Manifestations contre la réforme des retraites : que sont les Brav-M, ces unités de police dont des élus LFI demandent le démantèlement ?

Article rédigé par franceinfo
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Des policiers membres de la Brav-M interviennent lors de la manifestation contre la réforme des retraites du 20 mars 2023 à Paris. (BENOIT DURAND / HANS LUCAS / AFP)
Elles sont régulièrement critiquées dans le cadre du maintien de l'ordre. L'un de ses membres fait l'objet d'une enquête de l'IGPN pour un coup de poing asséné à un manifestant lundi à Paris.

Une moto pétaradante, un pilote adepte des slaloms en milieu urbain et un passager prêt à bondir. L'image des Brigades de répression de l'action violente motorisées, ou Brav-M, est désormais indissociable des manifestations contre la réforme des retraites. Ces unités sont la cible de critiques depuis que des rassemblements spontanés sont le théâtre d'affrontements entre participants et forces de l'ordre. Des élus d'opposition, dont trois députés de la France insoumise (LFI), réclament leur dissolution, les accusant "d'exactions violentes" et de "l'emploi disproportionné de la force" contre des manifestants. Franceinfo vous explique ce que sont ces unités qui dépendent de la préfecture de police de Paris.

Elles ont été créées pendant le mouvement des "gilets jaunes"

Les Brav-M ont été déployées pour la première fois il y a quatre ans, par le préfet de police de Paris de l'époque, Didier Lallement. Présentées comme des unités anticasseurs, elles remplacent alors les unités de "détachement d'action rapide" (DAR). "Elles auront une capacité de projection supérieure", avait assuré à l'AFP Didier Lallement, le 23 mars 2019. Les Brav-M ont vu le jour après le saccage et l'incendie d'une centaine de commerces sur les Champs-Elysées au printemps 2019, pendant la 18e journée de mobilisation des "gilets jaunes".

Il s'agit d'équipages à moto, ce qui explique leur grande mobilité. Les agents portent une tenue noire, un gilet pare-balles, et agissent en binôme : un conducteur issu des rangs d'une unité motocycliste, qui porte un casque blanc, et un policier passager, avec un casque noir, qui appartient à des compagnies d'intervention ou de sécurisation, où à la brigade anticriminalité (BAC).

Ce ne sont pas des unités permanentes et les binômes changent régulièrement. "On est repéré si on fait l'affaire sur une manif, si on est volontaire, si on a la niaque", témoigne une gardienne de la paix dans une vidéo de promotion "en immersion" de la préfecture de police de Paris. Les Brav-M sont chargées d'intervenir au cours de manifestations, sur des violences de rue et des dégradations, en soutien des unités en difficulté, mais aussi pour disperser des regroupements de casseurs. "La spécificité de la Brav, c'est le maintien de l'ordre, avec les passagers des compagnies d'interventions. Quand on n'est pas mobilisé, on est toujours en binôme, on effectue des sécurisations au profit des commissariats d'arrondissement", complète un brigadier de police motocycliste, dans la vidéo de la préfecture de police.

Elles sont "adaptées pour disperser" des groupes d'individus

Les Brav-M sont mentionnées dans la nouvelle version du Schéma national du maintien de l'ordre (SNMO), publiée en décembre 2021. Elles y sont présentées comme des unités qui allient "mobilité et capacité d'interpellation". Selon le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, les derniers rassemblements contre la réforme des retraites dans la capitale sont composés de "petits groupes très mobiles qui commettent beaucoup d'exactions". Les Brav-M, qui "évoluent par groupes de 20-40", peuvent "se déplacer en tout point de la capitale de manière extrêmement rapide pour mettre un terme à des exactions", a-t-il expliqué sur franceinfo, mercredi, rejetant l'idée de dissoudre ces brigades.

"Ce sont des compagnies d'intervention, au même titre que les CRS, les escadrons de gendarmes mobiles, dont c'est le métier, a poursuivi Laurent Nunez. La seule différence (...) c'est qu'ils se déplacent à moto pour aller beaucoup plus vite." Les policiers de la Brav-M sont secondés par des fourgons, qui transportent des renforts et évacuent les personnes interpellées, comme le rappelle Le Journal du dimanche.

Elles sont décriées pour "leurs exactions violentes"

Ces unités de policiers à moto sont régulièrement pointées du doigt. Pendant le mouvement des "gilets jaunes", plusieurs enquêtes IGPN ont été ouvertes après des accusations de violences policières. Les manifestants reprochaient notamment à ces policiers de les frapper à terre. Lors des récents rassemblements contre la réforme des retraites, de nouvelles accusations ont été portées contre les Brav-M. Les élus de LFI qui demandent leur dissolution s'appuient sur "les témoignages récents d'exactions violentes et brutales commises par ces brigades à l'encontre des manifestants".

L'un d'entre eux, venu "assister en simple spectateur à la manifestation", lundi à Paris, raconte à franceinfo un déchaînement de violences : "Tout à coup, deux Brav-M sont arrivés sur moi à pied. J'ai senti qu'ils allaient me charger, mais je n'avais rien à me reprocher. Je n'ai pas bougé, ils ont couru vers moi, en criant : 'Il y a quoi dans ton sac ?' J'ai levé les bras et dit qu'ils pouvaient regarder dans le sac. L'un des policiers a regardé autour de lui, il n'y avait presque personne, et là, il m'a asséné un gros coup de poing au niveau de la mâchoire. Son collègue m'a aussi frappé et donné un coup de matraque." Cet homme ajoute avoir ensuite été frappé au sol et avoir subi "une clé de bras".

Une enquête a par ailleurs été ouverte par le parquet de Paris et confiée à l'IGPN après la diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier de la Brav-M asséner un coup-de-poing à un manifestant. Selon la version du policier, dont France Télévisions a eu connaissance, il nie avoir voulu donner un coup de poing et évoque un contexte de fortes tensions.

Elles rappellent les "voltigeurs", dissous après la mort de Malik Oussekine

Si les Brav-M sont décriées, c'est aussi parce qu'elles rappellent les pelotons de "voltigeurs", ces duos de policiers à moto qui dispersaient les manifestants au siècle dernier. Créés en 1968, ils ont été dissous en 1986, après la mort de Malik Oussekine sous les coups de trois d'entre eux, en marge d'une manifestation étudiante. "Les voltigeurs, c'était un pilote qui donnait des coups de pied, un passager qui donnait des coups de matraque. Ils étaient sur des Honda rouges (...) Les Brav rappellent cela. C'est une espèce de résurgence. C'est fait pour sidérer, pour faire quelque chose d'important en matière de maintien de l'ordre : c'est l'effet de surprise", analysait, en 2020, sur France 2, dans "Envoyé spécial", le journaliste David Dufresne, qui a recensé tous les signalements de violences policières pendant le mouvement des "gilets jaunes".

Les Brav-M sont redoutées jusque dans les rangs de la police. Mathieu, un CRS avec plus de vingt ans d'expérience dans le maintien de l'ordre, explique à Mediapart que ces policiers "sont utilisés pour intervenir très vite à moto, ce qui peut être terrorisant". En outre, "le préfet a une mainmise directe sur eux", contrairement aux CRS. Les Brav-M "mettent le bordel plus qu'autre chose. Ils matraquent dans tous les sens", estime Mathieu, soulignant qu'"il y a pas mal de policiers passés par la BAC dans leur rang et formés à aller au contact. Peu importe qui ils ont en face. C'est cela le danger."

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