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Migration : les européens vont-ils vraiment changer les règles ?

C'est l'incendie d'un camp de réfugiés en Grèce, il y a quinze jours, qui a servi d'accélérateur : la Commission européenne propose de revoir la politique d'asile des 27. Au cœur des crispations, "le règlement de Dublin", symbole de tous ses dysfonctionnements.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une famille de migrants quitte le camp de Moria en flammes  sur l'île de Lesbos en Grèce, le 9 septembre 2020. (ANGELOS TZORTZINIS / AFP)

Le règlement de Dublin est à la fois la clé de voûte de la politique d'asile en Europe, et le meilleur symbole de ses dysfonctionnements.
Cet accord confie la gestion des demandeurs d'asile au premier pays dans lequel ils sont enregistrés. C'est pour ça que le relevé des empreintes digitales est l'une des toutes premières procédures à laquelle les migrants sont confrontés lorsqu'ils sont recueillis dans un port ou à une frontière.

Ce qui veut dire qu'un réfugié qui entre en Europe par l'Italie et continue sa route jusqu'en France ne pourra pas obtenir l'asile en France. S'il fait une demande en préfecture, ou s'il est interpellé en situation irrégulière, il doit être renvoyé à son point de départ, en Italie. L'an dernier en France 45 000 personnes étaient concernées par cette procédure.

Un système qui a montré ses limites

Mais, de l'avis des ONG ou des institutions qui gèrent l'accueil des migrants, le système ne marche pas. D'abord tous ne se font pas enregistrer dans leur pays d'arrivée. C'est ensuite une question d'inéquité : les pays qui sont en première ligne, l'Italie, la Grèce, Malte... ne peuvent pas à eux seuls supporter toute la charge de la migration. On l'a vu pendant la crise migratoire de 2015.
C'est encore un sujet de solidarité : les pays d'Europe centrale, notamment la Hongrie, Pologne, République tchèque, la Slovaquie, l'Autriche... ont toujours refusé de prendre leur part,  même quand la Commission européenne a mis en place des quotas de répartition censés être obligatoires. La France n'est pas beaucoup mieux placée. Elle s'était engagée pour 30 000 personnes et n'en a finalement accueilli qu'environ 4 000.
Ajoutez à cela des dysfonctionnements administratifs entre pays... In fine, les trois quarts des personnes contournent le système de Dublin et se retrouvent contraintes à des aller-retours incessants entre le pays dans lequel elles sont arrivées et celui où elles aimeraient vivre.

Une réforme impossible ?

Ca ne va pas être facile de réformer Dublin : depuis que la première version de ce texte a été adoptée en 2003, le principe soulève les critiques... Mais les États sont incapables de se mettre d'accord sur le mécanisme qui pourrait le remplacer. La commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, avait d'ailleurs déjà prévenu : "Je suppose que lorsque je présenterai nos propositions, personne ne sera heureux".

Ce nouveau pacte migratoire, d’abord annoncé pour février, a d'ailleurs été reporté à plusieurs reprises. L'incendie du camp de Moria, sur l'île de Lesbos, en Grèce, symbole de l’échec de l’UE, a convaincu la Commission et l'Allemagne qu’il était urgent d’avancer.

Mais la Commission ne va sans doute pas "abolir" Dublin comme Ursula von Der Leyen l’avait annoncé la semaine dernière. La présidente de la Commission avance en réalité avec prudence. Il y aura sans doute un changement de nom, mais l’Italie, la Grèce et Malte et tous les autres pays de première arrivée resteront responsables des migrants.

Pas de quotas mais une participation financière

Le Pacte qui sera proposé ne forcera pas non plus la main des pays qui ne veulent pas accueilir de migrants (le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a déjà dit hier que ce serait "nein") . La solution ? Leur demander plutôt un soutien financier ou logistique pour accélérer les retours vers les pays d’origine (selon la Commission, un peu moins d’un tiers seulement vont à leur terme), ou renforcer Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières extérieures de l'Union. Ce qui permettrait de limiter les arrivées.

La Commission laissera en tout cas du temps aux différents États membres pour examiner ce projet de réforme. Un nouvel échec, et il faudra des années avant que le sujet soit de nouveau à l'ordre du jour...

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