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Législatives 2022 : comment le camp d'Emmanuel Macron fait campagne pour sauver sa majorité absolue à l'Assemblée

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Emmanuel Macron sur le tarmac de l'aéroport d'Orly, près de Paris, le 14 juin 2022. Le président de la République a maintenu sa visite en Europe de l'Est pendant l'entre-deux-tours des législatives. (GONZALO FUENTES / AP / SIPA)

Les soutiens du président et du gouvernement n'ont qu'une semaine pour espérer faire oublier la déception du premier tour et arracher 289 sièges, soit le nombre de députés nécessaire pour avoir la majorité absolue dans l'Hémicycle.

"On a clairement pris un mur nationalement, c'est dur dur", pianote sur Telegram (la messagerie cryptée favorite de la macronie) un candidat LREM éliminé dès le premier tour. Le camp d'Emmanuel Macron s'est réveillé groggy lundi 13 juin, au lendemain du scrutin, avec seulement 25,75% des suffrages, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Soit la plus faible assise électorale pour un président lors d'une élection législative dans l'histoire de la Ve République.

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Au coude-à-coude avec la Nupes, l'alliance des partis de gauche, la macronie envisage désormais ce qui était impensable il y a encore quelques semaines : ne décrocher qu'une majorité relative à l'Assemblée nationale. Selon les projections d'Ipsos-Sopra Steria diffusées le soir du premier tour, LREM et ses alliés pourraient obtenir entre 255 et 295 députés au Palais-Bourbon. Or, le seuil de la majorité absolue est fixé à 289 sièges. Les partisans d'Emmanuel Macron n'ont que quelques jours pour espérer dépasser cette barre fatidique lors du second tour, dimanche 19 juin.

Une prise de parole improvisée

Le soir du premier tour, le président a analysé les résultats à l'Elysée, entouré de ses conseillers et des membres de la majorité. "Emmanuel Macron est déterminé à rassembler", a confié son entourage à France Télévisions. "La majorité tient. Il faut qu'on parle de nos projets et pas seulement cibler Jean-Luc Mélenchon", a ajouté le président, selon un participant.

Alors qu'Emmanuel Macron avait multiplié les déplacements dans la dernière ligne droite avant le premier tour, son agenda de l'entre-deux-tours devrait rester vierge de toute visite de terrain à portée politique. Le président de la République a choisi de se focaliser sur une séquence internationale avec des déplacements en Roumanie et Moldavie.

Signe d'une certaine fébrilité, ce dernier s'est finalement exprimé mardi après-midi lors d'une allocution surprise depuis le tarmac de l'aéroport d'Orly, juste avant de s'envoler pour l'Europe de l'Est. Et alors que la presse s'attendait à une prise de parole sur la guerre en Ukraine, le message a été éminemment politique et tourné vers le scrutin de dimanche.

"Nous avons besoin d'une majorité solide pour maintenir l'ordre à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières. (...) Il faut défendre nos institutions face aux personnes qui les contestent et les fragilisent."

Emmanuel Macron

sur le tarmac d'Orly

"Rien ne serait pire que de nous perdre dans l'immobilisme, le blocage ou dans les postures", a encore dit le chef de l'Etat, avec le Falcon présidentiel en arrière-plan, avant d'appeler les Français au "bon sens" et au "sursaut républicain". "La séquence régalienne du président va donner le ton de la campagne de l'entre-deux-tours, veut croire un conseiller ministériel. Sur ces sujets, Jean-Luc Mélenchon est peu clair et pas à l'aise. Donc, la posture internationale du président marque bien la différence avec lui."

Elisabeth Borne propulsée en première ligne

Cette séquence internationale sera-t-elle déterminante pour remobiliser l'électorat ? "On ne peut pas toujours compter sur Macron pour sauver nos têtes", souffle un cadre de la majorité. L'autre tête de l'exécutif, Elisabeth Borne, se retrouve donc en première ligne dans cet entre-deux-tours.

Elle-même candidate dans le Calvados où elle est arrivée en tête au premier tour, la Première ministre a d'abord pris la parole dimanche soir, depuis le siège de campagne de la majorité présidentielle. "Face aux extrêmes, nous ne céderons rien", a-t-elle déclaré, évoquant une "confusion inédite", "comme cela ne s'était jamais produit dans l'histoire politique de notre pays".

Mais, c'est lundi midi, en visioconférence avec les candidats d'Ensemble !, qu'Elisabeth Borne a attaqué plus spécifiquement Jean-Luc Mélenchon, le qualifiant de "premier menteur". "Quand il n'est pas en tête, il accuse les chiffres. Son projet est un projet qui fracture le pays", a déclaré la cheffe du gouvernement, selon un participant, tout en assurant que "la Nupes veut désarmer la police".

Une prestation qui a laissé très sceptique un candidat, présent à la réunion : "C'était une cata, elle a lu son texte sans lever la tête, il n'y avait aucune spontanéité, on aurait dit une préfète." Et ce dernier d'expliquer que "Christophe Castaner [le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale] a repris la parole pour donner un souffle." Un macroniste tempère : "La Première ministre va rentrer progressivement dans ce rôle. Mais le vrai chef de la majorité, ça reste le président."

Des réunions publiques en masse

Un président à l'étranger et une Première ministre encore en apprentissage... La Nupes s'est tout de suite engouffrée dans la brèche. Dans un communiqué publié mardi, Jean-Luc Mélenchon a accusé Elisabeth Borne de se soustraire au débat, en refusant de venir se confronter à lui lors d'une émission sur France 2.

Interrogé par franceinfo, Matignon dément toute volonté de ne pas débattre. "France 2 avait d'abord proposé un JT mercredi soir, on a dit oui. Donc, la Première ministre ne fuit pas le débat, explique-t-on. On a eu après coup cette proposition de débat jeudi, mais elle est en campagne dans sa circonscription. Il attaque la Première ministre, on va y répondre."

L'argument fait écho à un épisode de la campagne présidentielle où Emmanuel Macron s'était retrouvé sous le feu des critiques de ses adversaires pour ne pas accepter de débattre avant le premier tour. L'entourage du président arguait alors qu'il ne fuyait pas le débat puisqu'il allait sur les plateaux télévisés répondre aux questions des journalistes. 

A défaut de participer à un débat, Elisabeth Borne répondra aux questions de France 2 mercredi dans le "20 Heures" et se rendra à plusieurs reprises dans sa circonscription. Pour remobiliser son camp, elle a aussi demandé aux candidats de lancer des réunions publiques mercredi soir sur tout le territoire. Objectif, selon un député sortant : "faire masse". Problème, certains ont déjà prévu de longue date leur réunion et cela tombe un autre jour. "Pas de bol pour moi, c'est vendredi, on ne peut pas changer", glisse l'un d'eux. "J'ai prévu la mienne le jeudi, ça fait un mois et demi que j'ai réservé la salle", dixit une autre candidate qui fera une autre action mercredi car "sur cinq jours de campagne, on n'a pas le luxe d'avoir une demi-journée off".

Des députés inquiets pour leur réélection

C'est bien tout l'enjeu. L'entre-deux-tours ne dure qu'une semaine, contrairement à celui de la présidentielle, étalé sur quinze jours. "Comment changer de ligne en une semaine ? Il vaut mieux rester droit dans ses bottes que de faire la girouette", avance un macroniste. "Non, je ne crois pas qu'il faille changer", abonde François Patriat, le chef de file des sénateurs LREM. "On ne va pas faire de nouvelles annonces maintenant. Il faut expliquer que c'est un second tour de clarification et se demander quelle France, quelle société, on veut", ajoute ce proche d'Emmanuel Macron. 

De fait, la majorité s'escrime surtout à attaquer la Nupes qui affrontera les candidats du président dans 279 circonscriptions. "Bien sûr qu'il faut taper sur Mélenchon et mettre en lumière toutes les incohérences de son programme", assume une candidate, espérant "un sursaut face à l'extrême gauche". Les arguments sont repris par tous les candidats.

"Il faut faire tomber les masques en rappelant que Nupes=LFI et qu'une majorité relative créerait beaucoup d'instabilité."

Un député sortant francilien

à franceinfo

L'épouvantail Mélenchon sera-t-il suffisant ? "Il faut être plus offensif sur notre programme et répéter les propositions de Macron", affirme un député sortant, inquiet pour sa réélection. Il n'est pas le seul. "La majorité relative, je n'y croyais pas du tout, mais là ça va se jouer à pas grand-chose, à quelques sièges", confie un macroniste. Le sort du quinquennat se jouera en partie dimanche prochain. 

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