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Mer, Mémoire, Autonomie... A quoi vont servir ces nouveaux ministères ?

En attendant la nomination des secrétaires d'Etat, le remaniement a déjà fait apparaître de nouveaux portefeuilles ministériels dont l'intitulé ne laisse pas deviner de prime abord le champ des compétences.

Article rédigé par franceinfo
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La ministre de la Mer Annick Girardin lors de son arrivée au Conseil des ministres, mardi 7 juillet 2020 à l'Elysée. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS)

Au-delà de la nomination de femmes et d'hommes, les remaniements sont également l'occasion d'adapter le périmètre des ministères aux réflexions et aux chantiers du moment. Créations de nouveaux ministère, nouvel intitulé... Le gouvernement de Jean Castex ne fait pas exception à la règle, dessinant de futurs chantiers pour l'exécutif. Les missions des uns et des autres doivent encore figurer au Journal officiel pour être officialisées. En attendant, voici quelques pistes explicatives sur ces portefeuilles ministériels aux contours flous.

Le ministère de la Mer

En 2017, Alain Vidalies avait bien été en charge d'un secrétariat d'Etat chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche. Mais cela faisait près de 30 ans, depuis Jacques Mellick (de 1988 à 1991), qu'il n'y avait plus eu de ministre de la Mer de plein exercice. Députée radicale de gauche de Saint-Pierre-et-Miquelon, l'ancienne ministre des Outre-Mer Annick Girardin sera en charge de la politique maritime de la France.

Mais aura-t-elle toute latitude dans son action ? Un premier écueil apparaît, puisqu'elle devra régulièrement travailler sur des questions interministérielles avec ses collègues de l'Agriculture, des Affaires étrangères, de l'Economie et surtout de la Transition écologique, qui gérait jusqu'ici ces dossiers. Même si la renaissance de ce portefeuille marque de nouvelles ambitions pour l'espace maritime français, il faut donc encore attendre la parution du décret pour connaître les prérogatives exactes du poste et le découpage de ses missions, comme le fait remarquer Louis Pensec, ancien ministre de la Mer de Pierre Mauroy, à France 3 Bretagne.

La ministre de la Mer Annick Girardin lors du premier conseil des ministres du gouvernement de Jean Castex, mardi 7 juillet 2020 à l'Elysée. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Annick Girardin devra également composer avec le secrétariat général de la mer, un service du Premier ministre créé en 1995, qui est "associé à l'élaboration des politiques publiques concernant la mer et le littoral" et "veille à ce que les décisions du gouvernement soient conçues et mises en œuvre en étroite concertation avec l'ensemble des professionnels concernés". Le nouveau ministère sera d'ailleurs installé juste à ses côtés, rapportent Les Echos, au 20 rue de Ségur à Paris.

Au rang des éventuels dossiers qu'elle aura à traiter, Annick Girardin devrait notamment se pencher sur les conséquences du Brexit dans la fermeture éventuelle des eaux territoriales britanniques aux pêcheurs français. On ignore encore si ce secteur sera bien rattaché à ce ministère, mais ce dernier pourrait permettre aux professionnels français d'être mieux défendus dans les négociations. On peut également penser aux énergies renouvelables (offshore), au tourisme, aux transports, à l'industrie navale... Autant de domaines mentionnés dans un communiqué du nouveau ministère, mais qui doivent encore être traduits dans les textes officiels.

Ce ministère répond enfin à une ambition d'Emmanuel Macron, qui réclamait mi-juin "l'accélération de notre stratégie maritime, nous qui sommes la deuxième puissance océanique mondiale". Après une première extension de 580 000 km2 en 2015, la France vient en effet d'obtenir un nouvel agrandissement de son plateau continental sous-marin de 151 323 km2 au large de La Réunion et au large des terres australes et antarctiques françaises. Ce qui va accroître "les droits de la France sur l'exploration et l'exploitation des ressources du sol et du sous-sol marins", précise ainsi le programme dédié Extraplac, piloté par le secrétariat général de la mer. La France a par ailleurs déposé des dossiers auprès de l'ONU pour 500 000 km2 supplémentaires.

Le ministère de l'Autonomie

Les secrétaires d'Etat doivent être nommés la semaine prochaine mais en attendant, le mystère demeure sur le poste de ministre déléguée à l'Autonomie confié à Brigitte Bourguignon et rattaché au ministère de la Santé. "Merci à Emmanuel Macron et Jean Castex de me confier la mission de mener le chantier historique pour l'Autonomie avec la création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale", a commenté la nouvelle membre du gouvernement.

La ministre déléguée à l'Autonomie Brigitte Bourguignon aura notamment pour mission de mener le projet de cinquième branche de la Sécurité sociale. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Le principe de la création d'une "cinquième branche" de la Sécurité sociale qui serait justement dédiée au risque de perte d'autonomie a été acté dans un projet de loi, en cours d'examen au Parlement. Une concertation sur le sujet doit réunir durant les prochaines semaines les acteurs du secteur du grand âge et du handicap, les partenaires sociaux et les collectivités territoriales, en vue de conclusions mi-septembre.

Reste à savoir si ce ministère englobera les questions liées au handicap, gérées par la secrétaire d'Etat Sophie Cluzel avant le remaniement. Ces inquiétudes sont notamment relayées par Michaël Couybes, rédacteur en chef de la revue Etre Handicap Information.

Le ministère de la Citoyenneté

"Je ne m'ennuie pas mais comme beaucoup on a toujours envie de faire plus", expliquait Marlène Schiappa sur franceinfo, début juillet. L'ancienne secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes est devenue ministre déléguée à la Citoyenneté. "Quand j'avais 17 ans mon ambition était de devenir gendarme pour protéger la veuve et l'orphelin au nom de la République, a-t-elle raconté sur Twitter. Je ne savais pas que cela m'amènerait à devenir ministre déléguée Place Beauvau."

La ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa lors du premier conseil des ministres du gouvernement de Jean Castex, mardi 7 juillet 2020 à l'Elysée. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS)

Sur le papier, cela ressemble à une promotion, mais encore faut-il savoir ce que recouvre sa nouvelle mission. Le périmètre exact de ce ministère, comme pour les autres, est toujours en cours d'élaboration et devrait être connu en fin de semaine. Elle devrait garder un œil sur les questions d'égalité mais se pencher davantage sur les questions de laïcité, un thème auquel elle avait consacré un ouvrage en 2018 : Laïcité, point ! (éd. de l'Aube). "Je suis la première à être passionnée par ce sujet, parce que je pense que c'est un sujet majeur", expliquait-elle à l'époque de la sortie du livre sur Europe 1.

Le cadre général de son action, d'ailleurs, semble déjà avoir été dessiné par le nouveau ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, auprès de qui la ministre déléguée va désormais travailler. "La République est un bloc et la laïcité en est son ciment indispensable", a déclaré le successeur de Christophe Castaner. "Jamais la foi ne doit être au-dessus de la loi, a-t-il ajouté. Nous devons être intraitables avec ce que le président de la République a qualifié de séparatisme. Nous devons combattre de toutes nos forces l'islamisme politique qui attaque la République."

Le ministère de la Mémoire

Ex-secrétaire d'Etat auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq reste dans le giron en obtenant le poste de ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants. Cet intitulé ajoute une dimension politique particulière à sa mission, alors que les questions mémorielles reviennent au cœur de l'actualité en France et en Europe. Le thème est également cher à Emmanuel Macron, qui avait parcouru onze départements en 2018 dans le cadre de ce qu'il nommait alors une "itinérance mémorielle".

Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants, le 7 juin 2020 à l'Elysée. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Début juillet, déjà, elle avait dévoilé un livret intitulé "Aux combattants d'Afrique, la patrie reconnaissante", destiné à tous les maires de France, afin de les inciter à rebaptiser des rues ou des places pour honorer les soldats d'Afrique qui ont combattu pour libérer la France pendant la Seconde Guerre mondiale. A l'heure actuelle, seules "quelques dizaines" de rues en France portent le nom de combattants africains, ce qui est "trop peu", regrettait-elle alors sur France Inter, en considérant les espaces publics comme "de véritables possibilités de pédagogie".

Pour l'heure, on ne sait pas encore si cette mission sur la mémoire dépassera le cadre militaire pour englober l'histoire du colonialisme ou de l'esclavage. Interrogée sur le débat autour des statues de personnalités controversées, Geneviève Darrieussecq avait répondu qu'il ne fallait "pas déboulonner" mais "construire". Elle estimait qu'il "faut enrichir les choses et expliquer, faire une véritable pédagogie urbaine, faire en sorte que dans nos rues et nos espaces publics, on puisse raconter l'histoire". Et la ministre de conclure : "On peut la juger quelquefois détestable, mais on ne refait pas l'histoire."

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