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Déconfinement : la suspension de l’usage des drones à Paris par le Conseil d’État "a vocation à faire jurisprudence", assure la Ligue des droits de l’Homme

C’est "les drones dans l'ensemble de la France qui vont rester cloués au sol", se réjouit maître Patrice Spinosi, invité de franceinfo, lundi 18 mai. 

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Un drone vole près de la Tour Eiffel à Paris, le 27 février 2015. (photo d'illustration) (DOMINIQUE FAGET / AFP)

"C’est évidemment une très belle victoire", a réagi ce lundi 18 mai sur franceinfo l’avocat de la Ligue des droits de l’homme Patrice Spinosi après la décision du Conseil d’État de suspendre l’usage des drones pour contrôler le déconfinement à Paris. "Cette décision a vocation à faire jurisprudence, donc c’est bien les drones dans l'ensemble de la France qui vont rester cloués au sol", a affirmé maître Spinosi. Selon lui, cette décision est "un rappel à l'État, à l'administration, que l'on ne peut pas faire n'importe quoi avec les objets dont on dispose dans son arsenal."

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Les associations "La Quadrature du Net" et la Ligue des droits de l’homme (LDH) avaient déposé un recours en urgence le 2 mai contre l'utilisation des drones de la préfecture de police de Paris, pointant l'absence de tout cadre légal spécifique concernant l'utilisation des images filmées.

Pour utiliser ces drones, il convient de "prendre un arrêté, donc créer une réglementation spécifique pour ces drones", a expliqué Me Spinosi. Cet arrêté "doit être réalisé après un avis de la Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés], qui est l'autorité indépendante qui s'occupe du droit des données personnelles", a-t-il détaillé.

franceinfo. Quel est votre sentiment après cette décision du Conseil d’État ?

Me Patrick Spinosi. C'est évidemment une très belle victoire. Nous nous battions précisément pour que les drones soient encadrés et nous obtenons du Conseil d’État qu'il constate l’absence de toute réglementation pour l'usage de ces drones. Et que tant que cette réglementation n'a pas été édictée, l'impossibilité de les utiliser. Les drones ne peuvent plus décoller depuis la décision du Conseil d’État. À Paris, mais globalement, cette décision a vocation à faire jurisprudence donc c’est bien les drones dans l'ensemble de la France qui vont rester cloués au sol.

Comment faire pour que l’usage des drones soit encadré ?

Ce qu'il convient de faire, c'est prendre un arrêté, donc créer une réglementation spécifique pour ces drones. Cet arrêté doit être réalisé après un avis de la Cnil, qui est l'autorité indépendante qui s'occupe du droit des données personnelles, pour que l'usage de ces drones puisse être réglementé. La seule bonne foi de l'administration dans son utilisation ne suffit pas. Ce qui a été démontré, c'est qu'il y a une possibilité pour ces drones d'identifier, de distinguer les personnes. C’est bien ce qui pose difficulté.

Et il appartient, pour que la Cnil valide la possibilité d'utiliser ces images, qu‘il y ait une certaine garantie qui soit donnée par l'administration : absence de conservation, impossibilité de les traiter, destruction de ces images. Sachant, il convient de préciser, que l'arrêté qui a été rendu en ce moment par le Conseil d'État concerne l'hypothèse où il n'y avait même pas d'enregistrement des images, mais simplement une captation en temps réel. Et cela a suffi pour considérer qu'il y avait un traitement de données personnelles interdit du fait de son absence de toute base légale.

Est-ce que vous considérez cette décision du Conseil d'État comme une sorte de rappel à l'ordre au ministère de l'Intérieur ?

Oui, bien sûr. D'abord, l'attachement du Conseil d'État au droit des données personnelles et aux libertés fondamentales numériques. Et puis, c'est un rappel à l'État, à l'administration, que l'on ne peut pas faire n'importe quoi avec les objets dont on dispose dans son arsenal. Ici, les drones n'avaient pas comme vocation à être utilisés pour faire du maintien de l'ordre. Ils ont été utilisés sans aucun cadre légal. Le Conseil d'État intervient et dit : cela n'est pas possible parce que vous portez atteinte au droit aux libertés personnelles.

Est-ce que cette décision illustre les difficultés de faire la part entre les mesures sanitaires et sécuritaires ?

Pas particulièrement, puisque ici on était véritablement dans le cadre d'une utilisation des drones pour vérifier les mesures de confinement. Donc, il n'y avait pas, en tout cas dans cette affaire, de dérive sécuritaire par rapport à l'excuse sanitaire. En revanche, ce qui est certain, c'est qu'il y avait une dérive de l'utilisation de ces appareils qui permettent d'enregistrer des données personnelles sans qu'il y ait une quelconque réglementation qui permette de vérifier l'usage de ces différentes données. Et c'est bien là ce qui est critiqué. Certes, on peut potentiellement utiliser des drones, mais à condition que cela ait été expressément organisé et autorisé par la réglementation, ce qui n'est pas encore le cas pour le drone.

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