Cet article date de plus de deux ans.

Résultats présidentielle 2022 : Anne Hidalgo et le Parti socialiste balayés au premier tour, après sept mois de calvaire

Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Après une campagne qui n'a jamais décollé, Anne Hidalgo réalise le pire score de l'histoire du Parti socialiste à l'élection présidentielle. (SYLVAIN LEFEVRE / GETTY IMAGES / JESSICA KOMGUEN / PIERRE-ALBERT JOSSERAND)

Avec 1,75% des voix, la maire de Paris réalise le pire score de l'histoire de son parti à l'élection présidentielle, plus de quatre points en dessous de la cinglante défaite de 2017. Un échec logique après une campagne qui n'a jamais décollé.

La défaite était attendue. Anne Hidalgo, qui ne recueille que 1,75% des voix, selon les résultats définitifs fournis à la mi-journée lundi par le ministère de l'Intérieur, échoue au premier tour de l'élection présidentielle 2022. Avec ce score, le Parti socialiste (PS) tombe encore plus bas que lors de la défaite – déjà retentissante – de 2017, où Benoît Hamon avait rassemblé 6,36% des suffrages. Pour la maire de Paris, c'est la fin d'une longue et douloureuse campagne qui n'a jamais pris. 

>> Quelles sont les réactions au lendemain du premier tour ? Suivez dans notre direct l'actualité de l'élection présidentielle

Une première proposition forte très critiquée

Au cours des derniers mois, Anne Hidalgo n'a pas réussi à créer de dynamique autour de sa vision d'une "gauche sociale-démocrate et écologiste". Dès son entrée dans la course à l'Elysée, en septembre 2021, elle donne l'image d'une candidate poussée par son camp à se présenter, alors qu'elle avait martelé pendant les municipales, en juin 2020, ne pas être intéressée par la présidence. Peu connue du grand public en dehors de la capitale, la socialiste n'est alors créditée que de 7% à 9% dans les intentions de vote

>> Suivez dans notre direct les réactions au lendemain du premier tour, marqué par une forte abstention

La candidate mise sur une première proposition forte pour imprimer auprès des électeurs : doubler le salaire des enseignants. "Ce qu'elle pensait être comme un signal adressé au cœur de l'électorat de gauche a été très mal reçu", analyse Frédéric Sawicki, professeur de sciences politiques et spécialiste du PS. La mesure, jugée irréaliste et démagogique par ses détracteurs, est remodelée. Son programme prévoit finalement de porter "progressivement" leur rémunération "au niveau de celui des cadres".

Anne Hidalgo fait également campagne sur la hausse de 15% du smic, la création d'un "bouclier logement" et d'un "impôt de solidarité sur la fortune climatique et biodiversité". Mais aucune de ces idées ne parvient à la propulser comme la candidate la mieux placée à gauche.

"Beaucoup de ses propositions sont très proches de ce qu'on trouve chez les autres candidats de gauche."

Frédéric Sawicki, politologue spécialiste du PS

à franceinfo

Alors que sa campagne patine, elle tente, le 8 décembre, de jouer la carte du "rassemblement" et propose une primaire de la gauche"Que viennent participer à cette primaire les candidats qui veulent gouverner ensemble", lance-t-elle sur le plateau du "20 Heures" de TF1. 

Affaiblie par l'épisode de la primaire

L'idée est immédiatement balayée par les communistes et La France insoumise. "La candidate socialiste reconnaît l'incapacité du PS à être force motrice", tance de son côté le secrétaire national des Verts, Julien Bayou. Au sein même du Parti socialiste, son appel ne fait pas l'unanimité. L'ancien président François Hollande juge qu'"une candidature d'union n'a de sens que si tous les candidats partagent les mêmes propositions. Or on sait que ce n'est pas le cas".  

Début janvier, Anne Hidalgo prend ses distances avec la Primaire populaire, consultation citoyenne qu'elle avait pourtant soutenue au départ. Devant le refus de Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon de reconnaître une quelconque légitimité à ce vote, l'élue de Paris annonce qu'elle maintiendra sa candidature à la présidentielle quel qu'en soit le résultat.

"Sa volte-face sur la primaire montre qu'elle n'avait pas de stratégie claire."

Frédéric Sawicki

à franceinfo

Les près de 400 000 participants au scrutin désignent le 30 janvier Christiane Taubira, qui jettera l'éponge début mars, faute de parrainages suffisants. Anne Hidalgo termine quant à elle cinquième sur sept candidats, derrière Yannick Jadot (2e), Jean-Luc Mélenchon (3e) et l'économiste Pierre Larrouturou (4e). Après cet échec, la candidate socialiste est au plus bas. C'est "un coup supplémentaire au moral des équipes", reconnaît alors son entourage. 

En public, la candidate bénéficie officiellement du soutien de son parti. Mais en coulisses, ses relations avec la direction du PS se sont distendues au fil d'une campagne que beaucoup de socialistes ont jugée "inaudible". "Si elle avait commencé sa campagne à 2% dans les sondages, on aurait pu dire qu'elle s'est démenée pour exister. Là, elle commence à 10% et termine à 2%", grinçait un cadre du parti fin mars.

Chez les socialistes, la défaite était actée depuis de longues semaines. En déplacement à Brest (Finistère), trois jours avant le premier tour, Olivier Faure se veut "lucide". "Je vais être sincère avec vous. Je suis d'accord : elle ne va pas gagner", lâche le premier secrétaire du PS face à des électeurs. Interrogée par un auditeur de franceinfo, le 4 avril, Anne Hidalgo concède elle-même qu'elle retournera s'"occuper de Paris" dès le lendemain du premier tour.

Les législatives, un "outil de reconstruction" pour le PS

"Nous tirerons ensemble tous les bilans de façon objective, mais vous savez que nous ne baissons jamais, que je ne baisse jamais les bras", a réagi dimanche soir la candidate socialiste depuis son QG de campagne.

Le PS a déjà les yeux rivés sur la prochaine bataille : les élections législatives. Anne Hidalgo a convié à un dîner le 6 avril plusieurs ténors, dont François Hollande, la maire de Lille, Martine Aubry, et la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Un rendez-vous pour aborder "les conditions du rassemblement" de la gauche en juin, alors que "des négociations sont engagées avec les Verts et les communistes", selon le patron des sénateurs PS, Patrick Kanner, organisateur du dîner. Signe du malaise au sein du parti : Olivier Faure n'a pas été convié. 

Les législatives doivent aussi être "un outil de reconstruction" pour les socialistes, estime le sénateur du Nord. Mais quelle place peut occuper le PS, plus que jamais affaibli, dans le champ politique ? Depuis 2017, "la ligne générale qui a été dessinée est de transformer le PS en parti social-écologiste", décrypte Frédéric Sawicki. "Mais elle se heurte à des divergences stratégiques, entre ceux qui pensent qu'il faut se rapprocher du centre-gauche, et ceux qui considèrent qu'il faut rompre avec l'héritage social-libéral", poursuit le politologue. 

"On a besoin de réfléchir, de continuer la mutation."

Un cadre du PS

à franceinfo

Le parti devra également faire face à ses difficultés financières, que l'échec d'Anne Hidalgo à la présidentielle ne va pas arranger. En raison de son score inférieur à 5%, seulement quelque 800 000 euros de frais de campagne seront remboursés. Depuis 2019, le parti a perdu 5 millions d'euros, avant un déficit de 3,7 millions d'euros en 2020. Début 2021, le PS a été contraint de licencier 12 salariés, soit environ un quart de l'effectif des permanents. 

Reste enfin à savoir qui pourra incarner la restructuration du parti. En interne, Olivier Faure est critiqué. François Hollande pourrait-il reprendre les rênes du PS ? "C'est déjà demain qu'il faut regarder. J'y prendrai toute ma part. Je ne céderai rien de ce que j'ai moi-même porté", a-t-il lancé le 22 mars, lors d'un meeting d'Anne Hidalgo à Limoges (Haute-Vienne). L'ancien chef d'Etat a promis une "initiative" après la présidentielle.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.