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Document franceinfo "J'ai vu beaucoup de morts, des gens massacrés" : Kinan, 10 ans, a passé la moitié de sa vie comme esclave de Daech

Kinan, 10 ans, est libre depuis une semaine. Il a passé cinq années comme esclave d'un jihadiste du groupe État islamique en Syrie.

Article rédigé par Matthieu Mondoloni - Eric Audra
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Kinan, 10 ans, vient d'être libéré après avoir passé cinq ans comme esclave de Daech. (MATTHIEU MONDOLONI/RADIOFRANCE)

Il s’appelle Kinan, il a 10 ans. Il a été libéré il y a une semaine, après cinq années passées à servir un jihadiste syrien du nom de Abou Saad. Dans les cohortes de civils évacués de la région de Baghouz en Syrie, où le "califat" de l’Etat islamique vit ses derniers jours, se trouvent beaucoup d’enfants. Des enfants de jihadistes, mais aussi des esclaves de l’Etat islamique, comme Kinan, qui a accepté de raconter son histoire à nos envoyés spéciaux.

Kinan, esclave de Daech - Reportage de Matthieu Mondoloni

L'histoire de Kinan commence en 2014 quand il est fait prisonnier par Daech. Les jihadistes viennent de prendre, en quelques heures seulement, la ville yézidie de Sinjar, dans le nord-ouest de l’Irak. Avec lui, son père, sa mère, son frère et ses soeurs sont faits prisonnier. Kinan n’oubliera jamais ce qu’il a vu : "Beaucoup de morts, des gens massacrés par les combattants de l’Etat islamique, ils nous frappaient beaucoup." Le garçon marque une pause. Puis il lâche : "Ils ont exécuté mon père, sans raison."

Ils ont exécuté mon père, vendu ma sœur et ma mère est morte

Kinan, esclave de Daech

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Kinan a les yeux dans le vide. On entend des enfants jouer dehors. Le petit garçon raconte qu’ils étaient enfermés dans une école. Sa grande soeur est vendue. Eux sont achetés par Abou Saad qui les emmène dans la région de Baghouz en Syrie dans le "califat" de l’Etat islamique. C'est là que sa mère est morte. Il ne dit pas comment, ni quand. Mais c’est à partir de ce moment que "les coups se font plus violents", explique le jeune garçon. "Abou Saad me frappait encore plus. Je ne savais pas pourquoi", dit-il.

Pendant cinq ans, Kinan est l’esclave de la famille. C’est lui qui doit faire les courses, "alors que les enfants du jihadiste sont dorlotés", explique t-il. Puis Kinan devient Ahmed, il est rebaptisé par le jihadiste et n’a pas le droit de parler kurde. Aujourd’hui, il a tout oublié de sa langue maternelle. Il ne parle que l’arabe.

Il veut devenir policier pour attraper les méchants

Kinan réajuste sa cravate et sa veste de costume. Il explique vouloir être beau pour ses premiers jours en liberté. Un costume trop grand et un garçon trop petit pour connaître la guerre. Quand la région de Baghouz est assiégée par les Forces démocratiques syriennes, le jihadiste Abou Saad décide de fuir pour Idlib, la dernière poche de l’Etat islamique après Baghouz. "C’est là que mon oncle m’a retrouvé. Il a payé 30 000 dollars à Abou Saad pour me récupérer", raconte-t-il. Cinq jours de route plus tard, il est au Kurdistan irakien. La liberté, enfin. Kinan veut grandir. Il dit qu’il veut devenir policier "pour attraper les méchants".

Le téléphone de son oncle sonne. Il reçoit un message, une vidéo dans laquelle on voit un autre petit garçon, de 9 ans cette fois. Il porte l’uniforme noir de l’Etat islamique. Il dit s’appeler Abdul Haman, qu’avant il s’appelait Walid. Il explique que son père a été tué par les jihadistes de Daech et sa mère par une frappe aérienne. Il vient de fuir le califat, il est désormais en sécurité. Il est libre.

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