Espace : pourquoi la Russie cherche à retourner sur la Lune

Avec ce premier lancement depuis 1976 d'un engin sur la Lune, Moscou cherche à restaurer son image de grande puissance spatiale.
Article rédigé par Capucine Licoys
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La fusée Soyouz et l'atterrisseur Luna-25 sur leur plateforme de lancement, le 11 août 2023, dans le cosmodrome de Vostochny (Russie). (RUSSIAN SPACE AGENCY ROSCOSMOS / AFP)

La Russie veut redorer son blason de grande puissance spatiale. Son atterrisseur Luna-25 doit être lancé vers la Lune, vendredi 11 août, presque cinquante ans après le dernier alunissage russe, a annoncé lundi l'agence spatiale Roscosmos. Pendant un an, l'engin de 800 kg va "prélever et analyser le sol", et "mener des recherches scientifiques à long terme", a-t-elle précisé. Franceinfo vous explique pourquoi Moscou se (re)lance dans l'exploration de la Lune. 

Parce que Moscou veut s'émanciper des Occidentaux depuis la guerre en Ukraine

Depuis le début de son offensive en Ukraine, la Russie est isolée de la communauté internationale, et ses partenariats en matière d'exploration spatiale en pâtissent. L'Agence spatiale européenne a ainsi renoncé à travailler avec Moscou sur le lancement de Luna-25 et des missions suivantes, Luna-26 et 27. Dans ce contexte, la Russie cherche à réaffirmer son rang de puissance technologique de premier plan, indépendamment des Occidentaux. Vladimir Poutine avait d'ailleurs affirmé en avril 2022 que son pays continuerait à mettre en œuvre son programme lunaire, en dépit des sanctions occidentales liées au conflit ukrainien.

Quelques mois plus tard, Moscou annonçait son départ de l'ISS d'ici 2024, et la création de sa propre station spatiale, pour une mise en orbite en 2030. "En créant ses propres missions lunaires, la Russie cherche à trouver sa propre voie par rapport à Artemis et leurs alliés", explique Isabelle Sourbès-Verger, géographe et directrice de recherche au CNRS. Le projet Artemis, piloté par la Nasa, cherche à créer une base durable sur la Lune pour préparer un voyage vers Mars. 

Parce que de nombreux pays sont lancés dans "une course à la Lune"

Ces dernières années, les programmes d'exploration lunaire se sont multipliés. La Corée du Sud a mis en orbite sa première sonde lunaire, baptisée "Danuri", en août 2022, tandis qu'une première mission indienne sur la Lune a débuté en mai avec le lancement de Chandrayaan-3. Les Emirats arabes unis ont rejoint la course en avril, en envoyant dans l'espace leur tout premier véhicule lunaire, le rover Rashid.

Le secteur privé n'est pas en reste. L'entreprise Synergie Moon veut ainsi être "le prestataire de lancement le moins onéreux de la planète", alors que Moon Express souhaite exploiter les ressources en hélium 3 de l'unique satellite permanent de la Terre, explique National Geographic.

La Lune représente une destination d'exploration spatiale abordable, estime Olivier Sanguy, rédacteur en chef du site d'actualités spatiales de la Cité de l'espace, à Toulouse. "C'est la première complexité scientifique vers laquelle peut tendre un programme spatial, en opposition à Mars, Jupiter ou Neptune, qui sont des destinations beaucoup plus coûteuses", souligne-t-il. C'est donc une aubaine pour Roscomos, "sous-financée" selon Isabelle Sourbès-Verger, et qui peine par conséquent à innover depuis une dizaine d'années.

Parce que la Russie veut être pionnière sur l'exploration du pôle Sud

Cinquante ans après les premières missions Apollo, les scientifiques veulent examiner de nouvelles roches provenant de différentes régions lunaires, relève Courrier international. C'est précisément la raison pour laquelle Luna-25 doit se poser au pôle Sud, "en terrain difficile", précise Roscosmos. La Russie mise sur ce territoire peu exploré pour réaliser des découvertes scientifiques "qui auraient un retentissement international", analyse la géographe Isabelle Sourbès-Verger.

En juillet, le patron de Roscosmos affichait déjà cette ambition, annonçant que "l'avenir des vols habités russes" se baserait sur "un programme scientifique systémique et équilibré pour que chaque vol nous enrichisse en connaissances". Parmi les ressources convoitées figure la glace d'eau, conservée dans des milliards de petits cratères appelés "pièges froids". Selon des études réalisées par la Nasa, la Lune contiendrait 600 millions de tonnes de glace d'eau.

Parce qu'elle veut se rapprocher de Pékin

Dans cette course à la Lune, la Russie s'est déjà trouvé un allié : la Chine. Fin août 2021, les deux pays ont signé un mémorandum pour construire une station spatiale "à la surface ou en orbite" de la Lune. S'ils ont déjà collaboré dans le domaine de l'exploration spatiale, ce projet est d'une envergure sans précédent.

Pékin "a un très beau programme spatial, ouvert à l'international, et cette collaboration est prometteuse", explique Jessica Flahaut, géologue lunaire au Centre de recherches pétrographique et géochimiques de Nancy, interrogée par Franceinfo. En décembre 2020, la Chine est ainsi devenue le troisième pays, après les Etats-Unis et la Russie, à ramener des échantillons lunaires grâce à sa sonde Chang'e 5.

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