Résultats des législatives 2022 : comment la Nupes fait trembler le camp d'Emmanuel Macron en menaçant sa majorité absolue à l'Assemblée
Avec 25,66% des voix au premier tour, la coalition de gauche fait quasiment jeu égal avec Ensemble !. A défaut de pouvoir envoyer Jean-Luc Mélenchon à Matignon, elle entend désormais empêcher l'exécutif d'obtenir la majorité absolue.
Pour la gauche, 2022 n'est pas 2017. Désunis aux élections législatives il y a cinq ans, La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), le Parti communiste français (PCF) et Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ont cette fois présenté des candidats sous une bannière commune. Avec un résultat intermédiaire plutôt prometteur pour eux : la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) talonne la coalition présidentielle, Ensemble !, avec 25,66% des voix contre 25,75%. La Nupes se qualifie au second tour dans "plus de 500 circonscriptions", a assuré le leader de la coalition, Jean-Luc Mélenchon.
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Le premier tour des élections législatives au niveau national montre ainsi que cette alliance inédite a été bien accueillie par les électeurs. En définitive, la gauche unie peut espérer entre 150 et 190 sièges de députés pour les cinq ans à venir, selon les dernières projections d'Ipsos-Sopra Steria, à prendre avec prudence. Au second tour de 2017, le PCF, le PS, LFI et EELV avaient fait élire seulement une cinquantaine de parlementaires.
"Faire barrage", nouveau mot d'ordre
Dans une semaine, la coalition de gauche entend empêcher le camp présidentiel de disposer de la majorité absolue, qui semblait promise en début de campagne. "Il nous reste une semaine pour faire barrage à Macron", a martelé le député LFI François Ruffin, qualifié au second tour dans sa circonscription de la Somme. "Le parti présidentiel est battu et défait. (…) Déferlez sur les bureaux de vote", a appelé un Jean-Luc Mélenchon au ton inhabituellement grave, dimanche soir. Il n'y a pas que le ton qui a changé par rapport à l'élection présidentielle : désormais, le chef de file des "insoumis" ne cherche plus à s'installer à Matignon, mais à constituer d'un groupe suffisamment fort pour bloquer Emmanuel Macron.
Ainsi, en dépit de la progression importante en matière de sièges, la Nupes ne devrait pas l'emporter. Du reste, le score de cette alliance en pourcentage des voix n'est pas supérieur à celui de l'ensemble des quatre partis de gauche en 2017. "Les deux alternatives, la gauche et l'extrême droite, ne séduisent pas vraiment et rencontrent leur plafond de verre", analyse la politologue Virginie Martin.
Une campagne marquée par les polémiques
Le chantier de l'union de la gauche, qui a perturbé les différents candidats tout au long de la campagne présidentielle, s'est véritablement ouvert avant le second tour, en avril. Des discussions informelles aux négociations officielles, les partis impliqués dans cette alliance ont fait naître une coalition, avec un lancement officiel de la Nupes le 7 mai. Dans cette nouvelle configuration mise en place en quelques jours après des années de blocage, Jean-Luc Mélénchon, leader de La France insoumise, s'est retrouvé en première ligne. "Je vous propose de m'élire Premier ministre", a-t-il répété dans ses interventions. "Avec ces mots, Jean-Luc Mélenchon a su mobiliser la base électorale de la gauche", assurait Benjamin Morel, docteur en sciences politiques avant le premier tour.
Face à l'agitation de la Nupes, l'exécutif a tardé à entrer pour de bon dans la campagne. Le nouveau gouvernement s'est fait attendre et les affaires se sont enchaînées pour le camp d'Emmanuel Macron, avec la nomination de Damien Abad au ministère des Solidarités malgré des accusations de viols et la gestion critiquée des flux de supporters en finale de la Ligue des champions au Stade de France. Le camp de la Nupes n'a pas été épargné par les polémiques, avec le retrait de la candidature de Taha Bouhafs, journaliste et militant, accusé de violences sexuelles.
Macron forcé de s'impliquer
Semaine après semaine, la Nupes a pourtant installé un match frontal face à la bannière Ensemble !, qui regroupe entre autres LREM, le MoDem et Horizons. Sur le terrain, les 50 candidats communistes, les 70 socialistes, les 100 écologistes et les quelque 350 "insoumis" ont martelé leur opposition à la retraite à 65 ans ou leur volonté de porter le smic à 1 500 euros net. Dans la dernière ligne droite d'une campagne atone, le duel s'est tendu. Aussi offensif que ses ministres, Emmanuel Macron s'est impliqué, en critiquant les nombreuses "interdictions" proposées par l'alliance de la gauche, "ce qui donne une idée assez claire de l'esprit du programme", d'après le président de la République.
A quelques jours du premier tour, une crainte a commencé à traverser les rangs de La République en marche et ses alliés : et si Jean-Luc Mélenchon venait priver l'exécutif de la majorité ? "Le président de la République est tétanisé et ne sait plus quoi faire", affirmait même le parlementaire marseillais, le 5 juin. Ce jour-là, les candidats de la Nupes se sont qualifiés dans dix des onze circonscriptions des Français de l'étranger, soit deux fois plus qu'il y a cinq ans, lorsque la gauche se présentait en ordre dispersé. Une semaine plus tard, dimanche 12 juin, la Nupes a confirmé sa dynamique.
Reste un obstacle de taille à franchir pour aboutir à une opposition massive à l'Assemblée nationale : les candidats de gauche pourraient faire face à un possible barrage anti-Nupes au second tour, dans une semaine. La Première ministre, Elisabeth Borne, a brandi dimanche le spectre d'une "instabilité politique" et a évoqué une "menace sur les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité".
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