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"On n'arrive plus à recruter" : la transparence exigée dans la vie publique dissuade-t-elle les bons profils de rejoindre le gouvernement ?

Une petite musique monte dans les ministères où beaucoup s’agacent du poids jugé excessif de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Article rédigé par Jean-Rémi Baudot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un formulaire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ) remplir pour les parlementaires afin de dévoiler leur déclaration d'intérêts et d'activité. (JEAN FRANCOIS FREY / MAXPPP)

Dans l’équipe gouvernementale, personne ne se plaint du bien-fondé de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP. Même parmi les ministres, personne ne s’est ému de la démission du gouvernement de leur collègue Caroline Cayeux, dont la déclaration de patrimoine a été jugée "sous-évaluée". Personne ne remet en cause l’idée de débusquer les ministres en fraude fiscale ou en conflit d’intérêts et, donc, l'importance des contrôles.

Le problème mis en avant, c'est le poids que cette Autorité a pris depuis une dizaine d’année dans les nominations. "Qui a aujourd’hui envie de devenir ministre ?", se désole un conseiller. Les membres du gouvernement doivent déclarer patrimoine, vie privée, relations personnelles… Une vie entière passée au scanner et, surtout, rendue publique. 

>> Comment la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique contrôle la probité des futurs ministres

Il ne s'agit pas de revenir au modèle d'avant mais beaucoup fustigent la publication de ces informations. Est-il nécessaire d’avoir accès aux patrimoines et montants des comptes bancaires des ministres ?  Doit-on savoir que Jean-Noël Barrot a 93 € sur son livret A ? Doit-on savoir que, entre son salaire chez AXA et son revenu de secrétaire d’État, Laurence Boone a divisé sa rémunération par six ? Les contrôles des patrimoines sont légitimes mais faut-il les rendre publics 

À géométrie variable

Dans un pays où parler d’argent est tabou, où aucun salarié ne donne ses revenus en public, qui a envie d’étaler son patrimoine ainsi dans la presse ? L’exemple de la patronne de Nexity, qui a refusé Matignon, en est probablement l’illustration. En coulisses, beaucoup aimeraient que ces contrôles continuent mais restent confidentiels. Selon eux, ça ne changerait rien au contrôle.    

Le principe de la HATVP est la transparence pour l'exemplarité. Le problème, c’est quand la transparence devient un outil de moralité ; et il faut aussi que l’exemplarité ne soit pas à géométrie variable. Jusqu’à trois ans après son passage en cabinet, un conseiller doit obtenir l’accord de son ancien ministre et de la HATVP pour décrocher un job dans le privé. Dans le même temps, cette instance a récemment autorisé une haute fonctionnaire en charge de la pêche à devenir lobbyiste… pour la pêche. L'instance a également autorisé Jean Castex a dirigé la RATP, en lien direct avec Matignon."C’est kafkaïen et débile", fustige un ancien collaborateur d’Edouard Philippe. Le risque, c’est de faire fuir les profils de la société civile, de n’avoir plus que des professionnels de la politique et, éventuellement, de perdre en compétences. Un conseiller à l’Élysée résume : "Cette Autorité voit des conflits d’intérêts partout. On n’arrive plus à recruter."

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