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Guerres et violations des droits de l’Homme se poursuivent en Afrique, mais les peuples se lèvent…

Amnesty International a publié, le 8 avril 2020, son rapport annuel sur les droits humains en Afrique. Bilan : le continent "est loin d’en avoir fini avec le cycle infernal des conflits armés et de la violence".

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
La police congolaise intervient pour disperser une manifestation organisée par l'Eglise catholique contre Joseph Kabila, alors président de la RDC (21 janvier 2018). (KENNY-KATOMBE BUTUNKA / X03393)

A première vue, la situation des droits de l’Homme sur le continent n’est guère brillante... En 2019, "des conflits armés insolubles se poursuivaient et de nouvelles formes de violence commises par des acteurs non étatiques ont engendré des tueries, des actes de torture, des enlèvements, des violences sexuelles et des déplacements massifs, y compris des crimes de droit international, dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne", écrit l’ONG Amnesty International (AI) dans son rapport intitulé Les droits humains en Afrique, rétrospective 2019. Pourtant, au milieu de ce sombre tableau, apparaissent quelques (rares et timides) lueurs d’espoir ..

Les civils, premiers touchés par les violences

Comme toujours, les civils sont les premiers touchés. En RDC, les violences ont ainsi fait plus de 2 000 morts civils et entraîné le déplacement forcé d’au moins un million de personnes en 2019, rapporte Amnesty. Une centaine de groupes armés sont actifs dans l’est du pays. Cette même année, au Sahel, les violences jihadistes, souvent entremêlées à des conflits intercommunautaires, ont fait 4 000 morts (chiffre ONU) au Mali, au Niger et au Burkina Faso, rappelle franceinfo Afrique. Dans des pays comme le Cameroun, la Centrafrique, le Burkina Faso, des groupes armés s’en sont pris aux populations que les autorités n'ont pas protégées, affirme l’ONG.

En Somalie, où les habitants continuent à subir les attaques des groupes shebabs et qui est devenue "apparemment la tête de pont de la présence américaine sur le continent", le pouvoir et ses alliés étrangers ne prennent "pas de précautions suffisantes". Il semblerait ainsi que des tirs de drones américains continuent de tuer des personnes qui n’ont rien à voir avec les violences.

Au Mozambique, "les attaques, attribuées à un mystérieux groupe islamiste, se sont intensifiées depuis le début de l’année" 2020 dans la région à majorité musulmane du Cabo Delgado (nord), observe Ouest-France. "Ils nous tuent mais nous ne savons pas ce qu’ils veulent", explique un habitant cité par le quotidien français. Depuis le début des violences en 2017, quelque 700 personnes auraient été tuées dans cette région potentiellement riche en gaz mais largement oubliée par le développement économique des années 2000.

Des victimes d'un attentat à la voiture piégée, qui a fait des dizaines de morts, sont amenées à l'hôpital de Mogadiscio, capitale de la Somalie, le 28 décembre 2019. (ABDIRAZAK HUSSEIN FARAH / AFP)
Dans certains cas, comme au Mali , les violences contre les civils peuvent être l’œuvre de soi-disant "groupes d’autodéfense", apparemment créés par des communautés locales. En 2019, plusieurs centaines de personnes ont été tuées lors de massacres intercommunautaires. "Dans le centre du Mali, (ces violences) se multiplient (…) entre Peuls, traditionnellement éleveurs (...), et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement l'agriculture", rappelait franceinfo Afrique en août 2018. Les forces de sécurité maliennes sont accusées d’avoir riposté en commettant de multiples violations des droits de l’Homme, notamment des actes de torture.

Au Darfour, des milices, accusées d’être alliées au pouvoir soudanais, "se sont livrées à des homicides illégaux, des violences sexuelles, un pillage systématique et des déplacements forcés", rappelle l’ONG.

La répression exercée par les Etats

Le cycle infernal violences-répression sévit dans de nombreux Etats. En Ethiopie, l'armée est accusée d'abus dans la répression des manifestations dans la région d'Oromia (ouest et sud). Manifestations qui ont fait des dizaines de morts depuis 2019.

Dans les régions anglophones du Cameroun, des groupes séparatistes armés continuent à commettre des atrocités : homicides, mutilations, enlèvements… Ils ont également détruit plusieurs centres de santé, signale AI. L’armée a riposté par des exécutions extrajudiciaires et des incendies de logements. Des villages entiers auraient été brûlés par les forces de sécurité.

Mais les pouvoirs ne se contentent pas de sévir contre les groupes armés. Amnesty a ainsi observé "une répression généralisée de la dissidence, qui s’est notamment traduite par la dispersion dans la violence de manifestations pacifiques et par des attaques contre les médias", les militants des droits de l’Homme et des opposants politiques. Ainsi, "dans plus de 20 pays, des personnes ont été privées du droit de manifester pacifiquement (…). Dans les deux tiers des pays étudiés, les gouvernements ont fortement restreint la liberté d’expression, certains d’entre eux s’en prenant tout particulièrement aux journalistes, aux personnes tenant un blog, aux organisations de la société civile et à l’opposition politique, notamment dans un contexte électoral."

Au Zimbabwe, au moins 22 militants et opposants ont été inculpés pour leur rôle présumé dans l’organisation de manifestations contre la hausse du prix des carburants décidée en janvier 2019. Les forces de sécurité s’étaient alors livré à une violente répression. Laquelle a fait au moins 15 morts et des dizaines de blessés.

Tous les moyens sont bons. En Ouganda, les autorités ont recours à une loi sur l’utilisation abusive de l’informatique pour harceler, intimider et réprimer certains opposants. Une universitaire féministe a ainsi été emprisonnée pour cyberharcèlement après avoir critiqué le président sur Facebook. A Kampala, on est aussi très actif pour empêcher les relations entre personnes du même sexe. En octobre 2019, les autorités entendaient renforcer les mesures, déjà très répressives, contre les relations homosexuelles jugées "contre-nature". Nom du projet de loi : "Kill the gays", "Tuer les homosexuels"

Militaires zimbabwéens à Bulawayo (sud-ouest), 2e ville du pays, le 17 janvier 2019 (ZINYANGE AUNTONY / AFP)

"L’incroyable pouvoir du peuple"

Au milieu de cet océan de violences et d’intolérances, émergent ça et là quelques lumières. Au Ghana, par exemple, le Parlement a adopté une loi permettant aux habitants d’obtenir des informations auprès de toutes les institutions publiques et de certains organismes privés. Au Soudan, le gouvernement de transition a mis en place en octobre 2019 une commission chargée d’enquêter sur les violations les plus graves commises à Khartoum le 3 juin lors de la répression d’une manifestation. Laquelle avait fait 120 morts.

Au-delà, AI note que dans toute l’Afrique subsaharienne, des manifestants ont bravé les tirs et les coups pour défendre leurs droits face aux conflits et à la répression qui perdurent. "En 2019, nous avons vu l’incroyable pouvoir du peuple s’exprimer lors de manifestations de grande ampleur organisées dans toute l’Afrique subsaharienne. Du Soudan au Zimbabwe", de la RDC la Guinée, des personnes ont bravé une répression brutale pour défendre leurs droits", commente le directeur du programme Afrique de l’Est et Afrique australe à Amnesty International, Deprose Muchena.

Par ailleurs, l’attitude des autorités peut varier considérablement d’un pays voisin à l’autre. Ce qui peut laisser espérer une évolution là où des droits sont bafoués... "Etre homosexuel au Nigeria, c’est s’exposer à la peine de mort, tandis que dans le Niger voisin, les personnes de même sexe peuvent vivre en paix au regard de la loi", constate le site de France Inter. Afrique, terre de contrastes...

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