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Résultats présidentielle 2022 : comment, après une ascension fulgurante, Eric Zemmour a plombé sa candidature

Eric Zemmour voulait s'imposer comme la surprise de ce scrutin présidentiel. Entre des déplacements difficiles et un programme radical, axé principalement sur la lutte contre l'immigration, le candidat d'extrême droite a raté son pari.

Article rédigé par Antoine Comte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Eric Zemmour espérait réaliser l'union des droites lors de sa campagne pour l'élection présidentielle en misant sur un discours sécuritaire et anti-immigration. (SYLVAIN LEFEVRE / GETTY IMAGES / JESSICA KOMGUEN / PIERRE-ALBERT JOSSERAND)

Il s'était autoproclamé "le candidat antisystème" et rêvait d'être le prochain président de la République. Mais ce dimanche 10 avril, Eric Zemmour n'a pas atteint son objectif. Malgré un début de campagne ascendant dans les intentions de vote, le polémiste d'extrême droite termine à la quatrième place, totalisant 7,07% des suffrages, largement derrière le duo de tête composé du président sortant, Emmanuel Macron (27,84%) et de Marine Le Pen (23,15%), selon les résultats définitifs du ministère de l'Intérieur, publiés à la mi-journée lundi 11 avril. 

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Entouré de ses partisans venus nombreux du côté de la Mutualité, à Paris, dimanche soir, Eric Zemmour a remercié ses partisans pour la "confiance" et leur "force". Il a donné une consigne de vote claire pour le second tour. "J'ai bien des désaccords avec Marine Le Pen, mais il y a face à elle un homme qui a fait entrer deux millions d'immigrés, qui n'a pas parlé d'immigration et d'identité pendant sa campagne. Je ne me tromperai pas d'adversaire." 

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"J'ai commis des erreurs, je les assume toutes", a aussi reconnu Eric Zemmour. Le candidat de Reconquête ! rate, dimanche, le double pari qu'il s'était fixé : se qualifier pour le second tour et se positionner comme le grand artisan de "l'union des droites" face à Marine Le Pen (RN) et Valérie Pécresse (LR). 

Déplacements ratés

Son histoire avec la présidentielle débute par un tour de France pour dédicacer son dernier livre et surtout prendre le pouls du pays. Multipliant les bains de foule, Eric Zemmour décide d'abord d'entretenir le suspense autour de sa candidature. Pas encore déclaré, il connaît dès octobre 2021 ses premières déconvenues. A Londres où il est boycotté par les autorités politiques locales, mais aussi à Marseille, le 27 novembre, où il tend un doigt d'honneur à une passante qui l'avait provoqué. Des dérapages qui lui coûtent déjà cher dans l'opinion publique. Il officialise finalement le 30 novembre son ambition élyséenne dans une vidéo diffusée sur YouTube, en s'adressant "aux Français qui se sentent étrangers dans leur propre pays"

Cette longue attente stratégique autour de sa déclaration, puis la mise en scène de son officialisation, ne changent rien. En décembre 2021, seulement 21% des Français jugent qu'il a "l'étoffe d'un président", selon une étude Ipsos-Sopra Steria, et les sondages ne décollent pas. Le candidat, qui veut afficher sa différence avec "les politiciens professionnels", annonce dans la foulée la création de Reconquête !, son mouvement qui finance une grande partie de sa campagne, grâce notamment au soutien de plus de 100 000 adhérents.

Rassembler les droites

Sa campagne a un objectif clair : apparaître comme le candidat qui rassemble les droites. Il s'agit pour lui de débaucher un maximum de cadres en provenance du RN et de LR, et les affaiblir politiquement en critiquant sur les plateaux de télévision "les réflexes d'une femme de gauche" de Marine Le Pen et "les accointances macronistes" de Valérie Pécresse. 

Mais pour convaincre et espérer s'attribuer ce leadership, Eric Zemmour doit prouver qu'il est capable de rassembler. Jusque-là timoré, voire mal à l'aise lors de ses prises de parole, l'ancien éditorialiste parvient à s'affirmer lors du meeting de Villepinte (Seine-Saint-Denis), son premier grand show où il rassemble plus de 12 000 personnes.

"Après ce meeting et la ferveur incroyable qui s'en était dégagée, nous nous sommes tous dit que personne ne pourrait désormais nous arrêter jusqu'au second tour."

Un proche d'Eric Zemmour

à franceinfo

Cependant, la démonstration de force est entachée par des incidents. Le meeting est émaillé par des violences de membres de l'ultradroite contre des militants de SOS racisme qui choquent l'opinion publique. Des personnalités politiques de premier plan comme le souverainiste Philippe de Villiers hésitent d'ailleurs, à l'époque, à le rejoindre.  

Troisième homme en février

Malgré les outrances et de nouveaux dérapages lors de déplacements tendus, comme à Calais ou Dijon, les mois de janvier et de février sont ceux de la remontée du candidat dans les sondages. Mi-février, certains baromètres le propulsent même à la troisième place, voire la deuxième. "Même s'ils n'ont jamais rien laissé transparaître, on a senti début février qu'au Rassemblement national, mais surtout chez Valérie Pécresse, ils commençaient à flipper", se souvient un soutien zemmouriste.

Dans le même temps, les premières défections au profit d'Eric Zemmour se produisent. Chez LR, Guillaume Peltier, alors vice-président du parti, se positionne le premier. Puis suivent, dans les rangs du RN, l'eurodéputé Jérôme Rivière, les députés Gilbert Collard et Nicolas Bay ou encore Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen.

"Quand on accueille une jeune femme aussi brillante, intelligente et pleine de convictions comme Marion, on est évidemment heureux"

Eric Zemmour

Dans "Dimanche en politique" sur France 3, le 13 mars 2022

Mais ces ralliements politiques de poids ne produisent pas l'effet escompté. Fin février, la guerre en Ukraine éclate et fait passer l'élection présidentielle au second plan. La lutte contre l'immigration et la sécurité, les deux thématiques de prédilection d'Eric Zemmour, rencontrent moins d'écho dans la campagne.

Des propositions qui n'impriment plus

L'obsession du candidat pour la théorie du "grand remplacement" qu'il a tenté de banaliser trouve ses limites et sa proposition de créer "un ministère de la remigration" n'imprime pas. "Contrairement à Marine Le Pen qui a tout misé sur le pouvoir d'achat dans sa campagne à bas bruit, menée dans de nombreuses villes moyennes un peu partout en France, Eric Zemmour est resté sur la monothématique de la lutte contre l'immigration et cela s'est senti dans les sondages", confirme Mathieu Gallard, directeur d'études à l'Institut Ipsos.

Autre écueil dans la campagne d'Eric Zemmour : ses ambiguïtés autour de la politique de Vladimir Poutine. Si Marine Le Pen décide alors de se faire très discrète sur le sujet malgré ses liens présumés avec le président russe, Eric Zemmour persiste et signe. Sur le plateau de RTL, il refuse de reconnaître que Vladimir Poutine est un dictateur et préfère le qualifier de "démocrate autoritaire"

Vers une candidature aux législatives ?

Le meeting du Trocadéro organisé dans les dernières semaines de la campagne devant près de 50 000 sympathisants et ses appels au "vote vital pour la France" n'y changeront rien. Tout comme ses justifications sur les "Macron, assassin!" lancés par la foule dans ce même rassemblement à l'encontre du président sortant.

Reste à savoir, à présent, quel sera l'avenir politique d'Eric Zemmour. "Je continuerai de défendre la France et nos idées, et je suis certain que bientôt nous l'emporterons. Je prends chacune de vos voix comme le cri d'un peuple qui ne veut pas mourir", a-t-il lancé à ses militants dimanche soir.

Pourrait-il se rapprocher du Rassemblement national avec, en ligne de mire, une alliance politique inédite avec le Rassemblement national lors des élections législatives du mois de juin ? Rien n'est moins sûr. Eric Zemmour, qui a déjà annoncé qu'il serait candidat à la députation, en cas de défaite à l'élection présidentielle, pourrait viser une circonscription dans le sud de la France ou en région parisienne.

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