"Nous avons vécu l’enfer" : un an après leur arrivée en France, des femmes yézidies et leurs enfants réapprennent à vivre
Il y a un an, les premières femmes yézidies et leurs enfants étaient accueillis en France. Persécutées par le groupe État islamique en Irak en raison de leur religion, certaines sont aujourd'hui hébergées dans les Hauts-de-Seine, afin de se reconstruire.
Grâce aux cours de français qu’elles suivent toute la journée à Châtillon, près de Paris, Haifaa et Amsha ont fait beaucoup de progrès. Il y a un an, le 20 décembre 2018, ces deux femmes yézidies ont atterri sur le sol français, accompagnées de leurs enfants, et ont été prises en charge par le Centre d'action sociale et protestant (CASP).
Une promesse faite par Emmanuel Macron dans le cadre d’un programme d’accueil des réfugiés. Le président s'était engagé auprès de Nadia Murad, prix Nobel de la paix 2018 et elle-même ancienne victime du groupe terroriste, à mettre en place une "opération exceptionnelle d'accueil" bénéficiant à 100 familles yézidies.
Quarante femmes hébergées en région parisienne
Aujourd'hui, quarante d'entre elles sont hébergées dans les Hauts-de-Seine grâce au CASP. Depuis leur arrivée, elles réapprennent à vivre. "Nous avons vécu l’enfer", raconte Amsha. "L’accueil s’est très bien passé et aujourd’hui tout ce qu’on veut c’est apprendre, mais c’est très difficile avec les enfants", reconnaît-elle.
Tout ce qu’on voulait, c’était partir d’Irak. Notre arrivée en France nous a soulagé.
Amshaà franceinfo
Vivant dans les coins reculés des montagnes du Kurdistan irakien, dans le nord du pays, les Yézidis sont une minorité kurdophone adepte d'une religion ésotérique monothéiste. En août 2014, leur sort a basculé lorsque le groupe État islamique s'est emparé d'un tiers de l'Irak, notamment du foyer historique des Yézidis sur les monts Sinjar. Les jihadistes ont tué des hommes, transformé en enfants-soldats les plus jeunes et condamné des milliers de femmes aux travaux forcés et à l'esclavagisme sexuel.
Un traumatisme qui ne s'effacera jamais
Haifaa, 32 ans, a cinq enfants, alors qu'Hamsha, à 27 ans, en a six. Toutes deux veuves, elles s’en occupent seules. Encore aujourd'hui, certaines images hantent leurs esprits : l’arrivée des hommes de l'État islamique en pleine nuit dans leur village, la fuite dans la montagne, la vie dans un camp au kurdistan irakien sans eau ni électricité... Les premiers mois en France ont été difficiles pour Haifaa. "Je m’énervais très vite et parfois je m’évanouissais d’un coup", raconte-t-elle. "Je me faisais peur et j’avais même peur de m’en prendre à mes enfants mais depuis que je suis un traitement, ça va mieux", ajoute-t-elle.
Mais le traumatisme ne s'effacera jamais explique Amsha : "C’est quelque chose qu’on ne pourra jamais oublier. Aujourd’hui nous allons mieux, nous sommes heureux en France, mais ce qui nous inquiète, ce sont les Yézidis restés là-bas". Pour toutes les deux, leur communauté n’a plus aucun espoir. "C’est terminé pour les Yézidis en Irak", regrette Amsha.
La situation des familles ne s’améliorera jamais. Nous n’y retournerons jamais.
Amshaà franceinfo
Pour Haifaa, "Il n’y a aucun avenir pour nous là-bas". Aujourd'hui, toutes souhaitent rester en France. "Là-bas, mes enfants n’allaient pas à l’école. Ici ils sont scolarisés, ils sont biens, des gens s’en occupent. Nous n’avons aucun espoir en Irak", raconte-t-elle.
Leur souhait : que leurs familles les rejoignent
Une nouvelle vie se reconstruit, rythmée par les cours de français et la route vers l'école pour aller chercher les enfants. Mais ce qui leur manque le plus c’est la vie en communauté. Elles ne seront apaisées, disent-elles, que si leurs familles les rejoignent ici. "Notre but aujourd’hui en France c’est d’apprendre pour pouvoir travailler plus tard", affirme Amsha.
On nous aide vraiment ici mais on demande encore de l’aide à la France : que l’État rapatrie nos proches restés en Irak. Ils sont malades, n’ont pas d’argent, et vivent dans des camps.
Amshaà franceinfo
Ce n'est pas leur cas mais certaines femmes yézidies ont émis le souhait de repartir en Irak pour identifier les corps de leurs proches disparus, notamment dans le nord du pays, où des charniers de l’État islamique ont été découverts. "Que Dieu leur fasse subir ce qu’ils nous ont fait", dénonce Amsha. Pour Haifaa, "tant que nous serons en vie, nous continuerons à pratiquer notre religion et notre culture. Nous n’abandonnerons jamais". Aujourd'hui elles rêvent d'un avenir : l'une en tant que policière, l'autre médecin.
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