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Guerre en Ukraine : combats, diplomatie, économie... Où en est le conflit, six mois après le début de l'invasion russe ?

Franceinfo fait le point sur les affrontements en Ukraine, leurs conséquences économiques et les négociations diplomatiques, six mois après le début de l'invasion lancée par Vladimir Poutine.

Article rédigé par Luc Chagnon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Des soldats ukrainiens dans la région de Donetsk (Ukraine), le 18 août 2022.  (ANATOLII STEPANOV / AFP)

Le 24 février éclatait la plus grande crise militaire et humanitaire connue par le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Six mois après, le conflit et ses conséquences continuent de se répercuter dans le monde entier, et l'espoir d'une résolution rapide se fait de plus en plus lointain.

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Où en sont les affrontements sur le terrain ? Les discussions entre les belligérants ? Les conséquences économiques du conflit pour Kiev, Moscou et le reste du monde ? Franceinfo fait le point.

Sur le plan militaire

Loin de la guerre éclair russe des premiers jours, le front s'est enlisé. Le Pentagone insiste sur le "manque total de progrès des Russes sur le champ de bataille" ces dernières semaines. Aujourd'hui, c'est dans le sud que les principaux affrontements se déroulent : la ligne de front s'étend sur "environ 350 km vers le sud-ouest, depuis les environs de Zaporijjia jusqu'à Kherson, le long du fleuve Dniepr", expliquait le renseignement britannique* le 6 août.

Les autorités ukrainiennes laissaient entendre qu'une contre-offensive était en préparation pour reprendre la région de Kherson, mais la Russie a renforcé ses troupes dans les environs. Kiev a adopté depuis une autre stratégie. "Les forces ukrainiennes frappent les ponts sur le Dniepr, sur lesquels les troupes russes comptent pour leur approvisionnement logistique", raconte à franceinfo Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique. Une stratégie qui semble faire ses preuves : le commandement russe dans la région a dû quitter la ville de Kherson pour se retirer plus à l'est, selon les autorités ukrainiennes citées par le média indépendant russe Meduza*.

Kiev applique une stratégie similaire dans la péninsule de Crimée, que Moscou contrôle depuis 2014. Plusieurs explosions y ont récemment détruit des entrepôts d'armes et des voies ferrées, comme le 9 août à Saki. Les autorités russes ont d'abord affirmé qu'il s'agissait d'accidents, avant d'admettre un cas de "sabotage" lors de l'explosion d'un dépôt de munitions à Djankoi, le 16 août. Kiev n'a pas revendiqué officiellement ces destructions. Des drones sont aussi régulièrement envoyés sur la péninsule, comme ceux qui ont frappé le quartier général de la flotte russe en mer Noire le 1er et le 20 août.

"Les attaques sur la Crimée ont un impact d'autant plus fort que l'on pensait la péninsule 'sanctuarisée' du fait du contrôle russe depuis l'annexion."

Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique

à franceinfo

Un peu plus au nord, dans la région de Zaporijjia, c'est la centrale nucléaire d'Energodar (contrôlée par la Russie) qui concentre les inquiétudes. Kiev et Moscou s'accusent mutuellement de bombarder les environs de la centrale depuis plusieurs semaines. De nombreux dirigeants internationaux s'alarment du risque de catastrophe nucléaire et affirment que la Russie tente de connecter la centrale à son propre réseau électrique. Vladimir Poutine a accepté l'idée d'une inspection de la centrale par des agents de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et des Nations unies, mais les détails de cette visite n'ont pas encore été fixés.

Sur le plan diplomatique

Si la situation semble verrouillée sur le plan militaire, elle l'est encore plus d'un point de vue diplomatique. Ni Kiev ni Moscou ne paraissent prêts à entamer des négociations.

"Chacune des parties estime qu'elle peut gagner d'une part, que les termes de la négociation seront fixés par la situation sur le terrain d'autre part."

Isabelle Facon, directrice adjointe de la Fondation pour la recherche stratégique

à franceinfo

La Russie "ne voit aucune possibilité pour des contacts diplomatiques" et assure se préparer à un long conflit, selon l'ambassadeur de Moscou à l'ONU cité par le Financial Times*. Le président ukrainien a réclamé le départ des troupes russes avant toute négociation, et a affirmé que si les autorités séparatistes de Donetsk organisaient bien un "procès" contre les soldats ukrainiens faits prisonniers à Marioupol, ce serait une "ligne au-delà de laquelle toute négociation est impossible", rapporte Meduza*.

La situation était différente en mars. "Le président ukrainien avait lui-même évoqué la possibilité d'accepter un statut de neutralité ; la sécurité du pays aurait alors été garantie par plusieurs Etats", rappelle Isabelle Facon. Mais les discussions entre les délégations ont été rompues en juin, chaque camp accusant l'autre d'entraver le processus. L'accord permettant la reprise des exportations de céréales ukrainiennes par la mer a pu représenter un espoir d'entente, mais les deux pays insistent sur le fait qu'ils n'ont pas signé le même document, chacun ayant en fait négocié séparément avec la Turquie et l'ONU. "Aujourd'hui, les chances que ces négociations avancent semblent bien faibles", selon la chercheuse.

Sur le plan économique

La Russie sur une pente glissante. Moscou déjoue pour le moment les pronostics les plus pessimistes. Selon les chiffres préliminaires de Rosstat*, le PIB russe aurait baissé de 4% entre le deuxième trimestre 2021 et 2022. La Bank of Russia* ne prévoit plus qu'une récession de 4 à 6% sur l'année, un recul conséquent, mais loin des 8 à 10% envisagés par la banque centrale en avril. Le FMI a, lui aussi, tempéré ses craintes, et anticipe depuis juillet* un recul annuel du PIB de 6%, contre 8,5% en avril. L'inflation devrait atteindre 12 à 15% sur l'année selon la Bank of Russia*, une hausse là encore inférieure aux précédentes prévisions.

Mais les sanctions occidentales sont conçues pour peser à long terme. Une étude* de l'université de Yale, publiée le 20 juillet, affirme que "les fuites d'entreprises et les sanctions paralysent l'économie russe de manière catastrophique". La Russie ne peut plus importer de nombreux produits et composants, notamment technologiques, ce qui entraîne "la disparition progressive de la capacité d'innovation domestique et de production russe". Son exclusion des grands marchés financiers internationaux n'arrange rien. La réduction progressive des achats de pétrole et de gaz russe par l'Union européenne va encore aggraver les pertes de Moscou. Le FMI a aggravé ses prévisions pour 2023*, avec une chute du PIB russe de 3,5% sur l'année.

L'Ukraine au bord du gouffre. La situation de l'Ukraine est bien plus dramatique. L'inflation atteint 22% sur les 12 derniers mois selon la banque centrale ukrainienne*, le PIB ukrainien a déjà fondu de 15,1% entre le 1er trimestre 2021 et 2022, et il pourrait s'effondrer de 35 à 40% sur l'année 2022, a averti la ministre de l'Economie* le 19 août.

Contrairement à Moscou, Kiev n'a pas d'hydrocarbures pour compenser ses pertes : elle exporte principalement des céréales (que Moscou empêchait de faire passer par la mer jusqu'en juin) et des produits métallurgiques (dont Moscou a détruit les principales usines à Marioupol). La banque centrale ukrainienne doit faire tourner la planche à billets pour financer le déficit budgétaire massif lié à la guerre et a déjà brûlé plus du quart de ses réserves de devises étrangères* depuis février.

Kiev a obtenu de l'aide : ses créanciers lui ont accordé une pause dans le remboursement de ses obligations internationales jusqu'en 2024*. Elle s'est aussi vue promettre environ 32 milliards d'euros d'aide budgétaire de la part de 41 donateurs internationaux, selon le Kiel Institute for the World Economy* au 3 août. Mais seuls 12 milliards avaient effectivement été versés à cette date, alors que la seule reconstruction des infrastructures détruites pourrait coûter près de 200 milliards de dollars, selon la Kyiv School of Economics*.

Sur le plan des matières premières

Les marchés des hydrocarbures connaissent des évolutions contrastées. Le prix du pétrole a baissé de 24% depuis son pic de mars : le prix du baril de Brent se situait à 96,48 dollars le 22 août* – toujours 22% au-dessus de son niveau du 3 janvier. Mais les spécialistes expliquent cette réduction récente par la baisse de la demande globale en pétrole et par la peur d'une récession.

La hausse du prix du gaz n'a en revanche presque pas connu de pause : le prix du contrat à terme du TTF néerlandais a atteint un nouveau record, à 257,40 euros le mégawatt/heure, en clôture de séance le 19 août. L'annonce d'une nouvelle fermeture temporaire du gazoduc Nord Stream prévue pour le 31 août a relancé les craintes des marchés, déjà inquiets des risques de pénuries de gaz en Europe pour l'hiver à venir.

Les prix des céréales ont de leur côté commencé à baisser, avec la reprise progressive des exportations ukrainiennes. L'indice des prix alimentaires de la FAO a baissé de près de 9% en juillet, mais il se situe toujours à 13,1% au-dessus de son niveau de juillet 2021. Près de 690 000 tonnes de céréales ont quitté l'Ukraine au 21 août, d'après l'ONU*, mais cela représente tout juste 11% de ce que le pays exportait chaque mois avant la guerre, selon Reuters*.

* Tous les liens suivis d'un astérisque mènent vers des liens en anglais.

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