Cet article date de plus de deux ans.

Pourquoi Emmanuel Macron prend-il autant de temps à former son nouveau gouvernement ?

Plus de deux semaines après sa réélection, le président de la République n'a toujours pas dévoilé la composition du prochain exécutif, alimentant les rumeurs sur sa stratégie politique. 

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Emmanuel Macron lors des commémorations du 8-Mai 1945 à Paris.  (FRANCOIS PAULETTO / HANS LUCAS / AFP)

Emmanuel Macron "ne rame pas, il prend son temps", a défendu, lundi 9 mai sur franceinfo, Christophe Castaner, le patron des députés LREM à l'Assemblée nationale. Plus de deux semaines après la réélection du président de la République et trois jours après son investiture, il n'y a toujours pas l'ombre d'un remaniement à l'horizon, même si Emmanuel Macron assure désormais avoir trouvé son Premier ministre.

Une incertitude qui devrait durer encore plusieurs jours puisque le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a assuré que "le gouvernement Castex ira[it] au bout du premier quinquennat d'Emmanuel Macron qui s'achève le 13 mai à minuit". Cette stratégie interroge : est-elle mûrement réfléchie ou imposée ? En d'autres termes, le chef de l'Etat est-il toujours "le maître des horloges" ou bien doit-il composer avec des paramètres impossibles et des refus de personnalités ? Pour y voir plus clair, franceinfo se penche sur les raisons qui expliquent ces tergiversations. 

Parce qu'il a longtemps cherché la perle rare pour Matignon 

Le profil du futur locataire de Matignon esquissé par Emmanuel Macron tout au long de sa campagne et après sa réélection a tout d'une équation impossible. "Il s'agit de trouver l'oiseau rare qui incarne la compétence mais qui soit aussi un poids lourd pour faire tourner la machine du gouvernement", commente le politologue Bruno Cautrès. Un poids lourd dont beaucoup aimeraient qu'il soit une femme. En 2017, le candidat Macron avait émis le souhait de nommer une Première ministre. Un vœu pieux puisque deux hommes – Edouard Philippe et Jean Castex – se sont succédé au poste de chef de gouvernement. Cinq ans plus tard, la rumeur selon laquelle une femme pourrait être nommée à Matignon revient avec insistance. 

Dans l'entre-deux-tours, Emmanuel Macron a aussi promis de nommer un Premier ministre "directement chargé de la planification écologique". En visite à Cergy (Val-d'Oise), trois jours après sa réélection, il a annoncé qu'il nommerait "quelqu'un qui est attaché à la question sociale, à la question environnementale et à la question productive".

Le nouveau chef de gouvernement doit aussi être un habile politique car il conduira la bataille des législatives. Bref, le nom qui réunit tous ces critères est pour le moment loin de sauter aux yeux. "Le profil a tout du mouton à cinq pattes en effet", s'amuse un conseiller ministériel. "Son équation est très difficile et ça l'emmerde", commente un proche auprès de l'AFP.

Et pourtant, Emmanuel Macron a, semble-t-il, trouvé cette perle rare. En visite officielle à Berlin (Allemagne), lundi soir, il a assuré qu'il connaissait "bien entendu" le nom du prochain Premier ministre, mais a refusé d'en dévoiler l'identité. "Mais ce n'est pas ici que je vais le dire, ni maintenant", a-t-il répondu lors d'une conférence de presse commune avec le chancelier allemand Olaf Scholz. "On a le droit d'avoir de la suite dans les idées mais de faire les choses dans le bon ordre", a-t-il tenu à ajouter.

Parce qu'il a déjà essuyé des refus et qu'il doit veiller à l'équilibre politique

Visiblement, l'adage selon lequel "Matignon ne se refuse pas" a pris du plomb dans l'aile en 2022. L'image d'Emmanuel Macron est ainsi écornée par les refus essuyés pour le poste de Premier ministre de la directrice générale du groupe immobilier Nexity, Valérie Bédague, ou encore de la députée socialiste Valérie Rabault. Cette dernière a laissé entendre à BFMTV qu'elle avait décliné la proposition, expliquant qu'elle préférait rester fidèle à ses convictions et que "la retraite à 65 ans n'est pas nécessaire". A l'Elysée, on assure cependant que "le président n'a proposé le poste de Premier ministre à personne". Un mot d'ordre repris par les macronistes. "Certaines personnes qui ont dit avoir décliné le poste n'ont en réalité jamais été approchées par le président de la République ou le secrétaire général de l'Elysée", soutient un conseiller ministériel à franceinfo. 

Emmanuel Macron croit toujours au dépassement du clivage gauche-droite. Le chef de l'Etat voudra respecter dans l'annonce de son futur gouvernement l'équilibre entre les ministres venus de la droite et ceux venus de la gauche. "Il va vouloir faire monter des personnalités issues du centre-gauche ou du centre-droit, il va y avoir des personnalités nouvelles, des élus locaux, assure Bruno Cautrès. Le casting du gouvernement prend du temps car il faut composer avec le 'en même temps'". 

Parce qu'il veut donner le coup d'envoi des élections législatives

Si Emmanuel Macron prend son temps, c'est aussi parce qu'il y a une autre échéance électorale fondamentale : les élections législatives des 12 et 19 juin. Or, d'après un ministre à franceinfo, le chef de l'Etat veut maîtriser le rythme de la campagne en donnant, avec l'annonce du nouveau gouvernement, le véritable coup d'envoi de ces élections. Selon un ministre à l'AFP, Emmanuel Macron "veut une campagne courte" pour les législatives, "peut-être pour profiter de l'effet de surprise" des nominations.

Emmanuel Macron mise ainsi sur "l'effet 'wahou' du nouveau gouvernement, pour ne pas laisser les gens s'habituer", confirme un autre poids lourd du gouvernement à l'AFP. Surtout, réduire l'intervalle entre les nominations et les scrutins permet de "ne pas laisser le temps aux nouveaux de dire des conneries", ajoute-t-il. Et celui-ci d'invoquer "la jurisprudence TVA sociale", taxe imprudemment évoquée par Jean-Louis Borloo au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007 et qui coûta de nombreux sièges aux législatives à la droite.

Mais cet effet "wahou" souhaité par les macronistes se produira-t-il seulement ? "En se laissant du temps, Emmanuel Macron a laissé le champ libre à Mélenchon et à la gauche qui s'est remobilisée et a donné une direction, observe Bruno Cautrès. Les élections législatives, qui habituellement sont la confirmation de la présidentielle, deviennent une vraie élection politique." En définitive, résume le politologue, "le 'maître des horloges' va-t-il se faire voler la vedette ou va-t-il reprendre le leadership avec l'annonce du gouvernement ?"

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.