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Présidentielle 2022 : appel aux dons, "aide d'urgence", "trésor de guerre"... Comment les faibles résultats de LR, d'EELV et du PS plombent leurs finances

Valérie Pécresse, Yannick Jadot et Anne Hidalgo n'ayant pas atteint le seuil des 5% des voix, les partis ne seront pas remboursés de la moitié de leurs frais de campagne. Les deux premiers appellent aux dons.

Article rédigé par franceinfo
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Le candidat écologiste Yannick Jadot, à Paris, le 10 avril 2022. (MARTIN BUREAU / AFP)

C'est l'heure des comptes et la facture s'annonce lourde pour certaines équipes de campagne. Seuls quatre candidats sur douze ont dépassé le seuil de 5% des voix au premier tour de l'élection présidentielle, dimanche 10 avril : Emmanuel Macron, Marine le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour. Les dépenses de campagne des huit autres ne seront remboursées qu'à hauteur de 4,75%, au lieu des 47,5% escomptés, conformément à la règle. Ils pourront recevoir jusqu'à 800 000 euros et non 8 millions, quand le plafond des dépenses autorisées s'élève à 16,85 millions pour un candidat n'accédant pas au second tour. Le trop faible score de ces candidats place certains partis, qui ont souvent à rembourser des prêts bancaires, dans une situation financière délicate.

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EELV "en grande difficulté" appelle aux dons

Yannick Jadot n'est pas passé par quatre chemins. Parmi les premiers candidats à s'exprimer dimanche soir, l'écologiste qui a obtenu 4,63% des voix a lancé un appel aux dons sans détour : "Je vous invite à vous rendre sur le site "Soutenir les écologistes" pour faire un don. (...) L'écologie a besoin, dès ce soir, de votre soutien financier pour poursuivre ses indispensables combats."

"L'écologie est en grande difficulté", a confirmé le secrétaire national d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Julien Bayou, sur franceinfo. "Pour pouvoir mener les législatives, pour pouvoir continuer à mener des batailles… Parce qu'on sait que ce quinquennat aura besoin de l'action des écologistes. Oui, on a besoin de soutien", a-t-il ajouté.

Avec deux millions d'euros à trouver d'ici la fin mai, la situation est "critique", a reconnu Julien Bayou. "On avait fort heureusement baissé la voilure et dépensé moins que ce que nous avions prévu", a-t-il assuré. L'eurodéputé David Cormand a invité sur franceinfo "chacun de nos 1,5 million d'électeurs" à faire "un don de trois euros" pour "rembourser" la campagne.

D'après les comptes publiés par son équipe, la campagne de Yannick Jadot a nécessité d'emprunter 7,6 millions d'euros. Avec plus de 6 millions d'euros déjà dépensés, selon son entourage, 800 000 euros remboursés par l'Etat et 500 000 euros de dons, difficile de ramener les comptes à l'équilibre. Même si EELV venait à son secours, le parti ne disposait que de 6,2 millions d'euros en réserve en 2020, selon l'examen annuel de la Commission des comptes de campagne.

François Thiollet, co-trésorier du parti interrogé par franceinfo, reste optimiste : "Nous, on sait gérer en période de vache maigre et on va le faire, explique-t-il. L'objectif pour nous, c'est de gérer cette dette pour qu'elle soit éteinte dans les cinq années à venir."

Valérie Pécresse demande "une aide d'urgence"

Lundi matin, le visage grave, Valérie Pécresse a alerté sur la "situation critique" des Républicains et lancé un appel à "une aide d'urgence" des Français pour "boucler le financement" de sa campagne. Avec 4,78% des suffrages, la candidate a signé le pire score de son camp sous la Ve République. "Nous n'avons pas atteint les 5% qui nous permettraient d'obtenir les 7 millions d'euros de remboursements de l'Etat que nous escomptions (...) Les Républicains ne peuvent pas faire face à ces dépenses", a-t-elle déclaré avant un bureau politique du parti. Avant d'ajouter : "Je suis endettée personnellement à hauteur de 5 millions d'euros.

Un appel aux dons à droite : la démarche n'est pas sans précédent. En 2013, le "Sarkothon" avait permis à l'ex-UMP de réunir plus de 11 millions d'euros pour rembourser les frais de campagne de Nicolas Sarkozy. Le sénateur Roger Karoutchi a cependant déclaré quelques minutes avant l'annonce de Valérie Pécresse "ne pas être sûr" que cette nouvelle cagnotte "ait le même succès".

Le président des députés LR, Christian Jacob, a pris soin de préciser à Libération que le risque portait sur les "engagements personnels" de Valérie Pécresse et non sur le parti. La candidate, dont le patrimoine net approche les 10 millions d'euros, pourrait devoir se débrouiller sans le soutien de son parti.

LR aurait néanmoins "la capacité de faire face" à cette "situation matérielle difficile", a assuré Michel Barnier au micro de France Inter lundi. Ce malgré une réserve de seulement 3,5 millions d'euros en 2020, d'après la Commission des comptes de campagne.

Le PS va piocher dans le "trésor de guerre" de ses fédérations

Anne Hidalgo n'a obtenu que 1,75% des voix. Néanmoins, les sondages, qui la donnaient depuis longtemps en dessous du seuil de 5%, avaient sonné comme un avertissement. "Comme il n'était pas totalement acquis d'être remboursés, tout a été recalibré", avait expliqué à franceinfo un cadre socialiste. "Nous n'avons pas eu recours à un emprunt, nous avons autofinancé la campagne et donc il n'y a pas de dette à rembourser", a détaillé le Premier secrétaire, Olivier Faure, sur franceinfo. À la fin, "notre campagne n'a pas coûté très cher, c'est une campagne modeste, a assuré à l'AFP le sénateur Patrick Kanner, très largement en dessous des 10 millions", a-t-il évalué.

Des millions qui ne seront pas remboursés par l'Etat. Et une nouvelle dépense sèche pour le PS, certes moins douloureuse que celles de 2017. Les défaites à la présidentielle et aux législatives avaient alors asséché ses caisses, l'obligeant à vendre son siège de la rue de Solférino et à licencier des salariés. En 2020, le parti affichait un déficit de 3,7 millions d'euros, même s'il conservait encore 40,7 millions d'euros en réserve, plus que n'importe quel autre parti, d'après la Commission des comptes de campagne.

Cette fois, "ce sont les fédérations qui vont mettre de l'argent au pot. Certes, on va diminuer leur trésor de guerre", a déclaré Patrick Kanner, affirmant que certaines sont "financièrement très bien gérées". Le patron du PS, lui, n'exclut cependant pas des appels aux dons qui "sont toujours nécessaires". "Mais il n'y a pas de faillite comme beaucoup l'auraient souhaité."

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