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Frais professionnels, temps de travail, congés... Comment le télétravail est-il encadré depuis le déconfinement ?

Vous continuez le télétravail après le déconfinement ? Voici les règles qui s'appliquent et les devoirs de votre entreprise pour éviter les abus du télétravail confiné.

Article rédigé par franceinfo - Pauline Pennanec'h
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Un salarié en télétravail à son domicile, le 19 mars 2020, à Bourges (Cher). (MAXPPP)

Cinq millions de Français ont télétravaillé durant les 55 jours de confinement. Une expérience nouvelle pour de nombreux salariés... dont une très grande partie vont devoir poursuivre leur activité depuis leur cuisine ou leur salon, même si le déconfinement a commencé. C'est d'ailleurs ce qu'affirmait la ministre du Travail Muriel Pénicaud, lundi 4 mai sur franceinfo : il est "raisonnable de dire" qu’un télétravail massif aura lieu au moins jusqu'à l'été pour réussir le déconfinement.

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À l'avenir, les grandes entreprises pourraient d'ailleurs le pérenniser, elles qui n'imaginent pas faire revenir "plus de 10% de leurs effectifs" tout de suite, indiquait, vendredi 8 mai sur franceinfo, Benoît Serre, vice-président délégué de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Mais il faudra des adaptations, car "le télétravail qu'on a connu depuis deux mois, c'est un télétravail confiné, permanent, dans des conditions parfois difficiles". Le télétravail confiné a parfois été forcé, non-anticipé, est qualifié par beaucoup de "dégradé" : selon une récente étude Opinion Way, 44 % des salariés Français interrogés durant le confinement se sentent en situation de "détresse psychologique". Un quart d'entre eux est en risque de dépression. Avec le déconfinement, un certain nombre de règles doivent s'appliquer pour éviter les abus. franceinfo fait le point.

Abonnement internet, ordinateur... la prise en compte (ou pas) de vos frais

"Le télétravail, c'est tout seul à la maison, sur des horaires bien définis, avec une entreprise qui prend en charge les frais de connexion et d'électricité", expliquait, vendredi 1er mai sur France Inter, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. Pour beaucoup de salariés, le basculement vers le travail à distance a été massif et mal anticipé, sans aucun cadre collectif pour encadrer la pratique. Concernant les frais, il est difficile de s'y retrouver. Selon la jurisprudence, l’employeur a une obligation de prise en charge des frais professionnels. Elle peut notamment se faire sous forme d'une allocation forfaitaire, qui peut aller de 10 à 50 euros par mois, en fonction du nombre de jours télétravaillés.

Mais en pleine crise sanitaire, est-ce vraiment le cas ? Il y a ambiguïté. Dans son guide du télétravail, le ministère du Travail assure que l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, depuis les ordonnances Travail de 2017. Seule exception à la règle : si l’entreprise est dotée d’un accord collectif ou d’une charte qui la prévoit. "Effectivement, il est possible qu'une charte ou un accord relatif au télétravail prévoit le remboursement de l'abonnement internet par le biais d'une somme forfaitaire mais ce n'est pas une obligation", explique à franceinfo Pauline André-Poyaud, chargée des relations sociales.

Si le collaborateur utilise sa ligne internet personnelle, il faudrait alors qu'il justifie du nombre d'heures qu'il a dédiées exclusivement à son activité professionnelle.

Pauline André-Poyaud

à franceinfo

Et mon abonnement transport, sera-t-il toujours remboursé de moitié ? En principe, tout employeur a l’obligation de prendre à sa charge 50% du coût total des titres de transport de ses salariés, que vous soyez en télétravail ou non. "La suspension du remboursement des titres de transports ne pourrait a priori concerner que les salariés qui n’ont pas à se déplacer pour l’exercice de leur activité (télétravailleurs, salariés en arrêts de travail…)", indique à franceinfo James Geist-Mokhefi, juriste spécialisé en droit du travail du cabinet Flichy Grangé Avocats et enseignant à Sciences Po.

Vous vous êtes retrouvé du jour au lendemain parfois sans matériel, à devoir utiliser votre ordinateur personnel et un coin de table pour plancher sur vos dossier : vous avez peut-être dû vous acheter un tapis de souris, voire même un ordinateur. Mais sachez que votre employeur est chargé, selon l'Urssaf, "de fournir, d’installer et d’entretenir les équipements nécessaires au télétravail régulier, sauf si le télétravailleur utilise son propre équipement". Renseignez-vous auprès de votre service des ressources humaines pour connaître les mesures mises en place dans votre entreprise.

Congés, accident du travail... Vos droits en tant que salarié à la maison

Soyons clairs : "Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise", précise l'article L.1222-9 du Code du travail. Et même face à une situation exceptionnelle, tout n’est pas permis. La CGT affirme par exemple avoir évté contactée par de nombreux employés, dont les droits ne sont pas respectés. Concernant les droits habituels en matière de restauration, ils sont maintenus. Si vous percevez des tickets restaurant, vous y avez toujours droit.

Le ministère du Travail a rappelé le 9 mai dernier que les droits habituels, en matière de restauration, comme la prime de repas, sont maintenus.

James Geist-Mokhefi

à franceinfo

Serais-je couvert.e si je me blesse à la maison ? "Oui, répond Pauline André-Poyaud, "l'article L. 1222-9 du code du travail prévoit que l'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle est présumé être un accident du travail." Cette présomption s’applique aussi bien au télétravail régulier qu’occasionnel. Toutefois, elle précise que "si l'employeur entend contester cette qualification, il lui appartiendra de renverser cette présomption s'il estime que l'accident a été occasionné par une cause étrangère au travail."

Concernant les congés, selon une enquête du collectif des jeunes diplômés de l’Ugict, l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT, 55 % des cadres du privé, la moitié des professions intermédiaires, et 45 % des ouvriers-employés ont déclaré perdre des congés durant le confinement. C'est la même règle pour tout le monde : vous les cumulez normalement, que ce soient les RTT ou les congés payés. Mais faites attention, télétravail ne veut pas dire travailler tout le temps : "Le télétravail ne peut être pratiqué que pendant les jours et horaires de travail". Le guide du ministère du Travail précise que "votre employeur ne peut pas vous imposer de télétravailler pendant des jours de repos. Dans tous les cas, la prise obligatoire de jours de congés ne peut être prévue que par accord collectif."

Horaires, temps de travail... Vos obligations et celles de votre employeur 

"Vous restez tenu par vos obligations professionnelles en télétravail, seul le lieu change", indique James Geist-Mokhefi. Le rythme a été éffréné pour beaucoup. Surcharge de travail, non-respect du droit à la déconnexion, non-respect des horaires... "Il faut en finir avec le télétravail en mode dégradé !", exigeait l'Ugict-CGT dans un communiqué. Selon la loi, les horaires de travail doivent être respectés. D'après le mode d'emploi du télétravail mis en place par le ministère du Travail, "l’employeur fixe vos horaires de travail et vous devez être opérationnel et disponible pendant les horaires fixés." Le mode d'emploi précise que "les droits au temps de pause et de déjeuner restent inchangés". Si vous avez une heure pour déjeuner à midi, prenez-la.

Vous n'avez pas de bureau dans votre logement, ni d'espace pour travailler dans de bonnes conditions ? Cela n'est pas une obligation formelle, sauf si la charte d’entreprise le précise. Et difficile de pousser les murs : cela n'était pas possible pendant le confinement, cela ne le sera pas davantage avec le déconfinement... Toutefois, "votre employeur peut prendre en compte les situations propres à chaque salarié pour organiser l’activité tout ou partie en télétravail ou pour vous demander de reprendre votre poste dans les locaux de l’entreprise", précise le ministère du Travail. Pour votre santé, il est primordial d'aménager un espace de travail.

Les employeurs pourront faire preuve de compréhension du fait que le télétravail peut avoir un impact négatif sur la concentration, la réactivité, et l’efficacité des collaborateurs.

James Geist-Mokhefi

à franceinfo

Enfin, le droit à la déconnexion existe. Ce n'est pas parce que vous travaillez de la maison que vous devez décrocher votre téléphone ou répondre à un mail à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Et ce d'autant plus que la situation de télétravail se prolonge. Selon le ministère du Travail, "la distinction entre temps de travail et temps de repos doit être claire et garantir le droit à la déconnexion des salariés." Ainsi, depuis le 1er janvier 2017, le droit à la déconnexion oblige les entreprises de plus de 50 salariés à trouver un accord d’entreprise sur la gestion de la disponibilité des employés en dehors des horaires du travail. James Geist-Mokhefi le rappelle : "Les managers doivent veiller à la charge de travail des collaborateurs de leur équipe, limiter au maximum les envois d’emails tardifs, et éviter autant que possible d’envoyer des sollicitations nécessitant une réponse immédiate pendant les heures de déconnexion."

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