Déficit public : quelles sont les pistes du gouvernement pour redresser les comptes de l'Etat ?

L'exécutif envisage notamment de freiner les dépenses concernant l'assurance-chômage et n'exclut pas un durcissement de la taxation des "superprofits" des énergéticiens.
Article rédigé par Alice Galopin
France Télévisions
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Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, à l'Assemblée nationale, le 26 mars 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Bruno Le Maire est "ouvert à tous les débats" pour rééquilibrer les comptes de la France. Le déficit public a atteint 5,5% du produit intérieur brut en 2023, selon les chiffres publiés mardi 26 mars par l'Insee, bien au-delà des 4,9% sur lesquels le gouvernement misait. Malgré cet écart, le ministre de l'Economie maintient sa "détermination à rétablir les finances publiques", a-t-il assuré sur RTL, afin de repasser sous l'objectif européen de 3% d'ici 2027. 

En plus des 10 milliards d'euros d'économies déjà annoncés en début d'année, "des efforts supplémentaires" devront être faits pour atteindre cette cible. Bruno Le Maire plaide pour l'organisation d'un "débat collectif" afin de "trancher comment est-ce que les économies vont être faites". Un débat sur l'orientation des finances publiques se tiendra d'ailleurs à l'Assemblée nationale le 29 avril. Si le détail des futures économies et nouvelles recettes n'a pas encore été arrêté, plusieurs pistes de réflexion sont sur la table du gouvernement.

Taxer davantage les superprofits de certaines entreprises...

Dans la majorité, des voix s'élèvent pour convaincre l'exécutif d'augmenter les recettes fiscales. La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, souhaite "entamer la réflexion" sur une contribution "exceptionnelle" des grandes entreprises en cas de "superprofits"ou de"superdividendes". Une idée portée de longue date par le MoDem, allié du parti présidentiel.

"La question des recettes n'est pas taboue", a assuré mardi sur France 2 le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, insistant sur les "superprofits générés par les énergéticiens". Pour l'heure, le gouvernement semble uniquement ouvert à augmenter la contribution sur la rente inframarginale (CRI), une taxe exceptionnelle lancée en 2023 sur les profits des énergéticiens, gonflés ces dernières années par la hausse des prix de l'énergie. Cette taxe n'a rapporté "que 300 millions" d'euros en 2023, "soit dix fois moins que ce qui était prévu", a fustigé mardi lors d'un point-presse Bruno Le Maire. 

Ces déclarations interviennent après la publication d'un rapport de la Cour des comptes, le 15 mars, qui souligne que ce dispositif ne génère pas de recettes "à la hauteur de ce qui serait équitable pour les consommateurs" et suggère au gouvernement de "proposer au Parlement de faire évoluer le champ et les modalités de calcul de la CRI au titre de 2024, afin d'en augmenter le rendement". "On soutiendra toutes les initiatives de la majorité pour aller récupérer une partie de cette rente", a confirmé mardi Thomas Cazenave sur France Inter.

... mais "sans aller piocher dans les poches des Français"

"Je refuse cette solution de facilité, un réflexe qu'on a depuis 30 ou 40 ans en France, qui est de dire, dès que ça va mal pour les comptes publics : 'C'est pas grave, les Français vont payer'", a toutefois réaffirmé Bruno Le Maire. "On peut parfaitement faire des économies sur la dépense publique sans aller piocher dans les poches des Français, et je reste totalement opposé à toute augmentation d'impôts sur nos compatriotes", a-t-il martelé. 

Interrogé sur les baisses d'impôts promises par Emmanuel Macron aux classes moyennes à partir de 2025, Thomas Cazenave a pour sa part assuré que soutenir leur "pouvoir d'achat" et "leur salaire" restait à l'ordre du jour. "C'est l'engagement du président [de] baisser de 2 milliards d'euros les impôts qui pèsent sur eux", a rappelé le ministre délégué aux Comptes publics. 

Il s'agit aussi de "réinterroger les cotisations sociales, la prime d'activité". Sur ce sujet, "un travail est en cours" et il "donnera lieu à des propositions dans quelques semaines", promet Thomas Cazenave.

Freiner les dépenses de santé...

Pour rétablir les comptes publics, le gouvernement mise surtout sur la réduction des dépenses. "La moitié de la dépense publique (...) ce sont les dépenses sociales", relevait Bruno Le Maire samedi dans une interview à Sud-Ouest. Le locataire de Bercy s'est par exemple félicité, mardi sur RTL, du doublement de la franchise sur les médicaments, de 50 centimes à 1 euro, qui entrera en vigueur à la fin du mois. "C'est une façon de dire que le médicament, ça ne peut pas être 'open bar'", justifie-t-il. 

S'il n'est pas question de moins bien rembourser "les personnes qui sont gravement malades", Bruno Le Maire a estimé mardi matin que "la personne qui est bonne santé et qui consomme des médicaments ou qui fait beaucoup d'analyses médicales doit sans doute contribuer davantage". Le ministre a aussi pointé dans les colonnes de Sud-Ouest "les transports médicaux" qui "coûtent plus de 5 milliards d'euros par an". "N'y aurait-il pas des économies à faire ?", interroge-t-il.

En revanche, le gouvernement n'entend pas revenir sur la prise en charge à 100% des soins pour les patients qui souffrent d’affections de longue durée (ALD), a appris ces derniers jours France Télévisions auprès de l'entourage du ministre de la Santé. De la même manière, le remboursement des soins médicaux en fonction des revenus des patients "n'est absolument pas dans les pistes de travail du gouvernement", assure Bercy.

... et les dépenses d'assurance-chômage

"Plus nous aurons de Français qui travaillent, plus nous aurons de possibilités d'équilibrer nos finances", a estimé mardi Gabriel Attal devant l'Assemblée nationale. Pour renflouer les caisses de l'Etat, le gouvernement souhaite une nouvelle réforme de l'assurance-chômage. En février, le Premier ministre avait déjà fait part de sa volonté de revoir les règles d'indemnisation pour instaurer "un modèle social moins coûteux et plus efficace".

L'exécutif envisage notamment de réduire encore la durée des indemnisations des chômeurs, déjà abaissée de 24 à 18 mois depuis février 2023. "Il faut un dispositif d'assurance-chômage où on touche à la durée et pas au montant de l'indemnisation", a récemment plaidé Bruno Le Maire

Des efforts demandés aux collectivités et aux opérateurs de l'Etat

Enfin, le ministre de l'Economie a appelé mardi sur RTL à "une prise de conscience collective sur la nécessité de faire des choix dans toutes nos dépenses publiques", citant en particulier les collectivités locales. "Nous n'avons aucune raison d'être mis à contribution d'un dérapage budgétaire manifeste qui est de la seule responsabilité de l'Etat", a fustigé auprès de l'AFP le premier vice-président de l'Association des maires de France. "L'Etat doit cesser de considérer les collectivités comme des sous-traitants et leur budget comme des variables d'ajustement", juge André Laignel.

Bruno Le Maire s'est par ailleurs engagé à "écrire à tous les opérateurs de l'Etat" dont "les trésoreries se portent bien", citant par exemple le Centre national du cinéma ou Business France. Il va leur demander de formuler sous "un mois" des "propositions d'économies" sur leurs budgets. 

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