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Elections législatives : comment Marine Le Pen et le Rassemblement national se mettent en ordre de bataille

Article rédigé par Antoine Comte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Marine Le Pen a engagé la bataille des législatives dès le soir du second tour de l'élection présidentielle, le 24 avril 2022. (ILLUSTRATION PIERRE-ALBERT JOSSERAND / FRANCEINFO)

Après sa nouvelle défaite à la présidentielle dimanche, Marine Le Pen a décidé de repartir au combat. Son objectif : faire élire un maximum de députés RN pour devenir la première opposante au chef de l'Etat et affaiblir, dans le même temps, Eric Zemmour.

"Je le redis, jamais je n'abandonnerai les Français". Dimanche 24 avril, un quart d'heure après l'annonce des résultats du second tour de la présidentielle, Marine Le Pen avait déjà tourné la page de sa nouvelle défaite face à Emmanuel Macron. Devant ses partisans réunis au Pavillon d'Armenonville, à Paris, la candidate du Rassemblement national (RN) a fixé un nouveau cap : "remporter la grande bataille des législatives".

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Forte des 7,5 points gagnés par rapport à 2017, soit 2,6 millions de voix supplémentaires, et du meilleur score réalisé par l'extrême droite au second tour d'un scrutin présidentiel sous la Ve République, Marine Le Pen est persuadée que son parti peut surfer sur cette dynamique électorale pour engranger un maximum de députés lors des législatives des 12 et 19 juin prochains.

"Nous sommes dans une situation très différente, cette fois-ci, car nous sommes arrivés en tête dans 159 circonscriptions [à la présidentielle], contre 45 en 2017", se réjouit Gilles Pennelle, le délégué national à l'animation des fédérations RN, qui doit être candidat aux législatives en Bretagne.

Un groupe RN à l'Assemblée ?

Pour préparer ce "troisième tour" de la présidentielle, les cadres du parti ont acté la stratégie définitive des législatives mardi, lors de la réunion de la Commission nationale d'investiture (CNI) du parti. "Nous ne voulons aucun accord d'appareil et nous ne ferons pas de liste commune avec Eric Zemmour. Nos candidats seront donc investis ou soutenus par le RN dans la totalité des 577 circonscriptions", assène à franceinfo Sébastien Chenu.

Le député RN du Nord reste malgré tout conscient qu'il sera difficile d'empêcher Emmanuel Macron de renouer avec une majorité à l'Assemblée nationale. "Contrairement à Jean-Luc Mélenchon qui martèle partout qu'il peut être Premier ministre, nous sommes lucides, ajoute le porte-parole du RN. Nous demandons aux Français de voter pour des députés patriotes qui les protégeront de la casse sociale voulue par Emmanuel Macron et de construire une opposition forte durant tout le quinquennat".

"Nous savons que nous avons beaucoup plus de circonscriptions gagnables qu'en 2017 et nous espérons pouvoir au minimum former un groupe de 15 élus à l'Assemblée."

Sébastien Chenu, porte-parole du RN

à franceinfo

Pour espérer doubler son contingent de députés et apparaître comme une opposition crédible face à Emmanuel Macron, le RN a donc délibérément choisi de ne pas saisir la main tendue par Eric Zemmour et son appel à créer "une coalition des droites et des patriotes" avec le RN, Debout la France ou encore certains élus LR.

La rancœur des lepénistes

Marine Le Pen et les cadres de son parti n'ont en effet pas du tout apprécié les attaques de l'ex-polémiste d'extrême droite, au soir du second tour. "C'est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen", déplorait Eric Zemmour, pour qui "la revanche annoncée a tourné court". De quoi réduire à néant toute possibilité de discussion entre les deux camps et d'accroître l'exaspération des cadres du parti.

"Ce qu'a dit Eric Zemmour était une déclaration de guerre. Nous ne pouvons nous allier avec des gens qui nous crachent dessus et qui nous salissent en permanence."

Jean-Lin Lacapelle, eurodéputé RN

à franceinfo

"Je crois qu'il n'y aurait pas pire qu'une alliance avec lui pour nous cornériser. Les Français en ont marre des guéguerres d'appareil et préfèrent l'union du peuple patriote", critique le député européen RN, Jean-Lin Lacapelle. Si Marine Le Pen refuse de s'allier avec Eric Zemmour pour former un grand bloc nationaliste, c'est aussi une question d'image. La dédiabolisation mise en place durant la campagne présidentielle pour se démarquer des outrances de l'ancien journaliste fait partie de la stratégie de la candidate pour les législatives.

"La stratégie de Marine Le Pen est une erreur"

Du côté des soutiens d'Eric Zemmour, en difficulté après ses 7,07% réalisés au premier tour de la présidentielle, on ne comprend pas cette fin de non-recevoir. Pour Gilbert Collard, ancien député RN du Gard qui a rallié le mouvement Reconquête ! il y a quelques mois, "la stratégie de Marine Le Pen est une erreur". L'eurodéputé, qui hésite encore à se représenter dans le Gard en juin avec l'étiquette zemmouriste, craint que son ancien parti ne "divise et condamne le camp des patriotes qui n'en a pas besoin". 

"Partout où Reconquête ! pourra présenter des candidats, il le fera. Mais quand on aura un candidat RN en face, que va-t-il se passer ? Aucun des deux ne sera malheureusement au second tour."

Gilbert Collard, eurodéputé et président d'honneur de Reconquête !

à franceinfo

Des accords au cas par cas

De son côté, Marine Le Pen a annoncé qu'elle serait candidate dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, un fief électoral dans lequel elle avait rassemblé 58,60% des voix au second tour en 2017. Mais la finaliste de la présidentielle sait qu'elle aura besoin d'un nombre important de députés à ses côtés si elle veut continuer à peser dans le débat politique national. Pour faire mieux que les huit parlementaires (dont une apparentée RN) élus il y a cinq ans, le RN ne ferme finalement pas la porte à quelques alliances avec des candidats qui n'ont pas forcément l'étiquette du parti.

Le porte-parole du RN, Laurent Jacobelli, évoque des "accords locaux, au cas par cas, avec tous ceux qui veulent rejoindre l'union des patriotes derrière Marine Le Pen. Il y aura des alliances naturelles au second tour", précise-t-il. Des discussions en coulisses concernent aussi des proches d'Eric Zemmour. Selon des cadres du RN interrogés par franceinfo, Marine Le Pen et Jordan Bardella, le président par intérim du parti, ont accepté de ne pas envoyer de "candidats maison" dans de rares circonscriptions où des soutiens d'Eric Zemmour souhaitent se présenter. Parmi les noms des potentiels candidats : Stanislas Rigault, le jeune président du mouvement Génération Z ou encore l'ancien député LR Guillaume Peltier. "On s'est dit qu'on n'aurait pas trop de mal à travailler avec ces gens-là pour les législatives", concède un ténor du parti.

La présidentielle 2027 en ligne de mire ?

Ces circonscriptions épargnées par le RN se comptent pour l'instant sur les doigts d'une main, mais elles démontrent la volonté de Marine LePen d'asseoir son leadership au sein de la droite nationaliste en France. Avec, pourquoi pas, l'intention de se présenter de nouveau à la présidentielle de 2027. "Marine Le Pen dit souvent que l'artichaut se mange feuille après feuille. Pour le moment, elle est au combat pour les législatives, et même si elle ne s'interdit rien et qu'elle reste pour moi la meilleure, elle ne veut pas enjamber les haies avant l'heure", temporise Sébastien Chenu. La stratégie de l'artichaut portera-t-elle ses fruits?

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