démocratie". Il a insisté sur "l'extrême violence de groupuscules fichés par les services de renseignement parfois depuis de très nombreuses années, comme le groupement de fait Soulèvements de la Terre", faisant notamment référence aux manifestants encagoulés présents lors du rassemblement et qui, pour certains, jetaient des projectiles sur des policiers et gendarmes. Mardi, lors d'une conférence de presse, Gérald Darmanin s'était indigné d'un "déferlement inouï de la part d'individus armés et violents" ayant pour "projet de blesser ou de tuer des gendarmes".

5 Que lui répondent les membres de ce réseau ?

L'organisation a d'abord réagi par la voix de ses représentants. Auprès de l'AFP, l'un de leur porte-parole, Basile Dutertre, a rappelé mardi que SLT n'était "pas le seul" à avoir appelé à la manifestation de samedi, interdite par les autorités. "Une centaine d'organisations l'ont fait, parmi lesquelles l'intersyndicale, la Confédération paysanne, des partis politiques, des associations environnementales", a-t-il énuméré.

Mercredi 29 mars, le collectif a également répondu à l'annonce de Gérald Darmanin dans un communiqué. Il condamne "une tentative crapuleuse par le ministre de l'Intérieur de faire baisser l'attention sur les violences meurtrières qu'il a déchaînées contre les manifestant.es", dénonçant, à travers une déclaration de son porte-parole, "un retournement sidérant". "Les gens qui ordonnent de tirer sur la foule avec des armes de guerre sont ceux qui nous accusent d'ultraviolence", s'est étranglé Basile Dutertre mardi. "Nous sommes bien curieux.ses de voir ce que représenterait la 'dissolution' d'une coalition qui regroupe des dizaines de collectifs locaux, fermes, sections syndicales, ONG à travers le pays", ajoute le communiqué.

Concernant les violences matérielles et contre les forces de l'ordre observées samedi à Sainte-Soline, SLT, sans les revendiquer clairement, ne s'en désolidarise pas non plus. "Si, depuis deux ans, des foules grandissantes ne se contentent plus de défiler, mais recherchent des gestes ad hoc pour freiner concrètement certains chantiers, pour empêcher le pillage de l’eau ou des terres, c’est bien parce qu’il y a une urgence vitale à agir."

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