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Législatives 2022 : la Nupes à la recherche de la "recette magique" pour empêcher Emmanuel Macron de conserver la majorité à l'Assemblée

En bataille frontale avec Ensemble ! au second tour, l'alliance de gauche veut notamment remobiliser les abstentionnistes des législatives qui avaient voté à la présidentielle.

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, donne un discours après le premier tour des élections législatives, à Paris, le 12 juin 2022. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Et si le plus dur commençait pour la Nupes ? La coalition de gauche, qui se présentait pour la première fois sous cette forme à un scrutin, a terminé le premier tour des élections législatives au coude-à-coude avec le camp présidentiel, dimanche 12 juin. Mais selon les projections des instituts de sondage, les candidats de cette alliance ne parviendraient pas à devancer le camp d'Emmanuel Macron en nombre de sièges à l'Assemblée nationale.

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Pour autant, la Nupes ne s'avoue pas vaincue et compte sur sa dynamique pour faire élire le plus de députés possibles pour la prochaine législature. Pour cela, "il n'y a pas de réserves de voix évidentes" pour dimanche, explique à franceinfo Mathieu Gallard, directeur d'études à l'institut Ipsos. Les partis de gauche, déjà unis avant le premier tour, ne peuvent pas vraiment se rassembler davantage en vue du second. La Nupes risque ainsi de se retrouver à court d'électeurs dans les quelque 279 affrontements avec la majorité sortante, bien placée pour demeurer la première force politique à l'Assemblée nationale.

Cinq millions d'abstentionnistes à remobiliser

A la Nupes, il n'est pas question de chasser les voix de la droite. Les stratèges de la coalition ont compris que la majeure partie des 11,3% récoltés par LR et ses alliés "n'a pas vraiment de réticences à voter pour Emmanuel Macron", évacue Mathieu Gallard. L'alliance cible plutôt les électeurs de gauche à la présidentielle qui n'ont pas voté au premier tour des législatives. "On a seulement quelques jours pour remobiliser la part de notre électorat qui s'est abstenue", pose Eric Coquerel, député sortant de Seine-Saint-Denis.

Des 10,8 millions d'électeurs qui avaient voté Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo le 10 avril, seuls 5,8 millions se sont déplacés dimanche. C'est beaucoup moins que le seul électorat de Jean-Luc Mélenchon (7,7 millions de voix au premier tour de la présidentielle). Comment les faire revenir dans l'isoloir ? "Si on avait la recette magique pour intéresser les gens, on l'appliquerait tout de suite", ironise Loïc Prud'homme, en ballotage favorable pour sa réélection en Gironde.

Face aux jeunes, "on part de très loin"

Une cible est particulièrement importante, notamment pour La France insoumise : les jeunes. Chez les moins de 34 ans, plus de sept personnes sur dix se sont abstenues, alors que plus de 30% de cet électorat a voté pour Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle. "Il faut qu'on travaille sur les réseaux sociaux pour les convaincre, appuie Aurélie Trouvé, candidate en Seine-Saint-Denis. "On doit aller là où ils sont physiquement et virtuellement, trouver les bons canaux, faire de la pédagogie, les toucher", énumère Loïc Prud'homme, un brin défaitiste en vue de dimanche prochain.

"C'est impossible de remobiliser à l'échelle de la présidentielle, notamment dans la tranche d'âge des 18-24 ans, qui est assez mal informée."

Loïc Prud'homme, député LFI de Gironde

à franceinfo

"Aujourd'hui, on essaye de politiser, de conscientiser cette génération, mais on part de très loin et cinq jours de campagne, c'est très court", déplore le candidat Nupes du sud de Bordeaux. "Lorsque Jean-Luc Mélenchon appelle dimanche soir les gens à 'déferler' dans les bureaux de vote au second tour, c'est à eux qu'il s'adresse, pas aux diplômés des centres urbains qui se sont déjà déplacés", analyse le sociologue Manuel Cervera-Marzal, spécialiste de l'électorat LFI. "Les jeunes des banlieues qui ont voté pour lui vont être difficiles à mobiliser, car l'effet de dramatisation s'érode. Ça marche une fois, moins les suivantes", poursuit-il.

"La raison pour laquelle ils ne sont pas allés aux urnes dimanche, c'est qu'ils ont été dans les files d'attente le 10 avril, qu'ils ont voté et que ça n'a pas changé", estime Eric Coquerel.

"Chez les jeunes, il y a une espèce de défiance vis-à-vis du système qui s'est réinstallée."

Eric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis

à franceinfo

"Il y a une autre réserve de voix pour la Nupes, mais elle est plus faible", nuance Manuel Cervera-Marzal. Il s'agit des fameux "fâchés pas fachos", expression qu'a lui-même employée Jean-Luc Mélenchon lundi soir sur France 2, au prix d'une petite erreur de formulation.

Qui sont ces personnes ? "Ce sont les électeurs de Marine Le Pen qui ne sont pas d'accord avec les thèses identitaires de l'extrême droite mais qui pensent que ça va répondre à leur colère", a expliqué Adrien Quatennens sur franceinfo, mardi matin, en assumant de "tenter de convaincre des gens qui, de notre point de vue, s'égarent en votant pour l'extrême droite". "Ça fait dix ans qu'on essaye de ramener cet électorat à la maison", insiste Loïc Prud'homme. Deux mois après la réélection d'Emmanuel Macron, la gauche tente de fédérer les colères dirigées contre le chef de l'Etat. "Cette élection, il faut en faire un référendum anti-Macron", lâche Eric Coquerel.

Un "bidouillage" de l'exécutif contre ses "cibles" ?

Alors que la majorité renvoie dos à dos "extrême gauche" et "extrême droite", la Nupes attaque sans relâche le camp d'Emmanuel Macron, en abattant plusieurs cartes. D'abord, Jean-Luc Mélenchon et de nombreux responsables LFI ont dénoncé "le bidouillage" du ministère de l'Intérieur dans la comptabilisation des résultats de la Nupes, dimanche soir. Ensuite, les candidats de la Nupes se posent en "cibles" et en "vrai danger" pour l'exécutif, dixit Aurélie Trouvé, tout en dénigrant le Rassemblement national, "hors course", selon Adrien Quatennens.

Les dirigeants de gauche font également pression sur Elisabeth Borne, Première ministre et cheffe de la majorité, pour l'organisation d'une confrontation avec Jean-Luc Mélenchon. "Si vous voulez augmenter le taux de participation au deuxième tour, faites un débat d'entre-deux-tours. Nous le réclamons", a assuré le responsable EELV Julien Bayou à franceinfo, lundi. Mardi, Jean-Luc Mélenchon a souligné dans un communiqué que la Première ministre avait "refusé ce débat" qui devait être organisé sur France 2.

Sollicité par franceinfo, Matignon estime qu'Elisabeth Borne "ne fuit pas le débat" car elle fait campagne dans sa circonscription du Calvados et rappelle que "Jean-Luc Mélenchon n'est pas candidat" aux législatives. L'entourage de la Première ministre, invitée du JT de France 2 mercredi soir, promet de "répondre" au chef de file des "insoumis". De quoi accentuer encore l'opposition avec la Nupes de Jean-Luc Mélenchon, en meeting à Toulouse, mardi soir.

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