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Réforme des retraites : recul de l'âge légal à 64 ans, pension minimum, carrières longues... Ce que contient la version finale du texte

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur le projet de loi, qui sera soumis au vote du Sénat jeudi matin puis de l'Assemblée nationale l'après-midi.
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L'Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement, le 14 mars 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

C'est le texte définitif. La commission mixte paritaire (CMP), instance réunissant sept sénateurs et sept députés, a accouché mercredi 15 mars de la version finale de la réforme des retraites. Composé de 20 articles, le texte a, sans surprise, été adopté au Sénat, jeudi matin, par 193 voix contre 114.

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Le suspense était en revanche à son comble à l'Assemblée nationale jeudi 16 mars, où l'attitude du groupe Les Républicains, notamment, promettait de faire basculer le sort de la réforme lors de l'examen du texte prévu dans l'après-midi. L'exécutif a donc choisi de dégainer le 49.3 pour faire passer son texte sans vote, s'exposant à une motion de censure et à de vives contestations.

Franceinfo revient sur les principaux points contenus dans la version finale du texte. 

Le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite

La CMP confirme bien le fameux article 7 du projet de loi, qui constitue le cœur de la réforme. Comme initialement proposé par le gouvernement, l'âge légal de départ, c'est-à-dire l'âge à partir duquel un travailleur peut théoriquement prendre sa retraite, est reporté de 62 à 64 ans, à raison d'un trimestre supplémentaire par génération. Les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 seront les premières concernées par la réforme, et pourront prétendre à un départ à la retraite à compter de 62 ans et trois mois. En 2030, l'âge légal atteindra ainsi 64 ans.

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Ce report de l'âge légal est également couplé à une accélération de l'allongement de la durée de cotisation requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Celle-ci sera progressivement portée à 43 ans (soit 172 trimestres) d'ici à 2027, au lieu de 2035 comme le prévoyait la réforme Touraine votée en 2014, soit une accélération de huit ans du calendrier prévu à l'époque. Concrètement, pour toucher une pension complète, les travailleurs nés à partir du 1er septembre 1961 devront désormais avoir cotisé 169 trimestres (42 ans et trois mois) durant leur carrière, contre 168 trimestres actuellement (42 ans). Les travailleurs nés en 1965 seront les premiers à devoir cotiser durant 43 ans.

Le dispositif "carrières longues" étendu à ceux qui travaillent dès 20 ou 21 ans

Autre mesure phare, qui a beaucoup évolué depuis la version initiale : l'aménagement du dispositif "carrières longues", qui permet aux salariés et aux fonctionnaires qui ont commencé à travailler tôt de prendre leur retraite en avance. La CMP reprend en partie la mesure du Sénat, qui avait validé l'extension du mécanisme. La Première ministre s'était dite favorable à cette mesure dès le début du mois de février, en réponse à une demande des députés LR.

Concrètement, ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir un an plus tôt, à 63 ans ; ceux qui ont débuté avant 20 ans auront la possibilité de prendre leur retraite deux ans plus tôt, soit 62 ans. Ceux qui ont commencé avant 18 ans pourront faire valoir leurs droits quatre ans plus tôt, soit 60 ans ; ceux qui ont démarré avant 16 ans pourront terminer leur carrière six ans plus tôt, soit 58 ans. 

Néanmoins, la CMP va plus loin que les sénateurs, en fixant la durée minimale de cotisations, une fois l'âge anticipé atteint, à 43 ans cotisés pour les carrières longues (qui doivent parfois cotiser jusqu'à 45 ans dans le système actuel). Cette mesure est chiffrée à 300 millions d'euros. Toutefois, certains travailleurs devront mathématiquement cotiser plus longtemps s'ils n'ont pas atteint leur borne d'âge de départ après leurs 43 années de cotisation, comme l'a expliqué mercredi l'économiste Michael Zemmour sur Twitter

Le rapporteur du texte au Sénat, René-Paul Savary (LR), l'a reconnu lors des travaux de la CMP. "Il est (...) mathématique que, dès lors que l’on applique des bornes, certaines personnes travailleront quarante-trois ans et d’autres quarante-quatre, selon le moment de l’année où elles sont nées", a-t-il détaillé. 

D'un point de vue plus politique, ce dispositif ne remplit donc pas toutes les exigences du député LR Aurélien Pradié. Ce dernier réclamait par exemple que toute personne ayant commencé à travailler avant 21 ans n'ait pas à cotiser davantage que 43 annuités.

La suppression progressive des régimes spéciaux

La mesure, contenue dans le projet de loi initial, a bien été conservée par les parlementaires de la CMP. La plupart des régimes spéciaux, qui permettent notamment de partir à la retraite avant l'âge légal de départ, vont disparaître. Cela concerne la RATP, les industries électriques et gazières (EDF, Engie, etc.), la Banque de France, mais aussi les clercs de notaire et les membres du Conseil économique social et environnemental (CESE), qui seront désormais affiliés au régime général.

Cette mesure ne touchera toutefois que les nouveaux embauchés : c'est ce que l'on appelle la "clause du grand-père". Depuis 2020, les nouveaux entrants de la SNCF sont déjà affiliés au régime général. En revanche, les régimes autonomes (professions libérales et avocats), et ceux très spécifiques (marins, Opéra de Paris, Comédie-Française) continueront d'exister.

Les travailleurs des régimes spéciaux seront concernés par le décalage de l'âge légal et de départ et l'allongement de la durée de cotisation, mais en 2025 seulement. Un sursis justifié par le fait que la réforme Woerth de 2010, qui a relevé l'âge de départ de 60 ans à 62 ans, ne sera pleinement effective pour ces régimes qu'en 2024. De son côté, la fonction publique continuera de bénéficier d'un mode de calcul de la pension de retraite établi sur les six derniers mois de la carrière, et non les 25 meilleures années.

La revalorisation de la pension minimum

Autre mesure phare, qui a d'ailleurs souffert d'une communication gouvernementale extrêmement brouillonne : la revalorisation des petites pensions. Le texte prévoit bien la revalorisation de la pension minimale des retraités avec une carrière complète à temps plein à au moins 85% du smic net, soit près de 1 200 euros brut à compter du 1er septembre. 

A l'avenir, ce minimum de pension sera indexé sur le smic, et non l'inflation, afin que le ratio de 85% soit valable pour tous les futurs retraités. Cette mesure concernera les salariés, les artisans-commerçants et les agriculteurs.

Combien de personnes bénéficieront réellement de cette mesure ? Début mars, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a admis que 20 000 nouveaux retraités au mieux atteindraient une pension minimale de 1 200 euros brut grâce à la réforme des retraites, soit moitié moins que le nombre brandi mi-février par le même ministre.

Des mesures sur la pénibilité

Les parlementaires ont retenu les dispositifs contenus dans le projet de loi sur la pénibilité. L'accès au compte professionnel de prévention (C2P) sera ainsi élargi à de nouveaux salariés. Ce mécanisme permet aux travailleurs exerçant des métiers reconnus comme "pénibles" de cumuler des points pour pouvoir notamment accéder à un départ anticipé à la retraite. Plus de 60 000 personnes supplémentaires seront concernées chaque année, selon les calculs du gouvernement, essentiellement parmi les travailleurs de nuit ou les salariés exposés à plusieurs risques professionnels. Ce compte permettra en outre de financer un congé de reconversion, afin de changer de métier en cours de carrière.

Un "fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle", doté d'un milliard d'euros sur la durée du quinquennat, est également créé. Il permettra d'aider à financer des actions de prévention et de reconversion pour les salariés exposés à ces risques. Par ailleurs, un "suivi médical renforcé" sera proposé à ces salariés à partir de la moitié de leur carrière. Ce suivi permettra de mieux identifier les salariés nécessitant un aménagement de poste ou de temps de travail, un accès renforcé à une reconversion, voire un départ anticipé à partir de 62 ans – des possibilités qui sont déjà offertes aujourd'hui.

Des mesures pour encourager l'emploi des seniors

Plusieurs mesures à destination des salariés seniors sont conservées, ajoutées ou modifiées dans le texte final retenu par les parlementaires. D'abord le fameux index seniors, qui visait à inciter les entreprises à compter davantage sur les salariés en fin de carrière. La CMP conserve les modifications apportées par le Sénat, en supprimant l'obligation de publication de cet outil pour les entreprises de plus de 50 salariés, seuil qui avait été ajouté par le gouvernement lors de l'examen à l'Assemblée nationale.

Elle conserve également le fait que cette mesure concerne dès le mois de novembre 2023 les entreprises de plus de 1 000 salariés, et à partir de juillet 2024 celles de plus de 300 salariés. Les employeurs seront passibles de sanctions financières en cas de non-publication de cet index. Aucune obligation de résultat n'a été fixée, mais en cas de détérioration des indicateurs d'emploi des seniors trois années de suite, un "plan d'action" devra être mis en place par l'entreprise.

Le texte invite également les partenaires sociaux à se réunir pour "définir des mesures visant à favoriser l'emploi des seniors". En cas d'échec de ces négociations, la réforme prévoit l'expérimentation d'un CDI spécifique aux personnes en fin de carrière à partir de septembre 2023, pour une durée de trois ans. Ce contrat, voulu par la droite sénatoriale, est censé favoriser le recrutement de salariés âgés d'au moins 60 ans via des exonérations de cotisations sociales finançant les prestations familiales. L'employeur ne serait pas tenu de conserver le salarié jusqu'à ses 70 ans, "âge butoir qui représente aujourd'hui un frein à l'embauche de seniors", selon les rapporteurs.

Des mesures spécifiques pour les femmes retenues

Le texte final retient enfin une disposition en faveur de certaines mères de famille qui avait été adoptée par le Sénat et défendue ardemment par la droite de Bruno Retailleau. Il s'agit concrètement d'une surcote de pension allant jusqu'à 5% pour les femmes qui dépasseront les 43 annuités de cotisation requises, sous l'effet des trimestres maternité et éducation des enfants. "Cela touchera 30% des femmes d'une génération", soit "130 000 personnes" par an, avait déclaré le rapporteur de la branche vieillesse, le sénateur René-Paul Savary (LR). La mesure est chiffrée à 300 millions d'euros. 

Autre mesure retenue à destination des femmes et adoptée au Sénat sur proposition de la sénatrice PS Laurence Rossignol : garantir aux femmes un minimum de trimestres de majoration lié à la naissance et à l'éducation d'un enfant. Concrètement, explique le site de Public Sénat, les amendements de Laurence Rossignol garantissent "aux mères de famille de bénéficier d'au moins la moitié des trimestres liée à l'éducation d'un enfant, mais aussi la moitié des trimestres liés à l'adoption d'un enfant." 

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