Ethiopie : retour sur les forces en présence dans le conflit du Tigré
Les rebelles du Tigré ont affirmé le 18 juillet avoir mené des opérations visant des forces gouvernementales dans la région Afar, ouvrant un nouveau front dans leur lutte contre les autorités éthiopiennes.
Le conflit dans la région éthiopienne du Tigré se poursuit. Les rebelles du Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), qui ont repris au gouvernement fédéral le contrôle d'une grande partie de cette région, ont annoncé le 18 juillet avoir ouvert un nouveau front dans la région Afar. En riposte, l'autorité centrale d'Addis-Abeba a procédé au déploiement de troupes fédérales, appuyées par des forces régionales, dans plusieurs zones du pays. Des centaines de personnes ont également été arrêtées et des entreprises fermées dans la capitale éthiopienne, car suspectées, selon le pouvoir central, de soutenir la rébellion au Nord. La guerre dans le Tigré a déjà fait plusieurs milliers de morts et, selon l'ONU, poussé 400 000 personnes dans la famine. Face aux violences, Washington, "qui accuse les responsables éthiopiens (et érythréens) de ne pas prendre de mesures significatives pour mettre fin aux hostilités dans la région du Tigré", a coupé son aide économique à l'Ethiopie. Voici un aperçu des principales forces en présence dans ce conflit qui ravage depuis plus de huit mois cette région du nord du pays.
L'armée fédérale éthiopienne
Les troupes fédérales sont composées de quelque 140 000 militaires qui ont notamment combattu dans des conflits contre l'Erythrée et affronté les militants islamistes shebabs en Somalie. Cette armée permanente et expérimentée est considérée comme l'une des plus grandes d'Afrique. Elle possède une force aérienne avec des avions de combat et des drones armés. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed l'a envoyée au Tigré le 4 novembre 2020 après avoir accusé le parti qui dirigeait la région, le TPLF, d'avoir orchestré des attaques contre le Commandement Nord de l'armée. Lequel comprenait plus de la moitié des hommes et des divisions mécanisées de l'armée fédérale.
Lorsque Mekele, la capitale régionale du Tigré, est tombée aux mains des troupes fédérales le 28 novembre, Abiy Ahmed a proclamé la victoire. Les forces pro-TPLF ont fui, leurs dirigeants se sont repliés dans les montagnes. Mais en juin 2021, dans un spectaculaire retournement, les rebelles ont repris Mekele et d'autres territoires.
Le TPLF, la rébellion du Tigré
En juin 2021, en entrant dans Mekele, les rebelles du TPLF ont fait défiler des milliers de soldats éthiopiens capturés. Les chefs du TPLF ont juré de récupérer "chaque centimètre carré" de leur territoire d'avant-guerre. Le TPLF, ancien puissant parti au pouvoir dans la région dissidente du Tigré, est classé "organisation terroriste" par les autorités fédérales depuis mai 2021. La formation politique a pourtant longtemps dominé la coalition qui gouvernait l'Ethiopie pendant près de 30 ans avant d'être écarté des responsabilités après l'arrivée au pouvoir d'Abiy Ahmed, issu de l'ethnie Oromo, en 2018. Ce qui constitue l'origine de ce conflit dans un pays fragmenté et formé d'une mosaïque de peuples assemblés au sein d'un "fédéralisme ethnique".
Au début des combats en novembre 2020, le TPLF disposait, selon l'International Crisis Group, d'une importante force de frappe paramilitaire et d'une milice locale bien entraînée, dont les combattants étaient évalués à 250 000 combattants. Ces hommes ont permis, entre autres, de faire tomber le dictateur Mengistu Haïlé Mariam en 1991 puis ont combattu l'Erythrée voisine entre 1998 et 2000.
L'Erythrée
L'Erythrée jouxte le Tigré éthiopien. Dans ce conflit, le président érythréen Issaias Afeworki s'est allié au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, car il reste un ennemi juré du TPLF. Addis Abeba et Asmara ont longtemps nié la présence de troupes érythréennes au Tigré, jusqu'à ce qu'Abiy Ahmed reconnaisse leur présence en mars 2021, assurant leur départ imminent après avoir lui-même appelé à leur retrait. L'intervention militaire de l'Erythrée, surtout à la frontière entre les deux pays au nord du Tigré, a été accompagnée d'atrocités imputées à ses soldats d'après de nombreux témoignages.
L'Amhara
Les combattants venus de l'Amhara, vaste région très peuplée située au sud du Tigré, sont issus des forces de sécurité régionales et de milices. Alliés aux forces gouvernementales, ils ont pris le contrôle du sud et de l'ouest du Tigré. Les Amharas revendiquent ces terres fertiles depuis un redécoupage régional effectué en 1991 par le TPLF au profit du Tigré qui, selon cette communauté, les en a dépossédés. Des Amharas originaires de ces zones sont retournés dans l'ouest du Tigré, occupant des maisons abandonnées et des terres agricoles dans le cadre d'une campagne menée par l'Etat éthiopien.
Le 14 juillet 2021, le gouvernement Amhara a annoncé que ses forces armées passeraient à "l'attaque" pour reprendre des territoires aux rebelles tigréens. Une déclaration faite peu après celle du Premier ministre Abiy, où ce dernier s'engageait à "repousser" les attaques des ennemis de l'Ethiopie en mobilisant des forces régionales, venues notamment de l'Oromia, pour combattre au côté de l'armée fédérale. Le TPLF a alors lancé une nouvelle offensive pour tenter reprendre la main.
Les autres régions
Trois autres régions ont déployé des forces à la frontière entre l'Amhara et le Tigré pour soutenir le gouvernement et ses alliés. Il s'agit de l'Oromia, du Sidama et de la Région des Nations, nationalités et peuples du Sud, qui ne sont pas directement engagées dans le conflit. Elles ne seraient pas les seules à s'impliquer. Des journalistes de l'AFP ont ainsi observé en décembre dernier des forces de la région de l'Afar prenant le contrôle de zones dans le sud du Tigré.
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