Résultats des législatives 2022 : pour le camp d'Emmanuel Macron, un premier tour en demi-teinte après une campagne perturbée
Le camp d'Emmanuel Macron n'est pas certain de décrocher une majorité absolue à l'Assemblée nationale à l'issue du second tour, dans une semaine.
Ces élections législatives auraient pu n'être qu'une formalité pour Emmanuel Macron et ses soutiens. Il n'en est finalement rien, au regard des premières estimations du premier tour, dimanche 12 juin. La majorité présidentielle arrive dans un mouchoir de poche devant la Nupes, avec 25,75% des voix contre 25,66% pour l'alliance de gauche, selon les résultats définitifs du ministère de l'Intérieur. Et elle n'est pas sûre de décrocher la majorité absolue, fixée à 289 sièges, dimanche 19 juin. Selon nos projections, Ensemble !, la formation du président de la République qui réunit plusieurs partis du centre et de la droite modérée, obtiendrait entre 255 et 295 sièges au soir du second tour.
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S'il se confirmait dans les urnes, au second tour, ce résultat serait donc moins bon qu'il y a cinq ans, lorsque le parti LREM avait décroché, à lui seul, 313 sièges. Cette fois, pour disposer de la majorité absolue, le parti présidentiel devra au moins s'appuyer sur ses alliés, que ce soit le parti Horizons d'Edouard Philippe, Agir de Franck Riester ou le MoDem de François Bayrou. Une situation moins confortable qu'au début de la législature de 2017 et qui tient en partie à la stratégie choisie par le président. "Cela va rééquilibrer le jeu entre le Parlement et l'exécutif, anticipe la politologue Virginie Martin. Ce pourrait être un coup d'arrêt à la super-présidentialisation actuelle."
Un gouvernement qui tarde à être nommé
Maîtriser le tempo de la campagne. C'était l'obsession d'Emmanuel Macron qui voulait, une fois de plus, rester le maître des horloges de l'agenda politique. Elu le 24 avril, le chef de l'Etat a mis trois semaines à nommer Elisabeth Borne à Matignon. Le nouveau gouvernement a été officialisé une semaine plus tard. Selon un ex-ministre à l'AFP, Emmanuel Macron souhaitait alors "une campagne courte" pour les législatives. Mais la nature ayant horreur du vide, c'est une autre formation politique – la Nupes, la coalition des partis de gauche – qui a pris la lumière printanière et donné le "la" de la campagne, observe le politologue Bruno Cautrès.
"En se laissant du temps, Emmanuel Macron a laissé le champ libre à Jean-Luc Mélenchon et à la gauche, qui s'est remobilisée et a donné une direction."
Bruno Cautrès, politologueà franceinfo
Profitant de cette dynamique, la gauche unie dans la Nupes rêve alors d'un officieux "troisième tour de la présidentielle" et mise, pour cela, sur un slogan efficace : "Jean-Luc Mélenchon Premier ministre". En face, la nouvelle hôte de Matignon prend ses marques sans réellement plonger dans la campagne, alors qu'elle cherche à se faire élire dans la 6e circonscription du Calvados. Elle bénéficie de 45% d'opinions favorables, selon un sondage Ifop pour Le Journal du dimanche du 28 mai, soit 10 points de moins qu'Edouard Philippe à la même période, il y a cinq ans.
A l'époque, la nomination d'un Premier ministre encarté chez Les Républicains avait créé un effet de surprise et mobilisé une partie de l'électorat de droite en faveur de l'ex-majorité présidentielle aux législatives. Cette année, la reconduction de la moitié du gouvernement dans l'équipe d'Elisabeth Borne n'a pas contribué à surprendre l'opinion publique, ni à glaner un surplus de voix à droite.
Une accélération au cours de la dernière semaine
Alors que l'élection a peu intéressé les Français, la campagne s'est finalement polarisée autour de trois affaires embarrassantes pour la majorité. D'abord, les accusations de viol visant le ministre des Solidarités, Damien Abad. Puis la polémique qui a suivi les incidents au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions. Enfin, la mort à Paris de la passagère d'une voiture après des tirs de policiers qui ont fait suite au refus d'obtempérer du conducteur. Si, de l'avis des candidats LREM, ces affaires n'ont pas eu de prise sur le terrain – "Les gens n'en ont rien à cirer d'Abad ou du Stade de France", dixit une députée – elles ont néanmoins occupé l'espace médiatique.
Dans le même temps, Elisabeth Borne se fait discrète et Emmanuel Macron est, pendant plusieurs jours, aux abonnés absents. Du 29 avril, date de son déplacement dans les Pyrénées, au 30 mai, le chef de l'Etat se concentre sur la formation de sa nouvelle équipe, mais aussi sur ses obligations internationales dominées par la guerre en Ukraine. Un mutisme qui pousse même certains de ses soutiens à pester : "On aimerait bien que le président descende de nouveau dans l'arène et impulse des messages structurants pour cette campagne", soufflait un député à franceinfo. Le chef de l'Etat réapparaît finalement le 31 mai à Cherbourg (Manche), avant de filer deux jours plus tard à Marseille (Bouches-du-Rhône) pour parler d'éducation, puis en Seine-Saint-Denis et dans le Tarn la semaine suivante. Une accélération dans la dernière ligne droite qui rappelle sa stratégie lors de la présidentielle.
"Pas seulement cibler Jean-Luc Mélenchon"
De nouveau présent sur terrain, le locataire de l'Elysée se livre alors dans une grande interview dans la presse régionale, dans laquelle il dévoile sa nouvelle méthode et annonce la création d'un "Conseil national de la refondation". Il cible aussi directement ses opposants, et plus particulièrement le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
"Il est rare de gagner une élection à laquelle on ne se présente pas. Le président choisit la personne qu'il nomme Premier ministre en regardant le Parlement. Aucun parti politique ne peut imposer un nom au président."
Emmanuel Macrondans une interview à la presse régionale
Dimanche, avec une projection entre 150 et 190 sièges pour la Nupes, le spectre de Jean-Luc Mélenchon à Matignon s'éloigne pour Emmanuel Macron. Mais l'objectif reste de rallier les voix de la droite, pour Ensemble ! et ses alliés, afin de sauver l'indispensable majorité absolue que vise la formation du président au Palais-Bourbon. Dimanche soir, le chef d'Etat a mis ses proches en garde en vue du second tour : "Il a invité chacun à faire preuve d’humilité" et s'est dit "déterminé à rassembler", confie son entourage à France Télévisions. Avec un changement de stratégie en ligne de mire ? Il souhaite, en tout cas, "montrer qu'on a travaillé sur des projets de loi qu'on est prêts à faire voter" et "pas seulement cibler Jean-luc Mélenchon".
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