Colère agricole : les ministres de l'Agriculture de l'UE se réunissent, alors que la crise se poursuit, notamment en Pologne et en République Tchèque

Dans ces deux pays, les revendications des agriculteurs portent notamment sur les importations ukrainiennes et les manifestations continuent, comme ailleurs en Europe. Les 27 se réunissent à Bruxelles ce mardi 26 mars pour tenter d'apaiser la colère.
Article rédigé par franceinfo - Martin Chabal et Alexis Rosenzweig
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Des agriculteurs belges manifestent près de la Commission européenne à Bruxelles, en Belgique, le 26 mars 2024. (DURSUN AYDEMIR / ANADOLU / AFP)

Les ministres européens de l'agriculture se réunissent à Bruxelles ce mardi 26 mars. Ils se penchent sur une révision de la PAC (politique agricole commune). Réclamées par les États face à la colère agricole qui balaye le continent depuis deux mois, ces révisions législatives doivent désormais être négociées et approuvées formellement par les États membres et eurodéputés, et ce d'ici fin avril, avant la trêve précédant les élections européennes de juin. Le tout sur fond de nouvelles manifestations à Bruxelles.

En Pologne, les agriculteurs sont les plus vulnérables de l'Union européenne face aux produits ukrainiens. Ils bloquent la frontière ukrainienne depuis plusieurs mois, mais n’ont toujours pas de solution. En République tchèque, aussi, les agriculteurs manifestent régulièrement ces derniers temps. Leurs revendications portent, entre autres, sur les céréales.

Pologne : les agriculteurs demandent une régulation des prix et une fermeture des frontières avec l’Ukraine

Les agriculteurs polonais ont annoncé qu’ils allaient continuer à manifester. Ce mardi 26 mars, ils ont même prévenu qu’ils allaient bloquer les maisons des députés européens qui voteront pour le pacte vert. Cela fait des mois qu’ils demandent au gouvernement de rejeter ce nouveau plan européen, qu’ils jugent trop contraignant. Ce qui revient à chaque fois dans les manifestations, c’est qu’ils sont déjà dans une situation très compliquée depuis le début de la guerre en Ukraine. L’Europe a décidé de supprimer les droits de douane pour les produits ukrainiens, et pour bien sûr aider l’économie ukrainienne.

Mais on commence à s’en lasser en Pologne. Les agriculteurs souffrent d’une baisse des prix sur certains produits comme les framboises, les céréales ou le poulet. Les exportations ukrainiennes se retrouvent parfois sur le marché, ce qui provoque la colère de plus en plus forte des agriculteurs polonais. Ils ont même renversé un wagon qui transportait des céréales à la frontière, et à Varsovie, une grande manifestation a bloqué toute la capitale pour demander une réaction du gouvernement.

Il y a eu des phases de négociations pour trouver des solutions. Le gouvernement a mis en place des restrictions sur certains types de produits. Il a aussi annoncé qu’il aidera les agriculteurs avec les premiers versements du plan de relance européen, que le gouvernement actuel a commencé à débloquer à Bruxelles. Mais toutes ces solutions n’ont pas satisfait les agriculteurs qui demandent une régulation des prix et une fermeture des frontières avec l’Ukraine. Sur ce point, le gouvernement polonais n’a pas vraiment les leviers nécessaires pour accéder à leur demande, c’est à l’Union européenne de le faire. Et les agriculteurs polonais le savent. C’est pourquoi ils ont régulièrement bloqué la frontière allemande ces dernières semaines.

S’ils espéraient qu’un mouvement des agriculteurs européens fasse annuler le Green deal, ils ont vu au fil des semaines que les protestations étaient de plus en plus faibles. En Pologne, on veut maintenir le cap, mais jusqu’à quand ? Avec le printemps qui arrive, nombre d’entre eux savent qu’ils vont devoir retourner travailler dans les champs et qu’ils n’auront plus le temps et les moyens de maintenir la grève, qu’ils tiennent depuis le début de l’année. Ils espèrent alors que la rencontre prévue entre la Pologne et l’Ukraine jeudi 28 mars sera à leur avantage.

République tchèque : le gouvernement veut que le blé et l’orge, importés d’Ukraine, soient plafonnés

La dernière manifestation remonte au 20 mars, sans violence, mais avec notamment 200 kg de farine déversés devant la mairie d’une ville du centre de la Tchéquie et des agriculteurs qui se plaignent notamment des importations de céréales de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine.

"Le problème est aussi que les stocks de céréales sont pleins et que les moissons approchent, ce qui va grandement nous compliquer la vie. La politique agricole commune de l’Union européenne tente avec le Green deal de passer au vert, mais cela augmente nos frais de production", déplore Jaroslav Michal, un responsable régional de la Chambre de l’agriculture tchèque. Le ministre tchèque de l’Agriculture a plaidé la cause des céréaliers ce mardi à Bruxelles en demandant à ce que le blé et l’orge soient ajoutés à la liste des produits dont les importations d’Ukraine sont plafonnées.

Le contexte est bassez particulier pour la République thèque, puisque le chef de l’opposition parlementaire est un acteur clé du secteur agro-industriel. Andrej Babis, l’ancien Premier ministre, est le fondateur du groupe Agrofert, qui est l’un des principaux employeurs du pays et dont les nombreuses activités couvrent par exemple la production d’engrais ou de volailles. Le milliardaire, président du parti ANO, utilise ce thème pour critiquer le gouvernement, de manière ouvertement populiste. Dans une récente vidéo, il a même pris le volant d’un tracteur pour expliquer que "les ministres roulent en BMW et veulent que ce tracteur arrête d’être utilisé parce qu’il a plus de dix ans". Apparemment, la stratégie est bonne, car c’est bien le parti ANO qui est pour l’instant en tête de tous les sondages avant les élections européennes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.