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Inflation alimentaire : pourquoi les prix ne devraient pas baisser avant plusieurs mois dans les supermarchés

Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le rayon épicerie sucrée d'un supermarché à Paris, le 2 mars 2023. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS / AFP)
Sur les marchés mondiaux, les cours des matières premières sont en repli. Une tendance qui ne se répercute pas encore sur les prix en magasin, issus des dernières négociations entre industriels et grande distribution.

A chaque rayon du supermarché, le constat demeure : la valse des étiquettes fait flamber le ticket de caisse. En avril, l'augmentation des prix des produits alimentaires sur un an est de près de 15%, selon les chiffres provisoires de l'Insee, publiés vendredi 28 avril. Malgré un ralentissement sensible de la hausse sur les produits frais (+10,2% en avril sur un an, contre 17% en mars), celle pour les autres produits atteint 15,8% sur un an en avril. Ce niveau est quasi identique à celui du mois précédent.

Il devrait encore perdurer quelques mois. Le patron de Système U, Dominique Schelcher, s'attend à une inflation atteignant "entre 23% et 25% sur l'alimentaire d'ici la fin du mois de juin". "Je vais être honnête, les prix alimentaires, ça va être dur jusqu'à la fin de l'été", a de son côté averti Emmanuel Macron, dimanche dans Le Parisien (article pour les abonnés).

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Pourtant, sur les marchés des matières premières agricoles, la dynamique est tout autre. Les cours mondiaux des denrées alimentaires ont chuté d'environ 20% ces douze derniers mois, rapporte la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. "La majorité des matières premières commence à baisser en raison d'un fort ralentissement de la demande mondiale par rapport à l'année 2022", qui était encore marquée par la reprise post-Covid, observe Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au cabinet d'analyses BDO. Du côté de l'offre, la prolongation de l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes "a aussi contribué à ce déclin" de l'indice des prix, complète la FAO.

"Quand le prix du blé baisse, le prix du paquet de pâtes doit baisser"

Le constat est flagrant pour les huiles végétales, dont les cours mondiaux ont reculé de près de 48% entre mars 2022 et mars 2023, quand, dans les rayons, les prix ont suivi la trajectoire inverse : +49% sur la même période, selon les données de l'Insee. Du côté des céréales, les prix sur les marchés mondiaux ont reculé de 18,5% en un an. Mais dans les supermarchés, le tarif du paquet de pâtes a lui bondi de plus de 21%, et celui des céréales pour le petit déjeuner a augmenté de 16%.

Comment expliquer un tel décalage ? "La raison principale tient au fait que les produits qu'on consomme actuellement ont été négociés à des périodes où les prix des matières premières étaient encore hauts", explique Anne-Sophie Alsif. Chaque année, les enseignes de la grande distribution négocient avec les industriels les conditions auxquelles elles achèteront les produits qui garniront les étals des magasins l'année suivante. Les dernières négociations, qui se sont déroulées cet hiver dans un climat tendu, ont abouti à une hausse moyenne de 10% des tarifs payés par les supermarchés aux industriels afin de tenir compte de la hausse de leurs coûts de production (énergie, transports, matières premières, emballages...).

Les distributeurs se sont toutefois engagés à "étaler dans le temps" les hausses issues de ces tractations. " Il y a des stocks à écouler en magasins, des produits dont la fréquence d'achat est moins forte. Ces produits-là, avec le nouveau tarif négocié, ne vont arriver en rayons qu'à partir d'avril, voire même de mai ou juin", expliquait récemment sur franceinfo Nicolas Léger, directeur analytique chez NielsenIQ. Les fluctuations des prix sur les cours mondiaux ne se répercutent donc pas instantanément sur le panier des consommateurs.

Une situation que le ministre de l'Economie a déplorée, vendredi 21 avril, sur LCI : "Quand le prix du blé baisse, le prix du paquet de pâtes doit baisser aussi." Début avril, Bruno Le Maire a envoyé un courrier aux industriels et aux distributeurs pour les inciter à retourner dès à présent à la table des discussions. Les lois Egalim, issues des états généraux de l'alimentation, ouvrent en effet la possibilité de reprendre les négociations en cours d'année, en cas de variations importantes des prix des matières premières. C'est sur cette base que le calendrier des tractations avait été assoupli en 2022, pour tenir compte de l'envolée des prix des denrées alimentaires et de l'énergie liée à la guerre en Ukraine.

Les industriels temporisent

Du côté des représentants de la grande distribution, la demande du gouvernement est bien accueillie. "Oui, il faut renégocier", insiste sur franceinfo Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui martèle qu' "on voit bien que sur des produits comme le blé ou les transports, leur cours a beaucoup baissé".

"Quand les coûts ont beaucoup augmenté, les distributeurs ont accepté d'augmenter les prix. Désormais, il faut repartir dans l'autre sens."

Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution

sur franceinfo

En appelant à des renégociations à la baisse, "les distributeurs, qui subissent la baisse de la consommation des ménages, sont dans leur rôle", analyse Anne-Sophie Alsif. Au premier trimestre, les ventes en volume dans les grandes surfaces ont en effet baissé de 5% par rapport à la même période en 2022, selon l'institut Circana. "Leur but, c'est de s'assurer de faire du volume, même si le panier moyen baisse légèrement", résume l'économiste.

A l'inverse, "les industriels sont plus dans l'attente de voir si les baisses sont importantes et durables", poursuit-elle. Le président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania), Jean-Philippe André, s'est déclaré sur BFMTV "prêt à la renégociation", "le moment venu", "quand il y aura des baisses qui seront avérées". "Il ne faut pas oublier que nous subissons encore de grosses tensions sur les emballages comme le carton et le plastique", appuie Jérôme Foucault, président de l'Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale), auprès de Capital.

Des "premiers effets visibles sur les prix à l'été"

Face à cette frilosité, le ministre de l'Economie tente d'accélérer le processus. "Si les négociations n'ont pas repris d'ici fin mai, je convoquerai distributeurs et industriels pour qu'ils reprennent leurs discussions", a assuré Bruno Le Maire. Un appel à nouveau martelé jeudi par la Première ministre qui attend que les pourparlers se tiennent "dans les prochaines semaines". D'ici là, le gouvernement mise sur le trimestre anti-inflation, lancé mi-mars et pour lequel Elisabeth Borne a promis un "point d'étape" mi-juin pour évaluer son "efficacité". Moins ambitieuse que le "panier anti-inflation" initialement envisagé, cette opération repose uniquement sur la bonne volonté des distributeurs pour baisser les prix sur une sélection de produits de leur choix, en rognant sur leurs marges.

Reste que, même en cas de reprise des négociations et de potentiel accord sur une baisse des tarifs, l'impact dans le panier de courses ne sera pas immédiat. La Première ministre n'espère "des baisses concrètes" des prix que "d'ici la fin du mois de juin". "Il y aura entre deux et trois mois de mise en œuvre", en fonction du renouvellement des stocks dans les rayons, anticipe quant à lui Jacques Creyssel dans les colonnes du Monde (article abonnés). Avec de "premiers effets visibles sur les prix à l'été, et surtout à la rentrée", estime-t-il. Une trajectoire conforme aux prévisions de la Banque de France, qui anticipe un ralentissement de l'inflation alimentaire durant la seconde moitié de l'année 2023, " une fois passé un pic au deuxième trimestre".

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