Qui a voté quoi ? Pour illustrer le bilan des 79 eurodéputés français et de leurs homologues étrangers à quelques jours du scrutin du dimanche 9 juin, franceinfo a compilé et analysé les données de vote fournies par le Parlement européen sur neuf textes cruciaux de ces cinq dernières années. Certains textes sont des règlements, qui ont un impact législatif, d'autres des résolutions, façon pour le Parlement de se positionner sur un sujet. Les répartitions des votes entre les groupes politiques sont conformes aux affiliations des députés le jour de chaque scrutin. Utilisez notre menu déroulant pour naviguer.
Que contient ce texte ? Ce texte polémique fait partie de la dizaine de mesures comprises dans le pacte asile-immigration de l'UE. Selon les règles actuelles, un demandeur d'asile doit effectuer sa demande dans le premier pays de l'UE qu'il atteint. Un état de fait qui fait peser un poids démesuré sur les pays comme l'Italie ou la Grèce. Pour y remédier, les nouvelles règles maintiennent ce système en y ajoutant un mécanisme de solidarité obligatoire. Les autres Etats membres devront contribuer à la charge des pays d'entrée en s'occupant des demandeurs d'asile par le biais de relocalisations ou en apportant un soutien financier. Le Conseil de l'UE prévoit au moins 30 000 relocalisations par an de demandeurs d'asile.
L'analyse de franceinfo : Le texte, comme le reste des dispositifs du pacte asile-migration adoptés le même jour, a divisé les eurodéputés. Il a récolté 322 votes pour, 266 contre et 31 élus se sont abstenus. La mesure est critiquée par l'extrême droite, mais aussi des chefs d'Etats comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban. La majorité des élus issus des trois groupes principaux (sociaux-démocrates, centre et centre-droit) ont voté pour.
Preuve d'un thème particulièrement clivant dans l'Hexagone, les élus français se démarquent largement de cette tendance. Seuls les eurodéputés Renaissance ont voté pour le texte. Les élus socialistes ont ainsi voté contre la position de leur groupe, rejetant le pacte et le jugeant trop "répressif". Les députés européens issus des Républicains ont eux aussi, sans surprise, voté contre leur groupe, alors que leur position sur l'immigration se rapproche de celle du RN.
Que contient ce texte ? Ce texte clé du Pacte vert impose aux pays membres d'instaurer d'ici à 2030 des mesures de restauration sur 20% des terres et espaces marins à l'échelle de l'UE, en donnant la priorité aux zones classées Natura 2000. L'objectif est conforme à l'accord international signé en 2022 à Montréal (Canada), à l'occasion de la COP15 Biodiversité. Le texte final a largement été assoupli. Un dispositif a notamment été introduit pour suspendre l'application des dispositions du texte en cas de circonstances "exceptionnelles".
L'analyse de franceinfo : Ce texte a failli ne pas être adopté par les eurodéputés, signe des tensions croissantes autour du Pacte vert à l'approche des élections européennes. Pour assurer son adoption, les députés ont largement réduit son ambition et son aspect contraignant via des amendements. Au final, 329 élus se sont prononcés pour, 275 contre et 24 se sont abstenus. Pas de quoi satisfaire l'extrême droite ainsi qu'une large majorité du groupe conservateur qui ont voté contre, en faisant un symbole d'un prétendu "projet de décroissance", selon François-Xavier Bellamy.
Les opposants du texte dénoncent l'impact que celui-ci pourrait avoir sur les terres agricoles. La gauche, les écologistes et le centre se sont prononcés en faveur, malgré ses ambitions revues à la baisse. Les mêmes équilibres se retrouvent au niveau des élus français. "Une victoire pour le vivant, les agriculteurs, tous les Européens !" s'est ainsi félicitée la tête de liste des écologistes pour les européennes, Marie Toussaint, sur le réseau social X à l'issue du vote.
Que contient ce texte ? Cette proposition de la Commission européenne était un texte clé du Pacte vert. Elle visait à réduire de 50% de l'usage des produits phytosanitaires d'ici à 2030. Seuls trois pays de l'UE, dont la France, ont pour l'instant mis en place des politiques pour réduire l'utilisation des pesticides.
L'analyse de franceinfo : Il est particulièrement rare qu'un texte législatif soit rejeté en plénière par le Parlement européen. Lorsqu'un sujet peine à faire consensus, son chemin s'arrête généralement dans les commissions du Parlement. Lors de son examen, le Parlement a adopté une série d'amendements qui a progressivement vidé le texte de sa substance, preuve d'une frilosité des élus sur les mesures du Pacte vert. L'ensemble de la gauche ainsi que Renaissance ont ainsi voté contre, alors qu'ils en soutenaient le principe. "C'est du greenwashing", avait justifié la rapporteuse du texte, l'écologiste autrichienne Sarah Wiener.
Parmi les eurodéputés français, seuls trois élus Renaissance et les huit élus LR ont voté en faveur du texte. François-Xavier Bellamy se disait ainsi "stupéfait" du résultat auprès du Monde. La Commission aurait pu proposer une nouvelle version du règlement, mais Ursula von der Leyen a annoncé en février dernier l'abandon des nouvelles règles. Entre temps, les manifestations d'agriculteurs se sont multipliées à travers l'UE.
Que contient ce texte ? Adoptée un an après le début de l'invasion russe de l'Ukraine, cette résolution rappelle le "soutien à l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine". Elle exige également "que la Russie et ses alliés cessent toutes leurs actions militaires". Le texte demande "un soutien à la fourniture d'une aide militaire à l'Ukraine aussi longtemps que nécessaire" et rappelle l'attachement des députés à l'adhésion de l'Ukraine à l'UE.
L'analyse de franceinfo : Ce texte a été déposé conjointement par l'ensemble des groupes du Parlement, à l'exception du groupe Identité et démocratie, dans lequel siège le Rassemblement national, et du groupe La Gauche, dont fait partie La France insoumise. Le texte a été adopté à une large majorité (444 voix pour, 26 contre et 37 abstentions). Si le soutien à Kiev reste massif parmi les élus, le résultat montre une absence de consensus. Un texte similaire adopté un an plus tôt, au lendemain de l'invasion russe, avait été validé par 637 députés et rejeté par seulement 13 élus, rapporte Euronews.
Seuls deux eurodéputés français ont rejeté la résolution : Nadine Morano (LR) et Thierry Mariani (RN), dont les liens avec la Russie sont fréquemment dénoncés par les médias. Le reste des élus du parti d'extrême droite s'est soit abstenu, soit était absent, révélant l'ambiguïté du camp de Marine Le Pen sur le sujet. Les mêmes clivages se sont d'ailleurs retrouvés lors du débat sur le soutien de la France à l'Ukraine à l'Assemblée nationale, en mars 2024.
Que contient ce texte ? Ce texte, portant sur les "normes d'émissions de CO2 pour les voitures et les camionnettes", vise à mettre fin à la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035. Il prévoit de réduire à zéro les émissions de CO2 des voitures et camionnettes neuves en Europe à partir de 2035. Il est l'une des dispositions emblématiques du Pacte vert de l'UE, qui vise la neutralité carbone pour 2035. L'Allemagne avait failli faire dérailler sa mise en place quelques mois plus tard, avant d'obtenir de la Commission européenne un assouplissement des règles en faveur des carburants de synthèse.
L'analyse de franceinfo : Le clivage entre les groupes de gauche et de droite du Parlement sont visibles pour ce texte, adopté à 340 voix pour, 279 contre et 21 abstentions. Face à l'opposition du Parti populaire européen (de centre-droit), la mesure aurait été rejetée sans le soutien des groupes de gauche et du groupe libéral Renew. Les mêmes clivages sont observables au niveau des élus français, LR et le RN votant contre (26), la gauche et le centre pour (43). Le parti d'extrême droite fait depuis fréquemment référence à cette décision pour dénoncer la politique de l'Union européenne en matière de climat, tandis que les écologistes en font un exemple de l'ambition de l'UE sur le volet climatique.
Que contient ce texte ? Cette résolution a été adoptée en réaction à la décision la Cour suprême des Etats-Unis de révoquer le droit constitutionnel à l'avortement en juin 2022. Elle affirme la solidarité du Parlement européen avec les femmes américaines et appelle le Conseil européen à modifier la Charte des droits fondamentaux de l'UE, pour y inclure "le droit à l'avortement". Cette dernière fait partie des traités européens et garantit les droits civiques et sociaux des citoyens européens. Comme toutes les résolutions, le texte n'a pas de valeur légale, mais permet de faire entendre la voix du Parlement sur ce sujet. Aucune modification n'est pour l'instant envisagée à ce sujet par les Etats, alors que ce droit n'est pas reconnu dans plusieurs pays de l'UE.
L'analyse de franceinfo : Le Parlement s'est montré divisé sur cette question, avec 324 votes pour, 155 contre, 38 abstentions et 188 absents. Les divisions classiques entre la gauche et la droite apparaissent nettement sur cette question, les groupes d'extrême droite et du centre-droit rejetant la proposition. La majorité des députés français ont voté pour (45), y compris les élus LR. "Combien de femmes devront encore mourir de détresse dans la pauvreté et l'isolement ou souffrir parce que leurs droits fondamentaux sont remis en cause ?" s'interrogeait l'élue Renaissance Sylvie Brunet lors du débat. Aucun des élus du RN n'étaient présents lors du vote, deux élus affiliés à Reconquête (le mouvement fondé par Eric Zemmour) ont voté contre. Un signe des atermoiements du parti d'extrême droite sur le sujet, alors qu'une partie seulement de ses députés a voté la constitutionnalisation de l'IVG en France en mars dernier.
Que contient ce texte ? Un peu plus d'un an après le début de la pandémie de Covid-19 en Europe, ce texte a permis la mise en place d'un pass sanitaire commun à tous les pays de l'UE. Se présentant sous la forme d'un QR code, utilisable en format numérique ou papier, le document servait à prouver une vaccination ou une guérison du Covid-19, utile notamment lors des voyages entre Etats membres. Développé par les institutions européennes, le système était géré par les autorités de santé nationales. Le dispositif est entré en vigueur le 1er juillet 2021, avant d'être renouvelé un an plus tard.
L'analyse de franceinfo : Si le texte a été adopté par une très large majorité au Parlement (546 vote pour, 93 contre et 51 abstentions), il a divisé les eurodéputés français. La majorité des élus de La France insoumise et la totalité des élus du Rassemblement national présents ainsi que la moitié des élus socialistes et quatre élus verts ont voté contre ce texte tandis que Les Républicains et Renaissance l'ont approuvé. Un reflet des tensions existantes sur le sujet à l'époque en France. Le débat sur le pass vaccinal s'était enflammé à l'Assemblée nationale un mois plus tard.
L'eurodéputée insoumise Manon Aubry jugeait ainsi sur son blog le pass "inefficace" et "dangereux pour nos libertés". De son côté, l'élue écologiste Michèle Rivasi s'inquiétait lors du débat au Parlement de "nouveaux risques en matière de traçabilité et de protection des données personnelles". Le soutien à la mesure s'est transformée en marqueur politique. Alors que l'ancien eurodéputé Renaissance Stéphane Séjourné qualifiait le pass de "succès indéniable" en décembre 2021, l'élu RN Jordan Bardella le jugeait "liberticide" sur LCI le mois suivant.
Que contient ce texte ? Les eurodéputés n'ont pas voté directement pour le plan de relance européen historique instauré après la crise liée à la pandémie de Covid-19, mais pour l'instrument financier au cœur de celui-ci. La "facilité pour la reprise et la résilience" a ainsi permis à la Commission européenne de lever des fonds sur les marchés financiers au nom de l'UE, avant de les redistribuer aux Etats pour financer notamment la transition écologique. Le dispositif était une première dans l'histoire de l'Union et a été âprement négocié pendant des mois. Il a permis de débloquer 648 milliards d'euros de subventions et de prêts, dont 40 à destination de la France.
L'analyse de franceinfo : Les élus français se sont montrés bien plus divisés que le reste du Parlement, qui a adopté ce texte avec 582 voix pour, 40 contre et 69 abstentions. Du côté français, 47 élus l'ont approuvé tandis 31 se sont abstenus, principalement du côté du Rassemblement national et de La France insoumise. Alors que l'élu Renaissance Pascal Canfin qualifiait "d'historique" le plan lors des débats, les socialistes et écologistes se réjouissaient notamment du financement de la transition énergétique.
La gauche radicale s'était abstenue, s'indignant de l'imposition "de conditionnalités austéritaires" , comme l'expliquait l'élue LFI Manon Aubry sur son blog. Le Rassemblement national (RN) justifiait de son côté son vote en dénonçant une "intégration" européenne toujours plus grande. "Les plus gros contributeurs, dont la France, recevront moins qu'ils ne donneront", jugeait ainsi Jean-Lin Lacapelle durant les débats.
Que contient ce texte ? Cet accord commercial avec le Vietnam est entré en vigueur le 1er août 2020. Il vise l'élimination progressive de "tous les tarifs douaniers" entre l'UE et le pays d'Asie du sud-est et inclut "des règles contraignantes sur le climat, le droit du travail et les droits de l'homme". La signature d'accords de libre-échange avec d'autres pays est une compétence exclusive de l'UE qui ne peut être effectuée par les Etats membres. De nombreux accords sont en place, notamment avec les Etats-Unis, d'autres pays d'Asie ou le Royaume-Uni. En France, ces accords sont de plus en plus décriés.
L'analyse de franceinfo : L'accord a été approuvé par une large majorité des parlementaires européens à 401 voix pour, 192 contre et 40 abstentions. "Ces accords offrent une occasion unique de faire avancer l'objectif de l'UE de devenir un acteur géopolitique qui défend le commerce multilatéral" , se félicitait alors l'eurodéputé belge ultra-conservateur Geert Bourgeois lors des débats dans l'hémicycle.
Reflétant les réticences face aux accords de libre-échange, les élus français se sont montrés largement plus divisés que leurs collègues européens. Seuls les élus des Républicains (LR) et Renaissance ont voté en faveur du texte. Ceux des Ecologistes et de La France insoumise (LFI) ont voté contre. Les députés européens du Parti socialiste (PS) se sont aussi prononcés contre le texte, à rebours de leur groupe politique européen qui s'est prononcé pour. Une contradiction fréquemment pointée du doigt par les concurrents de gauche des socialistes, rappelle Le Figaro.
Design : Léa Girardot et Maxime Loisel
Développement : Grégoire Humbert et Valentin Pigeau
Illustrations et iconographie : Astrid Amadieu et Vassili Feodoroff
Relecture : Boris Jullien
Supervision éditoriale : Simon Gourmellet et Julie Rasplus
Photos : MARTIN BERTRAND / HANS LUCAS / AFP - JOEL SAGET / AFP - BERTRAND GUAY / AFP -JOEL SAGET / AFP - ISA HARSIN / SIPA - XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP - MAXIME GRUSS / HANS LUCAS / AFP - MIGUEL MEDINA / AFP - SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP - ISA HARSIN/SIPA - ALAIN ROBERT/SIPA - ALEXANDRE MARCHI / L’EST REPUBLICAIN / MAXPPP
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