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La fronde du Tigré et les divisions ethniques menacent l'unité de l'Ethiopie

En maintenant le scrutin législatif au niveau régional, malgré son report au niveau national, la région du nord de l'Ethiopie met en lumière le clivage politique qui l'oppose au Premier ministre Abiy Ahmed.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Une femme vote dans la ville de Tikul, à 15 km à l'est de Mekele, dans la région du Tigré, en Ethiopie, le 9 septembre 2020. (EDUARDO SOTERAS / AFP)

Le 9 septembre, les bureaux de vote du Tigré, région montagneuse du nord de l'Ethiopie, ont ouvert à 2,6 millions d'électeurs pour qu'ils élisent leurs représentants au Parlement régional. Un scrutin considéré comme illégal par Addis Abeba, qui a repoussé toutes les élections dès le mois de mars en raison de la pandémie de coronavirus. Cette fronde tigréenne met en lumière les divisions politiques et ethniques auxquelles doit faire face le Premier ministre Abiy Ahmed dans tout le pays.

Oromos et Tigréens, deux ethnies qui se disputent le pouvoir en Ethiopie. (franceinfo Afrique)

Quelle est la cause de la fronde au Tigré ?

Les leaders politiques du Tigré, qui n'ont pas appelé à la sécession malgré une tentation indépendantiste, selon Le Monde, ont rejeté la prolongation du mandat des élus nationaux et régionaux au-delà de son échéance, début octobre, après le report pour cause de pandémie des scrutins législatifs prévus initialement en août. Ils ont donc organisé les élections le 9 septembre pour renouveler le Parlement régional, sans que l'opposition modérée s'y associe

Le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF), le parti majoritaire dans la région, estime que ce report est contraire à la Constitution et fait du Premier ministre un dirigeant illégitime voulant s'accrocher au pouvoir.

Le TPLF est passé dans l'opposition en 2019, notamment parce que ses leaders disent avoir été injustement ciblés par des enquêtes anticorruption et tenus à l'écart des postes clés.

D'un point de vue historique, le Front de libération des peuples du Tigré, dont la population représente 6% des 110 millions d'Ethiopiens, a mené la lutte armée contre le régime communiste du Derg jusqu'à sa chute en 1991. Le parti a ensuite dominé la politique éthiopienne jusqu'en 2018, date de nomination d'Abiy Ahmed comme Premier ministre. 

La région de Tigré, en Ethiopie, le 18 janvier 2019.  (DENIS-HUOT MICHEL / HEMIS.FR / AFP)

Des troubles avec les Oromos

Si l'élection au Tigré menace d'affaiblir le Premier ministre, son gouvernement doit également faire face à des violences en Oromia, la région d'origine d'Abiy Ahmed. Premier chef de gouvernement issu du principal groupe ethnique du pays, les Oromos, il en essuie les critiques. Les nationalistes oromos, qui disent souffrir de marginalisation politique et économique, trouvent qu'il n'en fait pas assez pour eux. 

En juin 2020, le meurtre d'Hachalu Hundessa, un chanteur populaire de cette ethnie, a mis le feu aux poudres. Dans les jours qui ont suivi sa mort, entre 178 et 239 personnes ont été tuées lors de violences interethniques ou d'affrontements avec les forces de l'ordre.

Un pays fragmenté

Parmi les autres opposants au régime, on trouve les groupes ethniques de la Région des Nations, des Nationalités et des Peuples du Sud (SNNPR) qui revendiquent plus d'autonomie. Ainsi, les Sidamas ont massivement soutenu la création de leur nouvelle région – la 10e du pays – lors d'un référendum en novembre 2019. Plus récemment, les habitants de la zone Wolaita, qui a connu en août des troubles après l'arrestation d'un leader politique, ont voulu faire de même mais n'ont pas encore organisé de référendum. 

En juin 2019, une "tentative orchestrée de coup d'Etat contre l'exécutif du gouvernement régional de l'Amhara", une des neuf régions autonomes d'Ethiopie et la deuxième la plus peuplée du pays, avait déjà porté un coup "à l'agenda réformiste et progressiste du Premier ministre", indiquait alors franceinfo Afrique

Un an auparavant, l'Ogaden, à l'Est, connaissait également une flambée de violences.

Au début des années 1990, l'Ethiopie a été divisée en neuf régions et deux Etats administratifs, dans le cadre d'un système fédéral devant permettre la gestion autonome des groupes ethniques (80 dans tout le pays). Une dizaine d'entre eux réclament depuis longtemps de former leur propre région, ce que permet la Constitution. Une demande qui se fait de plus en plus pressante.

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed à Hawassa, le 5 juin 2020, avant la Journée mondiale de l'environnement. (MICHAEL TEWELDE / AFP)

Quid d'une intervention militaire ?

Aujourd'hui, reste à savoir si Addis Abeba lancera des représailles contre le Tigré.

Longtemps reconnu comme l'initiateur de la paix avec l'Erythrée et lauréat à ce titre du prix Nobel de la Paix 2019, Abiy Ahmed avait le 25 juillet écarté toute intervention militaire ou coupe budgétaire – les subventions de l'Etat représentent la moitié du budget de la région – au Tigré. Mais dans une interview à la télévision d'Etat le 8 septembre, il a réaffirmé que le scrutin n'aurait aucune légitimité, menaçant à demi-mot les futurs élus.

Confronté à de violentes oppositions ces deux dernières années, Abiy Ahmed a du pain sur la planche pour calmer les tensions et conduire son pays sur la voie d'une démocratie apaisée.

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