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Afrique : révélations sur "la guerre de l’ombre" des Etats-Unis

Après la mort de quatre militaires américains et quatre soldats nigériens, tués au Niger en 2017, le Pentagone avait annoncé une réduction des activités de son US Africa Command (Africom), fort de 7200 hommes. La présence militaire des Etats-Unis sur le continent n’en reste pas moins massive, révèle le site The Intercept.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Militaires américains lors de manœuvres conjointes avec des soldats sénégalais à Thiès (70 km à l'est de Dakar), le 25 juillet 2017. (SEYLLOU / AFP)

Visiblement, le continent africain est stratégique pour les intérêts des Etats-Unis face à la concurrence de la Chine (qui ne possède qu’une seule base à Djibouti) et de la Russie, explique The Intercept. Malgré les propos de Donald Trump sur les "pays de merde"… Le magazine en ligne fait ainsi des révélations en se basant sur des documents qu’il a pu consulter en vertu du Freedom of Information Act.

Washington posséderait ainsi 34 sites militaires disséminés sur tout le continent, "avec de fortes concentrations dans le nord et l’ouest comme dans la Corne" de l’Afrique. Des régions qui ont vu "de nombreuses attaques de drones et des raids discrets de commandos au cours de ces dernières années".

Dans le Maghreb


La Libye, en proie à la guerre civile, est particulièrement concernée. Ce pays accueillerait ainsi "trois avant-postes" américains. Et aurait essuyé, depuis 2011 et l’éclosion des "printemps arabes", quelque "520 attaques de drones ciblant des militants d’al Qaïda et de l’Etat islamique". Des attaques pour lesquelles un avant-poste installé en Tunisie, "possiblement la base aérienne de Sidi Ahmed" à Bizerte (nord), aurait joué un rôle important ces dernières années. "Nous y faisons voler (nos engins), ce n’est pas un secret, mais nous sommes très respectueux vis-à-vis des Tunisiens", affirmait en 2017 le responsable de l’Africacom, cité par The Intercept (dont l'article a été repris par RFI).

Toujours au Maghreb, des rumeurs ont circulé sur la présence de personnels militaires des Etats-Unis en Algérie, comme le rapportait franceinfo Afrique en mars 2018.

En Afrique de l’Ouest


Les Américains sont présents dans toutes les régions de crise du continent, où ils ont créé "un réseau tentaculaire", dixit The Intercept. Notamment en Afrique de l’Ouest. Au Niger, apparemment le pays le plus important de la région pour les USA, ils posséderaient "cinq implantations". Rien que sur le site d’Agadez (ouest), ils auraient investi "plus de 250 millions de dollars" (219 millions d’euros). Deux "positions d’urgence" ("contingency locations") seraient installées au Mali. Il y aurait aussi des sites US au Cameroun, notamment à Douala, pour combattre Boko Haram.

On trouverait d’autres installations américaines au Gabon (Libreville), au Ghana (Accra), au Tchad, au Sénégal. Le site sénégalais, en l’occurrence la base aérienne Capitaine Andalla Cissé à Dakar, aurait, de par sa position, une importance stratégique particulière.

En Afrique de l’Est


En Afrique australe, il n’y aurait "qu’une seule base" : en l’occurrence à Gaborone, capitale du Botswana. Mais maints observateurs se demandent pourquoi les Etats-Unis maintiennent une ambassade aussi importante au Swaziland, petit Etat de 1,2 million d’habitants enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, comme le rapportait franceinfo Afrique en août 2017…

A l’est du continent, la Somalie est apparemment la tête de pont de la présence américaine sur le continent. Selon The Intercept, ce pays "est la plaque-tournante en Afrique de l’Est" pour le transfert des militaires, comme des personnels fournis par les entreprises sous contrat avec le Pentagone, et l’évacuation des blessés. En mai 2018, le site Vice (cité par The Intercept) révélait que les Etats-Unis devaient y construire "au moins six nouveaux avant-postes". Ils agrandiraient notamment "une ancienne piste d’atterrissage soviétique" à Baledogle pour en faire un site pouvant accueillir quelque 800 militaires. Il s’agit "du dernier exemple de la guerre de l’ombre croissante et controversée en Afrique".

L’installation la plus importante des Etats-Unis sur le continent reste le Camp Lemonnier, une ancienne base de la Légion étrangère française, essentielle pour les opérations au Yémen et en Somalie, mais aussi contre la piraterie maritime dans la région. Selon The Intercept, le camp accueille "quelque 4000 militaires américains et alliés". Selon un responsable de l’Africom, ce serait "la principale plateforme utilisée par les forces américaines pour répondre à des situations de crises en Afrique". Un autre exemple de cette "guerre de l’ombre" menée par les Etats-Unis. Une guerre discrète mais bien réelle…

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