"Méga-bassines" : quatre questions sur le "Convoi de l'eau", organisé cinq mois après les affrontements de Sainte-Soline
Une semaine de manifestation itinérante, alliant vélos et tracteurs, pour un parcours de près de 300 kilomètres à travers cinq départements. Le "Convoi de l'eau" s'élance, vendredi 18 août, de Lezay (Deux-Sèvres), pour rejoindre Orléans (Loiret) une semaine plus tard. Un point de départ qui ne doit rien au hasard, le village étant situé à cinq kilomètres de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), où de violents affrontements ont eu lieu en mars.
Alors que le chantier de Sainte-Soline doit reprendre en septembre, les organisateurs de ce "Convoi de l'eau" réclament un moratoire sur les projets de "méga-bassines", et souhaitent plus largement alerter sur la ressource en eau dans un contexte de sécheresse et de canicule.
Avec ses 700 cyclistes et entre 20 à 30 tracteurs inscrits, le cortège se veut festif et pacifique. Toutefois, pour le collectif Confédération paysanne, co-organisateur de l'événement, "l'arrêt immédiat et total du financement des 'méga-bassines' est la seule solution pour mettre fin aux violences" entourant ces projets "et permettre la réouverture du dialogue". Voici ce qu'il faut savoir sur cette mobilisation écologiste.
1Qui organise ce convoi ?
L'événement est organisé par le collectif Bassines Non Merci ! et le syndicat agricole Confédération paysanne. Ces organisations revendiquent le soutien d'une cinquantaine d'associations, syndicats et collectifs écologistes comme les Soulèvements de la Terre, dont la dissolution a été suspendue par le Conseil d'Etat. L'association avait été pointée du doigt par l'exécutif pour ses actions, notamment contre la "méga-bassine" de Sainte-Soline. La journée de manifestation du 25 mars avait dégénéré en violences, avec de nombreux blessés.
Au programme du "Convoi de l'eau", débats et concerts sous un barnum, et bivouac tous les soirs. Une équipe de près de 100 bénévoles sera à l'œuvre chaque jour. "C'est vraiment une manifestation qui rassemble tous les collectifs locaux de toutes les régions qu'on va traverser", détaille Adeline, porte-parole de Bassines Non Merci !, qui n'a pas souhaité communiquer son nom de famille.
"Depuis cinq-six ans, il y a une opposition des citoyens du marais poitevin, des agriculteurs et des paysans qui n'est toujours pas entendue", dénonce l'activiste. Cet événement s'inspire de grandes mobilisations telles que les convois de tracteurs du Larzac dans les années 1970, et du convoi tracto-vélo de Notre-Dame-des-Landes à Palaiseau, organisé en 2015 par des militants qui souhaitaient dénoncer la "mascarade" de la COP21.
2Quelles sont les revendications ?
Comme pour la manifestation de Sainte-Soline, l'objectif du convoi est de dénoncer les "méga-bassines", ces réserves d'eau prélevées sur les nappes phréatiques et destinées à l'agriculture. Les organisateurs réclament un moratoire sur tous les projets et chantiers en cours, explique Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. "On ne réclame pas l'arrêt de l'irrigation. Je suis moi-même paysanne", tempère l'éleveuse de lamas ariégeoise auprès de franceinfo. "Il s'agit de préserver l'eau et de la partager".
Pour Adeline, de Bassines Non Merci !, l'objectif est aussi de dénoncer "les illogismes sur l'environnement (…) et une gestion de l'eau qui n'est pas transparente". Les collectifs organisateurs se disent, en effet, insatisfaits du plan eau présenté par Emmanuel Macron le 30 mars afin d'économiser cette ressource. "Ce n'est sûrement pas une gestion de l'eau à la hauteur de ce qu'exige la situation", déplore Laurence Marandola, accusant les autorités de ne respecter ni la directive-cadre européenne de 2000, ni la loi française.
3Quel est le tracé du convoi ?
Le "méga-tracto-vélo" s'élance vendredi à midi de Lezay et doit rejoindre Orléans le 25 août, avec des étapes quotidiennes de 50 à 60 km. Chaque morceau du trajet est l'occasion de dénoncer un projet néfaste à l'environnement : à Lezay, c'est un projet de méthaniseur dans une zone protégée qui est par exemple décrié. Comme l'indique le tracé disponible sur le site du collectif Bassines Non Merci !, le convoi passe aussi par un élevage de 1 200 taurillons à Coussay-les-Bois (Vienne) où un méthaniseur doit être installé. Ces usines de production de biogaz à partir de déchets sont accusées de provoquer nuisances et pollution.
Avec ce tracé, les organisateurs entendent aussi valoriser des initiatives comme la coopérative paysanne de Bélêtre à Dolus-le-Sec (Indre-et-Loire). Un passage est aussi prévu le 22 août à Tours, où des activistes de Dernière Rénovation doivent être jugés ce jour-là pour avoir repeint la préfecture.
L'agence régionale de l'eau Loire-Bretagne à Orléans constitue la dernière étape symbolique de la manifestation. "Les agences de l'eau sont maîtresses de la politique de l'eau du territoire. Ce sont les très gros financeurs des ouvrages sur l'eau. Ils financent les méga-bassines avec 70% de l'argent public !", déplore la porte-parole de Confédération paysanne. Les organisateurs du convoi ont sollicité un entretien avec la présidence et le bureau d'administration de l'agence.
Le point d'orgue de l'événement interviendra le week-end du 26 et 27 août. Un rassemblement sera organisé à Paris, sans tracteurs cette fois, "pour faire le bilan du 'Convoi de l'eau' et appeler le gouvernement à agir", explique Laurence Marandola.
4L'événement est-il autorisé ?
Les organisateurs ont déclaré la manifestation auprès des autorités locales, "dans les grandes lignes", assure Laurence Marandola. Toutefois, une discussion est toujours en cours avec la préfecture des Deux-Sèvres, département où le convoi doit prendre son départ et parcourir 10 kilomètres. Contacté par franceinfo, le ministère de l'Intérieur précise que les autorisations dépendaient de toutes les préfectures concernées par le parcours.
"Ce n'est pas le Tour de France, ce sont des familles qui circuleront à 15 km/h. Nous n'avons pas prévu d'emprunter les grands axes de circulation, mais des petites routes. Nous ne comprendrions pas une interdiction, car cela va être bon enfant !", promet Laurence Marandola. Autorisation ou pas, le cortège partira quand même, prévient de son côté Bassines Non merci !
La préfecture de la Vienne, département traversé par le convoi du 18 au 21 août, a déjà annoncé, dans un communiqué publié mardi 15 août (document PDF), la mise en place d'une sécurisation du parcours par des drones et des aéronefs.
Pour les organisateurs, pas question de reproduire les événements de Sainte-Soline. "Nous aimerions passer pas très loin, mais nous n'avons aucune envie ni l'intention de passer sur ce chantier", assure Laurence Marandola, qui a vécu les affrontements avec les autorités. "Par contre, nous sommes déterminés à ce que ces projets cessent par la voie de la décision politique."
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